Le concept de Dieu après Auschwitz : Une voix juive de Catherine Chalier, Hans Jonas

Le concept de Dieu après Auschwitz : Une voix juive de Catherine Chalier, Hans Jonas
( Der Gottesbegriff nach Auschwitz : eine jüdische Stimme)

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Spiritualités

Critiqué par Saule, le 7 décembre 2007 (Bruxelles, Inscrit le 13 avril 2001, 59 ans)
La note : 9 étoiles
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Le tout puissant, « Seigneur de l'histoire » et Auschwitz

Qu'est-ce que les cris des millions de juifs, croyants ou non croyants, qui ont résonnés dans le vide pendant le drame de la Shoa, nous obligent à revoir dans le concept traditionnel de Dieu ? L'étourdissant silence de Dieu devant le massacre de son peuple élu, ne fusse que par respect pour les victimes, ne nécessite-t-il pas de revisiter le concept de la théodicité ? Comment combiner la bonté de Dieu à son silence lors du drame ? Nos ancêtres hébraîques pouvaient expliquer les souffrances du peuple élu par son infidélité, ou par des mises à l'épreuve, ou (argument plus valide certainement) par le concept d'impénétrabilité de Dieu ("les voies du Seigneur sont impénétrables"). Mais depuis Auschwitz ce n'est plus possible, en tout cas c'est ce que l'auteur nous montre.

Il y eu différentes manières de concilier la bonté de Dieu avec le problème du mal et de son silence face à la souffrance. L'auteur démonte la tentative des gnostiques, aussi il parle des Justes (ceux qui sanctifient le nom de Dieu en mourant en martyre). Moi-même je pensais au livre de Jung, "Réponse à Job", dans lequel Jung s'indigne du scandaleux silence de Dieu. Il y a aussi l'argument "Dostoievskien" d'un personnage des frères Karamazoz qui dit que le mal est la conséquence de la liberté humaine. Mais l'auteur montre la limite de ces arguments face à la Shoa : en gros il est maintenant impossible de conserver à Dieu la bonté, la compréhensabilité et la toute puissance. A l'aide d'arguments philosophiques ( même si on ne prouve pas l'existence de Dieu ça ne veut pas dire que la philosophie n'a pas de prise sur la théodicité explique-t-il), Jonas arrive à montrer que c'est la toute puissance de Dieu qui est à remettre en cause.

Ce concept d'un Dieu impuissant, qui s'est exposé au risque de la création en se retirant et en laissant une place pour l'homme et éventuellement le mal, est un retournement de perspective capital. Fini le Dieu omnipotent de nos ancètres. Cela évoque beaucoup d'échos en moi, ceux de Etty Hillesum notamment dont Sahkti critiquait récemment un petit livre dans lequel Etty promettait à Dieu de l'aider.

Ce petit essai est très intéressant mais très ardu, c'est de la philosophie (je n'ai pas tout compris). Le texte de Jonas est suivi d'un petit essai de Catherine Chalier qui est plus abordable. Je trouve ce sujet passionnant, surtout que je suis en train de lire "Les Disparus" et que j'ai toujours été attiré par la religion juive. Face à la souffrance, peut-être que le chrétien est avantagé, grâce à la Croix ? Mais cela reste une interrogation pour moi, je pense qu'il faut relire les écrits de Edith Stein, Etty Hillesum, Sainte Thérèse de Lisieux. Mais tout ça pourra-t-il donner un sens à Auschwitz ? Après avoir lu ce livre je pense que non, et finalement le concept d'un Dieu impuissant ne me choque pas. Je conseille cet essai de quelques pages à tout ceux qui se pose la question.

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