Edison, Bell, Berliner et les autres

En 1877, Edison met au point le phonographe et curieusement, la possibilité d’enregistrer de la musique n’est pas, dans l’esprit de son inventeur, la première utilisation possible de son appareil : pour Edison, le phonographe est surtout un moyen de conserver un témoignage de la langue parlée, de graver dans le temps discours et déclarations, langues étrangères ou sur le point de disparaître ou encore de permettre l’enseignement de l’élocution… En fait, on est plus proche du dictaphone que du tourne-disque.
Bref, situait son invention dans une optique humaniste de transmission du savoir et non dans le plaisir de la musique à domicile et c’est dans cette optique qu’en 1891 Gustave Eiffel enregistre la voix d’Ernest Renan sur un phonographe offert par Edison. C’est l’un des plus vieux enregistrements français existants.

Pourtant, c’est bien à partir de cette dernière possibilité d’utilisation que le marché du phonographe et donc de la musique s’est développé jusqu’au MP3. C’est en 1896 qu’Edison mettra sur le marché le premier phonographe destiné à un usage domestique. Cependant, il faudra attendre 1917 pour voir l’émergence des enregistrements des œuvres originales et non plus seulement des pièces du répertoire. C’est ainsi qu’en février 1917 est signé le premier contrat d’enregistrement d’un disque de jazz. L’Original Dixieland Jazz Band grave pour le label Victor deux titres : Livery Stable Blues et Dixie Jazz Band One Step. Evidemment, ségrégation oblige, bien que le jazz soit une musique noire, l’orchestre est composé de musiciens blancs…
A côté du phonographe, il existe le gramophone inventé par Emile Berliner en 1887, inventeur génial qui en plus met au point le disque plat alors que son concurrent fonctionne avec des cylindres. On sait que le disque plat deviendra la norme même s’il faut attendre 1948 pour voir l’apparition du microsillon 33 tours ; les premiers seront produits par Columbia. Parmi les innovations techniques qui ont permis au marché du disque de se développer, il faut noter la possibilité de reproduire les cylindres du phonographe (auparavant, il fallait réenregistrer chaque morceau autant de fois que nécessaire !!) grâce à un procédé de moulage. Le génie de Berliner a été de fournir un appareil différent puisqu’il a conçu un système de matrice permettant la reproduction des disques en série.
A cette époque, l’Europe tient pendant longtemps la dragée haute aux USA grâce à une incroyable guerre technique à laquelle se livre ingénieurs et inventeurs de tout poil. Par exemple, si même si Edison est le premier à déposer une marque de phonographe en 1893, cela n’empêche pas Henri Lioret, un horloger, de créer en 1895 la première compagnie française destiné à commercialiser un appareil de ce type, en l’occurrence, son invention à lui, le lioretograph. Cela ne serait qu’anecdote si parmi ses employés, Henrio Lioret n’avait eu un certain Charles Pathé qui créera en 1897 avec son frère Emile une société bien connue et qui existe toujours.

C’est la grande et la petite histoire du marché du disque que se déroule devant nous grâce à un texte très documenté mais jamais aride. Ludovic Tournès est passionné par son sujet et cela se sent. Un historien, il assemble les détails pour en faire un grand tableau dans lequel les problèmes actuels de piratage et de droits d’auteur ne sont qu’une énième péripétie.

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  Du phonographe au MP3 [Texte imprimé], une histoire de la musique enregistrée, XIXe-XXIe siècle Ludovic Tournès

  de Tournès, Ludovic
  Éd. Autrement / Collection Mémoires (Paris. 2002)
  ISBN : 9782746711211 ; 37,72 € ; 17/03/2008 ; 162 p. ; Broché

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