Eloge des intellectuels de Bernard-Henri Lévy

Eloge des intellectuels de Bernard-Henri Lévy

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Economie, politique, sociologie et actualités

Critiqué par Shelton, le 22 avril 2008 (Chalon-sur-Saône, Inscrit le 15 février 2005, 68 ans)
La note : 9 étoiles
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A relire !!!

C’est l’année de ma terminale quand j’ai balbutié en philosophie que j’ai découvert Bernard-Henri Lévy, André Glucksmann et Maurice Clavel ainsi que ce concept de nouveaux philosophes. Qu’est-ce qui m’a plu chez eux ? Je ne saurais pas l’expliquer, aujourd’hui, de façon complète et, souvent, je me suis demandé, par la suite, si je n’avais pas été victime d’une mode…
Quelques années plus tard, j’ai eu l’occasion de rencontrer André Glucksmann, de l’interviewer, d’animer un débat public en sa compagnie, enfin, de dîner avec lui, soirée inoubliable où je redécouvrais le bonheur de rencontrer un intellectuel, un homme qui nous obligeait à nous poser des questions existentielles et essentielles mêmes si nos réponses personnelles pouvaient être fort différentes des siennes. Mon jeune beau-frère était avec moi ce soir-là. Il fut surpris par le personnage et nous disait sur le chemin du retour : « Je n’imaginais pas un philosophe en jean-baskets en train de nous parler de la vie avec des mots que l’on comprend ».
Oui, ces nouveaux philosophes osaient parler dans un langage compréhensible de choses sérieuses et capitales. Ils étaient à notre portée et ce fut probablement l’élément déclenchant dans ma rencontre avec eux lors de cette année de terminale… Mais le temps a passé et je me demandais récemment si ces « nouveaux » philosophes représentaient encore une valeur sûre pour moi… c’est pour cela que lors d’un récent voyage j’ai osé sortir de sa poussière cet « Eloge des intellectuels » de Bernard-Henri Lévy, texte écrit en 1987.
Dès le départ, la question est posée en termes qui n’ont pas vieilli depuis : « Le signe le plus patent du malaise c’est, bien entendu, la singulière faveur dont jouissent au même moment les fameuses nouvelles stars des affaires, de la chanson ou du monde du spectacle. » J’aurais bien ajouté les sportifs mais je crois que le sport professionnel est aussi une forme de spectacle !
Mais comment ces gens là sont-ils devenus des grands de notre monde, comment ont-ils chassé les intellectuels, comment se sont-ils transformés en référents ? On serait tenté de répondre un peu rapidement que la télévision est responsable de tous les maux mais BHL (j’utiliserai cet acronyme pour plus de simplicité) nous dit que ce serait commettre une erreur. La situation est la conséquence d’une confusion de genre : on a oublié ce qu’était l’intelligence, ce qu’était la culture, ce qu’était le beau ! Lorsque Bernard Tapie remplace Sarthe ou Barthes, il n’y a plus de place pour l’interrogation intellectuelle, pour la réflexion humaine… Mais, à qui la faute ?
BHL nous explique avec beaucoup d’exemples et d’une façon très claire que l’écrivain – donc un des grands intellectuels selon sa vision du monde – est, par nature même, un grand solitaire. Ecrire c’est s’isoler du monde, c’est être à part. D’ailleurs, dit-il, chaque fois que l’écrivain va dans le monde, il s’y perd. Les exemples sont nombreux : Victor Hugo et ses barricades, Aragon et son communisme, Sartre et son prolétariat, Drieu et son chef, Brasillach et son fascisme… Redonner sa place à l’intellectuel c’est admettre qu’être intellectuel ne signifie pas tout savoir, pouvoir parler de tout, s’engager dans tous les combats… A la limite, c’est la politique qui pervertit l’intellectuel, le limite, l’enferme, le pousse dans des contradictions… « … s’il contribue à accréditer l’idée que si les artistes ont des devoirs à l’endroit de la société, elle, en a un, à l’endroit de ses artistes : leur ficher la paix. » Pourtant, quand on voit les politiques chercher, à chaque élection, à se construire une cour d’artistes, d’écrivains, d’intellectuels, on comprend pourquoi on fait fausse route. On aura une partie de ces intellectuels qui se fera piéger, qui se discréditera, tout simplement, et, une autre partie, qui cessera d’exister médiatiquement parlant, qui sera réduite au silence, du moins un certain temps… Mais, avons-nous besoin d’intellectuels ? Cette impasse pose-t-elle un problème à notre société ? L’absence de grands intellectuels dans l’entourage d’un président de la république est-elle source de difficultés ? Après les erreurs de grands intellectuels qui nous avaient promis des grands soirs ou de beaux matins n’est-il pas légitime de les ignorer ?
Alors quel est le portrait ou quelles sont les qualités que devrait avoir l’intellectuel de la nouvelle génération ou du troisième type comme le nomme BHL ? Tout d’abord, il doit retrouver la foi dans la raison, puis, retrouver l’idée de vérité. En effet, on ne peut pas se contenter de dire que la Vérité n’existe pas. Il faut s’en donner une image, refaire un pari sur cette vérité. Il faut faire de même pour l’idée de justice sans se faire d’illusion. La Justice ne sera pas atteinte mais on ne pas vivre sans s’en faire une idée, sans s’en approcher… Quatrième point, il faut qu’il retrouve l’ensemble de ses valeurs et la hiérarchie qu’elles nécessitent pour être compréhensibles. Enfin, il faut qu’il sorte de ses compétences strictes. Edgar Morin parle de transversalité et BHL invite l’intellectuel de la nouvelle génération à sortir de son « œuvre » comme Zola quand il arrête tout pour écrire son « J’accuse » !
Comme vous l’avez compris cet ouvrage me donne beaucoup de satisfaction et avec BHL j’ai envie de conclure en disant : « … dans l’affrontement qui, bientôt, opposera l’intelligence à ses ersatz, l’esprit à la sous-culture, rien ne me semblerait plus ruineux que de bouder sans combattre et d’abandonner à de mauvais champions les estrades où, désormais, tout se joue… Gai savoir. Lumières partagées. La saison s’y prête. Il est temps, encore, de livrer bataille en plein jour ». C’est un ouvrage d’une actualité criante et qui devrait ouvrir les yeux à de nombreuses personnes… du moins j’ose l’espérer !

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