Paparazzi politique

Alan Clark ( 1928-2002 ), parlementaire et ministre conservateur, est resté célèbre au Royaume-Uni pour son "Journal", trois volumes qui constituent un regard de l'intérieur franc et détonnant sur le gouvernement Thatcher, dont il était membre. Ion Trewin, journaliste, éditeur, avait alors collaboré a la publication de ce fameux "Journal"; plus de quinze ans après il revient sur le cas Clark en lui consacrant cette biographie.

J'y ai vu trois pans de lecture : ses débuts en tant qu'historien militaire, sa carrière politique, sa vie privée.

Les chapitres concernant sa carrière d'historien, spécialiste des deux guerres mondiale, sont passionnants. Fouillés, détaillés, on y découvre un intellectuel aux opinions radicales, parfois audacieuses, en tous cas non-conventionnelles auxquelles les livres font encore référence aujourd'hui. Rien à redire a ce niveau-la, MAIS ce n'est pas ce que l'on cherche en ouvrant le livre. Soyons franc : lire une biographie d'Alan Clark c'est vouloir en savoir plus sur le politicien, ses engagements, ses motivations et, malheureusement, c'est là que le livre commence a perdre en intérêt. Gênant...

D'accord, d'après les aveux même du biographe, Alan Clark n'était pas si important que cela dans le paysage politique, au mieux un caractère marquant du Parti Conservateur. Nul doute que sans son fameux "Journal" il aurait probablement sombré dans les oubliettes de l'histoire. Mais enfin tout de même ! Peu de mots sur son engagement pour la cause animale, dont il était un fervent défenseur. Une ligne à peine sur le Monday Club, groupe ultra-conservateur, la droite des Tories aux idées flirtant parfois avec le fascisme, le racisme et dont il était un fer de lance ( Ion Trewin a-t-il eu peur du politiquement correct ? Il n'a pourtant pas peur de parler de ses amitiés avec David Irving, l'historien négationniste... ). En fait seuls deux chapitres de sa carrière sont mis à jour comme il se doit : l'épisode où, complètement saoul, il prononça un discours devant une Chambre des Communes médusée; et le procès Matrix-Churchill, scandale politique où Alan Clark, alors Ministre du Commerce, s'était rendu coupable d'avoir aidé à vendre des armes à Saddam Hussein, armes qui plus tard servirent à envahir le Koweït.

C'est très mince et, vu le côté recherché de la partie "Alan Clark, l'historien" la partie "Alan Clark, le politicien" semble salement bâclée. Dommage et décevant. Alors, qu'en est-il d'"Alan Clark, l'homme en privé" ?

On y apprend beaucoup sur sa jeunesse, ses déboires de gosse de riche pourri par l'argent et au parcours typique Eton, Oxford. On découvre en large sa passion pour les voitures. Ses écarts sexuels et aventures extra-maritales sont étalés... Autant de faits peut-être croustillants pour certains lecteurs, insipides en ce qui me concerne.

Bref, au final Ion Trewin me donne l'impression d'être un paparazzi s'essayant à la biographie politique. La vie privé de Clark, sa famille, ses passions, les scandales sexuels et politiques, mais pas grand chose sur ses engagements, ses motivations, ses achèvements même s'ils sont moindres.

Etait-ce le but ? Nous faire découvrir l'homme Clark, intime; au risque de démarquer une bête politique de ses engagements ? Ou bien s'attend-il à ce que le lecteur ait lu son "Journal", auquel cas il ne se sent pas le besoin de revenir, avec un oeil objectif, sur des évènements qui y seraient déjà relatés ( pourtant le travail d'un biographe ! ) ? Je ne sais pas, et cette incertitude est gênante.

Je n'ai pas (encore) lu le "Journal" d'Alan Clark, mais il me semble qu'il faudrait commencer par là pour le découvrir, cette biographie n'aidant pas beaucoup...`

• 

  Alan Clark The Biography de Ion Trewin

  de Trewin, Ion
  Orion
  ISBN : 9780297850731 ; 7,45 € ; 14/09/2009 ; 552 p. ; Hardcover

  Go Amazon