Pour comprendre la crise

Aujourd’hui, nous passons au milieu des faits comme des ombres dans le royaume des ombres. Des vents virtuels chassent ce que nous pourrions comprendre, retenir ou comparer ; sans mémoire ni armure intellectuelle, nous voguons désemparés. Dans cette ronde affreuse des moyens déchaînés, personne ne sait plus où l’on va, tout se banalise : les buts sont oubliés, les fins dépassées. L’homme part vers nulle part à des vitesses astronomiques.

Comment mieux appréhender le monde tel qu’il devient ? Comment retrouver le sens des événements et l’ossature morale dont chacun de nous a besoin pour résister et peser sur une réalité de plus en plus affligeante ? Peut-on encore examiner les profondeurs et cerner les aspects les plus fondamentaux de la connaissance ?

L’immense intérêt du dernier livre de René Passet - Les Grandes Représentations du Monde et de l’Economie à travers l’Histoire - est de nous aider à répondre à ces questions de façon simple et intelligible. Mieux, ces pages précises nous proposent une synthèse admirable du patrimoine intellectuel mondial – historique, philosophique, psychologique – et, bien sûr, économique… Qu’on se le dise : nous ne sommes pas ici en présence d’un usuel courant mais plutôt d’un livre-monde, aboutissement de toute une vie : l’auteur, pionnier de l’approche transdisciplinaire et ancien président scientifique d’ATTAC, replace l’histoire des théories économiques, depuis la Grèce antique jusqu’à nos jours, dans le long mouvement des mutations de la pensée. Les cinq grandes parties de l’ouvrage se lisent sans effort : de l’univers magique au pouvoir des princes, de l’horloge mécanique universelle à l’émergence de l’immatériel et à la « destruction créatrice » (1), les idées ou les préjugés relatifs à l’économie et au devenir de nos sociétés sont remis en perspective.

A l’issue de cet exigeant inventaire, René Passet souligne l’impasse où nous mène le néolibéralisme ; celui-ci ne se limite pas à accroître les inégalités de façon exponentielle : il rétrécit aussi l’Homme, le réduisant de toute part. « Assisterons-nous à la fin de l’Homme, remplacé par Cyborg ? » L’auteur répond par un appel à la résistance : « Tant qu’il y aura des hommes, » explique-t-il, « il y aura une histoire des hommes, guidés par cette volonté d’aller au-delà d’eux-mêmes, dans la poursuite de ce qu’on appelle – encore – un idéal ».

On dit souvent qu’un livre est une lettre à un ami. Cette impressionnante somme est aussi une bouée, à lire d’urgence par temps de crise !

(1) Selon l’économiste Joseph Schumpeter (1883-1950 ), le processus de « destruction créatrice » constitue la donnée fondamentale du capitalisme : il s’agit de « détruire continuellement les éléments vieillis et de créer continuellement des éléments neufs » (Capitalisme, socialisme et démocratie)

• 

  Les grandes représentations du monde et de l'économie à travers l'histoire [Texte imprimé], de l'univers magique au tourbillon créateur... René Passet

  de Passet, René
  les Liens qui libèrent
  ISBN : 9782918597087 ; 19,00 € ; 13/10/2010 ; 958 p. ; Broché

  Go Amazon