Tchétchénie, le déshonneur russe de Anna Politkovskaâ

Tchétchénie, le déshonneur russe de Anna Politkovskaâ

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Economie, politique, sociologie et actualités

Critiqué par Dirlandaise, le 6 mai 2010 (Québec, Inscrite le 28 août 2004, 68 ans)
La note : 10 étoiles
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Une femme d'exception

Née en 1959 en Russie, Anna Politkovskaïa était grand reporter pour le journal Novaïa Gazeta, pratiquement le seul journal russe à rendre compte de la situation en Tchétchénie. En trois ans, elle se rendit à quarante reprises en Tchétchénie pour des missions journalistiques afin de couvrir la deuxième guerre russo-tchétchène. Anna était une emmerdeuse, une tenace qui ne se contentait pas de la version officielle du Kremlin au sujet de nombreuses exactions commises sur le territoire tchétchène par les officiers russes. Elle cherchait, enquêtait et allait au fond des choses. Elle a d’ailleurs payé de sa vie, à l’instar de sa collègue et amie Natalia Estemirova, sa ténacité et son goût de la justice et du respect de la vie humaine.

Dans ce livre, madame Politkovskaïa rapporte les nombreux témoignages qu’elle a recueillis de la bouche des Tchétchènes qui ont subi des atrocités ou qui ont perdu souvent plusieurs membres de leur famille dans des opérations de nettoyage ou des attentats à la bombe au nom de la soi-disant lutte anti-terroriste sous le couvert de laquelle Vladimir Poutine justifie le comportement de son armée dans cette région de la Russie particulièrement nationaliste et avide d’indépendance. La journaliste russe brosse un tableau complet de la situation et explique de façon tout à fait pertinente qui sont les combattants tchétchènes et leurs motivations. Plus loin, elle retrace les événements de la tragédie de Chatoï où six citoyens respectables d’un petit village dont une femme sur le point d’accoucher et un directeur d’école furent lâchement massacrés alors qu’ils rentraient tranquillement chez eux à bord d’une camionnette. Elle raconte aussi son rôle dans la célèbre prise d’otages de « Nord-Ost » quand une quarantaine de « terroristes » tchétchènes prirent en otages près de huit cents personnes qui se trouvaient au théâtre de Doubrovskaïa de Moscou en 2001. Madame Politkovskaïa a servi d’intermédiaire pour les négociations à la demande du chef des insurgés. Tout simplement hallucinant comme lecture, meilleur que les meilleurs romans d’espionnage mais ici, c’est la réalité telle que vécue par cette femme au courage exceptionnel.

Madame Politkovskaïa nous explique également dans un chapitre vers la fin de son incroyable livre, pourquoi elle n’aime pas Vladimir Poutine et nous expose les trois jeux de celui-ci afin de tenir la population moscovite et toute la Russie dans un climat de racisme et de haine envers la population tchétchène.

Dans le post-scriptum, la journaliste raconte les conditions de vie auxquelles doit faire face une femme comme elle lorsqu’elle se trouve en mission dans cette région où l’eau est une denrée rare et extrêmement précieuse. En effet, impossible de se laver en Tchétchénie et se voir offrir un bain par les militaires bien approvisionnés en eau potable constitue le nec plus ultra. C’est un bonheur incommensurable nous confie-t-elle. Elle raconte aussi les circonstances de son arrestation et le simulacre d’exécution qu’elle a subi et qui l’a laissée traumatisée pendant de nombreux mois par la suite.

Enfin, c’est un livre formidable écrit par une femme tout aussi formidable, incroyablement courageuse et intègre. Un témoignage exceptionnel dont la lecture nous fait apprécier le confort et la paix qui règnent dans notre pays. Mais c’est aussi un livre qui dérange et qui bouleverse. Je regrette vivement la disparition de cette femme, c’est une honte pour l’humanité et pour les Russes.

« Je ne l’aime pas (Poutine) parce qu’il ne consacre pas l’essentiel de ses efforts à la paix et à la prospérité de son pays, à l’épanouissement du commerce et de l’industrie, aux succès de la science et des arts, mais à la seconde guerre tchétchène — une des plus cruelles et moyenâgeuses que la Russie ait jamais menées. »

« De mois en mois et d’année en année, depuis bientôt dix ans, sur ce territoire de malheur, des centaines de milliers de personnes endurent des conditions inhumaines. Mais, comme nous tous, ces gens vivent, aiment, espèrent… Eux, c’est nous. Lorsque nos hommes politiques agitent leurs glaives, nul n’est à l’abri de se retrouver un jour, à son tour, victime de leurs ambitions, comme ces civils tchétchènes. »

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