Une oeuvre hélas posthume à l'enterrement du débat sur l'identité nationale

Le choix de ce livre a d’abord été motivé par la curiosité envers un homme abhorré par une gauche qui n’a toujours pas digéré son ralliement à Nicolas SARKOZY en 2007, et jamais accepté véritablement par une droite qui va bientôt lui reprocher le résultat des élections régionales en ayant mené le débat sur l’identité nationale (débat, soit dit en passant, qu’aucun politique de droite républicaine n’a jamais eu le courage de mener avant !).

Au-delà de la personnalité de l’auteur, actuel Ministre de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité Nationale et du Développement solidaire, j’ai été curieux de voir comment un homme de gauche pouvait tenter de s’approprier le thème de la Nation, thème pourtant constamment repoussé par les idéologues socialistes qui lui préfèrent la thématique républicaine.
Je me suis plongé dans ce livre avec donc beaucoup de curiosité mais aussi des préjugés vite balayés. Dans cet essai, l’auteur traite en 120 pages d’un sujet passionnel avec toute la raison et l’intelligence qui le caractérisent.

Le style de démérite pas tout au long de cet opuscule ; il est clair, concis et sans lourdeur. En effet, à aucun moment, Eric BESSON ne se perd dans des conjectures métaphysiques inutiles mais, bien au contraire, analyse de façon pragmatique, à l’aune de faits historiques, sociaux et politiques les diverses caractéristiques de la Nation.

Il dénonce dès le premier chapitre « une Nation taboue », la politique de l’autruche de la gauche et des intellectuels qui n’ont jamais souhaité expliciter la Nation ou l’identité nationale au motif, qu’elle serait intrinsèquement porteuse d’une déviance… le nationalisme.
Dès les premières pages, il lie clairement identité nationale et immigration : « Le mot nation serait trop sensible pour être rapproché de celui d’immigration, alors même que cette Nation s’est constituée, depuis l’origine, par des vagues successives d’immigration. »
En page 10 il écrit même « La Nation française, elle, doit assimiler » et lie cette assimilation à l’intégration dans la société française.

Enfin, les politiques acceptent l’idée que le concept d’intégration a été galvaudé et que la seule intégration qui vaille n’est pas celle qui cultive les différences, mais celle qui permet au contraire, au candidat à l’intégration, de se fondre dans la masse des citoyens français.
Il rappelle quelques fondamentaux historiques, grandes invasions et migrations qui conduisent à l’idée de Nation Française : à Clovis la langue romane, la religion catholique et la capitale, à Philippe Auguste la fierté nationale ; à François 1er la langue unique ; et enfin aux soldats de l’an II repoussant à Valmy la coalition des monarchies.
Pour le cas de la France, il rappelle que la Nation n’a pas précédé l’Etat mais « l’Etat, centralisateur a créé la Nation »…cette idée vient renforcer ma conviction que trop d’émiettement communautariste, trop de décentralisation fragilisent nécessairement notre Nation.

Il réhabilite également dans un chapitre intitulé « Nation, garantie des Droits de l’Homme et du Citoyen » l’idée selon laquelle « Effacer les frontières, ce n’est pas s’ouvrir aux autres. C’est ouvrir le pays à toutes les régressions. C’est se replier sur soi. Avec l’accroissement des échanges économiques….notre monde a besoin de frontières pour être régulé ».
Il aborde avec clarté et sérénité des thèmes plus actuels comme le port de la burqa, la revendication identitaire, l’égalité des chances dans la promotion sociale, la discrimination positive.

Le seul vrai moment d’humeur d’Eric BESSON est celui dressé à l’encontre de « ces belles âmes qui se prennent pour Robin dans les bois de Sherwood, voire Jean Moulin dans le maquis. Ils sont en mal de cause juste. Par la plume et le verbe, ils se rêvent résistants. Ils comparent les étrangers en situation irrégulière aux juifs sous l’Occupation. Ils assimilent les centres de rétention administrative (créés par Mitterrand) aux camps de concentration… Ce rapprochement permanent de la situation des juifs sous l’occupation nazie et de celle des étrangers en situation irrégulière dans notre République… continue à me choquer au plus haut point »
Quelques reproches quand même, d’abord les contradictions évidentes entre le début et la fin du livre qui me laissent le sentiment qu’il a voulu en faire plus qu’il n’en était lui même convaincu.

En effet, le terme d’assimilation par exemple, n’est finalement cité qu’une fois, puis il revient sur le concept pseudo-moderniste d’intégration tout au long du livre.
Ensuite, comme beaucoup d’hommes de gauche, il a la naïveté de dater « la naissance de notre conscience nationale moderne à la Révolution Française » ; or il n’y a pas de conscience nationale classique ou moderne…la conscience nationale s’est forgée, parallèlement au concept de Nation, a évolué depuis Clovis au fil de l’Histoire. Pourquoi cette obsession de vouloir affirmer que tout débute à la Révolution ?

Enfin, il affirme, P73, que « oui, la religion musulmane doit avoir sa place dans l’espace public… la diversité des identités n’est pas un danger pour notre Nation »
Au contraire, dans notre pays de fondement chrétien et désormais laïc, les autres religions n’ont pas à occuper ostensiblement l’espace public, or l’Islam est un juridisme de conquête de l’espace public… peut-il donc se tourner vers l’intériorité, comme a su le faire le judaïsme français ?

Des questions qui méritaient développement.

Vous l’aurez compris le positionnement d’Eric BESSON m’est apparu courageux, pragmatique et raisonné plutôt que passionné.

Cette œuvre est malheureusement arrivée comme une réflexion posthume à l’enterrement de 1ère classe du débat sur l’Identité Nationale.

Fabrice ROUDERIES

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  Pour la nation [Texte imprimé] Éric Besson

  de Besson, Éric
  B. Grasset
  ISBN : 9782246767114 ; 12,20 € ; 06/01/2010 ; 120 p. ; Broché

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