Les maths sans aspirine de Ziauddin Sardar, Jerry Ravetz (Co-auteur), Borin Van Loon (Co-auteur)

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Scientifiques

Critiqué par Kinbote, le 19 décembre 2001 (Jumet, Inscrit le 18 mars 2001, 65 ans)
La note : 8 étoiles
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La plus grande création de l'intelligence humaine depuis l'eau chaude

Voici un livre traduit de l'anglais qui, sous couvert d ’humour et de légèreté, nous conduit à l’essentiel des mathématiques. Le livre est truffé de collages de vieilles illustrations réalisés par Borin Van Loon qui font passer par les bulles la pilule du texte, jamais amère, faut-il le préciser.
D'abord les auteurs décrivent les divers systèmes numériques (des Aztèques, Mayas, Egyptiens, Babyloniens et Chinois) qui ont assuré de par le globe la préhistoire des mathématiques avant la théorisation effectuée par Euclide dans ses fameux Livres. Cette diversité des approches mathématiques est maintenue tout au long du manuel. Les mathématiciens mis à l’honneur sont ceux qui ont fait bifurquer leur discipline, lui ont ouvert de nouveaux horizons ou l'ont profondément mise en question comme Zénon d’Elée avec ses paradoxes (au V ème siècle avant Jésus-Christ) dont le plus célèbre reste celui de la course d'Achille avec la tortue.
On sait peu que les mathématiques se sont, dans les premiers siècles de notre ère, développées surtout en Chine et en Inde (ces deux civilisations trouvant des approximations très correctes de Pi et découvrant le triangle de Pascal bien avant le penseur français), assurant ainsi le lien entre l’arrêt des recherches grecques, faute de civilisation hellénique, et la reprise de toutes les traditions existantes par les Arabes dès le IX ème siècle, avant leur transmission à l'Europe de la Renaissance.
L’apport arabe concernera surtout l’algèbre (application systématique des opérations de l’arithmétique élémentaire aux expressions algébriques) et de la trigonométrie. Descartes sera ensuite celui qui va fusionner l’algèbre et la géométrie parce qu'il jugeait la première « obscure et confuse » et la seconde « trop restrictive » pour fonder la géométrie analytique.
Les auteurs nous donnent une illustration intéressante, à partir d'une automobile en mouvement , de la dérivation et de l’intégration, les deux opérations qui sont à la base du calcul infinitésimal. On apprend que Berkeley,philosophe et évêque anglican, au XVIII ème siècle, visera à démontrer que les libres penseurs, dans leur science, reproduisaient le dogmatisme et l’obscurité dont on accusait à l'époque les pires théologiens, critiques à l'encontre de la Raison qui seront reprises au XX ème siècle par T.S. Kuhn.
Les auteurs citent à l’occasion un ouvrage de fiction amusant de E.A. Abbott décrivant une société de polygones vivant dans un plan.
Evariste Galois, au destin tragique, est celui qui va ouvrir la voie, avec sa théorie des groupes, à une mathématique structurelle, libérée des nombres et portant sur de nouveaux objets. L’utilisation de l'algèbre booléenne (des ensembles) permettra, entre autres choses, le fonctionnement des moteurs de recherche sur le web. On voit aussi la méthode de classement employée par Cantor pour énumérer tous les nombres rationnels (les fractions) qui va, lui aussi, mettre au jour des paradoxes et des incomplétudes qui vont sérieusement ébranler les mathématiques, avant les travaux de logiciens comme Bertrand Russell ou Kurt Gödel qui ne feront que les mettre un peu plus en péril. On nous explique en quelques mots de quoi retourne la théorie du chaos, des fractales ou la topologie et aussi à nous méfier de l'usage que la politique fait des chiffres et des résultats statistiques. Ils distinguent les trois types de probabilités, souvent confondus: géométrique empirique et d'estimation. Ils relèvent pour terminer la mainmise de la civilisation occidentale sur les mathématiques et les sciences, qui s’est appropriée ou a négligé les formes de savoir des peuples non européens (Inde, Chine ou Islam) qui ne répondaient pas à la conception platonicienne des mathématiques (savoir affranchi de la pratique qui atteint la Vérité et ignore la contradiction) ou au vieux projet de Descartes de rendre tout mathématisable.

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