Paroles d'un nègre blanc de Pierre Vallières
Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Economie, politique, sociologie et actualités
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La liberté d'expression d'un socialiste révolutionnaire
Pierre Vallières était un intellectuel québécois, membre du FLQ, habité par une révolte profonde envers toutes les injustices sociales de la planète. Issu d’une famille pauvre de Ville Jacques-Cartier, ancien nom d’un quartier défavorisé de Longueuil, il est entré au noviciat des pères franciscains de Lennoxville en 1958 pour ensuite faire trois ans de philosophie au monastère de Québec. Il se destine à la prêtrise mais, tourmenté et malheureux, Pierre Vallières décide de quitter l’ordre pour retourner à la vie civile et à la pleine liberté intellectuelle. Il travaille alors comme journaliste à « La Presse » où il jouit d’une grande liberté d’expression. Toute sa vie, M. Vallières restera féru d’actualités internationales. Vers la fin de sa vie, il entreprendra même un voyage qui le mènera à Sarajevo, ville assiégée depuis quatre années. Pierre Vallières y résidera de nombreux mois et sera le témoin de la lutte du peuple bosniaque pour préserver sa culture. M. Vallières s’impliquera personnellement dans l’aide à la Bosnie par le biais du comité Solidarité Québec-Bosnie.
J’ai toujours aimé ce genre de personnage en marge de la société, érudit mais non-conformiste, de tous les combats sociaux de l’heure et farouche défenseur de la dignité humaine et de la liberté d’expression, qualités que réunit haut la main M. Vallières. Ce livre est une anthologie des différents textes et articles écrits pour des journaux et revues au cours de ses années de lutte et de combat. Il y a aussi un très beau poème composé en prison et quelques lettres personnelles dont l’intérêt est assez limité à mon sens et qui détonnent comme par exemple, la lettre d’amour adressée à Raymonde Lorrain.
Des parties de la biographie de l'auteur sont intercalées tout au long du livre et accompagnent les textes, mettant en lumière le contexte dans lequel ils ont été écrits, ce qui fait de ce livre un document d’une incroyable richesse historique et éducative. Les textes du début sont plutôt obscurs et confus et j’ai eu du mal à bien saisir la pensée de cet homme engagé mais les écrits produits vers la fin de sa vie sont remarquables et constituent une analyse des événements politiques et sociaux d’une justesse et d’une lucidité hors du commun. Ils sont d’une limpidité impressionnante et révèlent toute la pensée de cet homme tourmenté et désireux de combattre tout ce qui opprime l’humain dans sa liberté et son droit au bonheur.
Certains textes ressortent et m’ont particulièrement intéressés. Je pense à l’hommage rendu lors de la mort de René Lévesque, au texte sur la poudrière israélienne, sur la démocratie sous dictature, sur le rôle des groupes populaires, de la presse et des médias lors des différentes crises qui ont secoué le Québec, sur le devoir de résistance de la gauche, sur Sarajevo et l’assassinat d’une civilisation, sur la survie incroyable du peuple bosniaque en présence de la mort, sur la mauvaise paix de l’accord de Dayton. Enfin, il est difficile de résumer tout ce que ce livre peut renfermer de richesses et de pensées humanitaires. Un homme exceptionnel qui a choisi la route difficile du combat pour la liberté et la survie de tous les peuples. Remarquable !
« Nous vivons une époque où il devient de plus en plus difficile de s’unir pour mener un combat loyal et constructif. Partout, l’on ne rencontre qu’égoïsme et fausse sécurité. Partout, l’on aime mieux faire des phrases que de faire une lutte. » (Pierre Vallières, 1957)
« Les impératifs financiers finissent toujours par avoir raison des sentiments, d’une manière ou d’une autre. » (Pierre Vallières, 1964)
« L’essentiel est de demeurer fidèle à sa conscience dans sa réflexion, comme on demeure fidèle à sa responsabilité dans l’action. » (Pierre Vallières, 1963)
« Il y a d’un côté, des gars qui se battent et qui veulent se battre encore plus, mais qui ne sont pas réellement formés ; il y a, de l’autre, une poignée d’intellectuels qui pensent à vide la révolution, parce que justement ils n’ont pas su encore canaliser et organiser l’énergie de la base pour la transformer en un véritable mouvement de libération nationale, un FLQ efficace, concret, au service des exploités du Québec. » (Pierre Vallières, 1965)
« Il y a deux manières d’observer un génocide. Ou bien l’on s’assoit confortablement devant les rats que l’on dissèque vivants : c’est la manière onusienne. Ou bien l’on se range du côté des rats, pardon, des humains, pour tenter de traduire en anglais, en français, en espagnol, en italien, en allemand et même en joual les cris de cette dissection collective à froid et à ciel ouvert. » (Pierre Vallières, 1995)
« Au-delà des retournements politiques qui ont marqué son itinéraire, Pierre Vallières aura légué à ses concitoyens son indignation et sa révolte, héritage politique inestimable pour qui refuse la sujétion aux maîtres de ce monde. »
Les éditions
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Paroles d'un nègre blanc de Pierre Vallières
de Vallières, Pierre
VLB / Partis pris actuels
ISBN : 9782890057357 ; 40,00 € ; 01/09/2005 ; 288 p. ; Reliure inconnue
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