La révolution de Madame Thatcher, ou, La fin de l'ère socialiste de Peter Jenkins
( Mrs Thatcher's revolution : the ending of the socialist era)
Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Economie, politique, sociologie et actualités
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Maggie le Messie ?
Ou comment Peter Jenkins (1934-1992), journaliste politique, revient sur l'ascension de Margaret Thatcher.
Si l'Angleterre a lancé une Révolution Industrielle qui va bouleverser le monde et le propulser dans une nouvelle ère économique, pour des raisons internes ( un pauvre système éducatif, apparemment ) elle n'a pourtant pas su s'adapter aux changements de plus en plus rapides qui en découlent. Le Royaume-Uni se modernise a la traine, d'autres pays accaparent le devant de la scène et le chômage commence, déjà, a grimper.
Jenkins ne s'attarde pourtant pas trop sur cet historique, ce n'est pas son propos, mais il revient dessus parce que pour lui il est essentiel pour comprendre la situation d'après 1945. Pour lui c'est en effet cette histoire, qui amorce une longue période de crises, couplée avec l'échec des politiques socialistes qui se succèdent après guerre, qui propulseront le Royaume vers un rapide déclin et, effet domino, expliquer en partie l'ascension de Margaret Thatcher.
Un pays en voie de sous-développement ? Après guerre beaucoup le pensent. Une croissance au ralenti, peu d'investissements, un taux d'inflation qui atteindra les 13%, des dépenses publiques incontrôlables qui pèsent lourdement sur le contribuable et surendettent l'Etat, près de 5 millions de pauvres, plus d'un million et demi de chômeurs et puis, et puis... Des syndicats surpuissants qui, à cause de leur radicalisme, contribueront à envoyer le Royaume à sa perte.
Les syndicats : impossible en effet pour les politiciens de réformer sans s'attirer leur colère. Soit on leur cède tout d'emblée, en sachant pertinemment que c'est irresponsable ( politique des Labours ), soit on essaye de s'élever mais, face à l'ampleur des grèves, la pression de la rue, on finit par céder ( ce que font les Conservateurs ). Quant au lendemain des grèves de 1974 Edward Heath pose la question "qui gouverne ?" nul dans le pays ne doute que ce n'est certainement pas lui, Premier Ministre, mais les militants du TUC ( Trade Union Congress -Congrés des Syndicats ) qui donnent le LA quoiqu'il arrive.
Deux choses vont pourtant se produire qui contribueront à leur chute, et donc à la montée au pouvoir de Margaret Thatcher : 1/ leur radicalisme provoquera la perte du Labour Party, laissant le paysage politique aux mains des Conservateurs; 2/ les grèves, trop c'est trop, finiront par exaspérer le peuple.
En effet, si les Travaillistes et les syndicats sont proches, des changements internes au Parti permettront à ces derniers d'y gagner une influence considérable, au point d'en décider officieusement qui en seront les leaders. Etant d'obédience marxiste, le parti socialiste se laisse alors gangréner par l'idéologie marxiste et virera vers l'extrême-gauche; un socialisme obsédé par la lutte des classes, coincé au XIXème siècle, inadapté au monde moderne, dépassé, enfermé dans un dogmatisme dans lequel personne ne se reconnait. Si les déchirements, luttes internes et autres divisions idéologiques pousseront certains à en claquer la porte pour créer un autre Parti ( le SDP-Alliance Liberale, ancêtre des Libéraux Démocrates ) il est déjà trop tard : l'électorat a commencé à s'enfuir pour aller se réfugier chez les Conservateurs.
Les grèves de 1979, ensuite, porteront le coup de grâce. Callaghan, pour réduire l'inflation, décide de fixer un plafond de 5% pour les augmentations de salaires. Les syndicats -est-ce une surprise ?- protestent. Grèves dans les usines, grève des éboueurs, grèves du personnel médical, grève des mineurs, grève des routiers, grève des employés du rail etc... L'Hiver du mécontentement, pourtant moins pire que les grèves de 1974 d'après Jenkins, sera la goutte d'eau qui fera déborder le vase. L'opinion publique, là, en a plus que marre.
Un pays inadapté au monde moderne et le Labour Party qui s'effondre sous le poids d'un radicalisme syndical qui exaspère le peuple : tout est mûr pour que les Conservateurs aient le champ libre. Menés par Margaret Thatcher, ils s'empareront du pouvoir aux élections de 1979. Une révolution commence.
La suite on la connait : elle pour qui le socialisme est comme l'Antéchrist, une monstrueuse hérésie économique, va changer radicalement le pays pour le remettre sur les rails.
La responsabilité individuelle remplace l'Etat nounou; les syndicats, après un dernier baroud ( les grèves de mineurs en 1984 ) sont éjectés sans pitié du paysage politique; les privatisations se multiplient à tour de bras qui feront une nation d'actionnaires ( 5 millions de plus qu'en 1979 ); l'Etat se désengage de tout même des logements sociaux ( elle est celle qui permettra à 2,5 millions de familles vivant dans de tels logements de devenir propriétaires ) etc... Le Royaume est transformé, non sans casse -rappelons qu'elle laissera 3 millions de chômeurs et 10 millions de pauvres sur le carreau.
Si Peter Jenkins, pourtant critique, ne juge pas ( le livre date de 1987, lorsqu'elle entame son troisième mandat, donc encore trop tôt pour émettre un quelconque jugement ) il revient sur son ascension, la remet dans son contexte et montre en quoi sa politique tranche radicalement avec tout ce qui s'est fait auparavant.
Margaret Thatcher fut bel et bien une révolution, une politique de conviction, une philosophie et un style au-delà d'une énième administration, un énième gouvernement. Il y a un avant et un après Thatcher; on découvre ici en quoi son héritage sera déterminant pour le paysage politique britannique des années à venir.
Fascinant.
Les éditions
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La révolution de Madame Thatcher ou La fin de l'ère socialiste [Texte imprimé] Peter Jenkins trad. de l'anglais par Eléonore Bakhtadzé et Bernard Ferry ; avec le concours de Michelle-Irène Brudny de Launay et Georges Liébert
de Jenkins, Peter
R. Laffont / Notre époque.
ISBN : 9782221066447 ; 23,20 € ; 16/04/1991 ; 430 p. ; Broché
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