Abdallahi, tome 2 : Traversée d'un désert de Christophe Dabitch (Scénario), Jean-Denis Pendanx (Dessin)

Abdallahi, tome 2 : Traversée d'un désert de Christophe Dabitch (Scénario), Jean-Denis Pendanx (Dessin)

Catégorie(s) : Bande dessinée => Aventures, policiers et thrillers

Critiqué par B1p, le 5 mars 2007 (Inscrit le 4 janvier 2004, 51 ans)
La note : 9 étoiles
Visites : 4 703  (depuis Novembre 2007)

Tombouctou

En avril 1827, René Caillié part de Kakondy en Guinée pour entamer le périple qui le fera entrer dans l'Histoire des explorateurs. Il veut être le premier blanc à entrer dans la ville de Tombouctou et à en ressortir vivant. Il n'est pas l'explorateur officiel envoyé par la France, mais il a un rêve à réaliser : lui avant les représentants officiels, français et anglais.
Sans le sous, Caillié a choisi de se fondre dans les moeurs africaines et dans le monde musulman. Pendant des mois, des années, il apprend. L'Arabe. Le Coran. Pour faire croire au "serviteur de Dieu" qu'il est censé être (c'est la signification du prénom qu'il se choisit : “Abdallahi”). Il s'invente un passé africain et des parents égyptiens pour mieux tromper ceux qu'il croisera. Car les Maures, musulmans, sont un obstacle particulièrement difficile à franchir. Mais il reste toujours l'évidence de sa peau blanche. Une source de doute pour ses interlocuteurs et une source de danger pour lui. Heureusement, il pourra compter sur son guide Arafanba : un esclave affranchi dont les motivations à gagner Tombouctou restent nébuleuses.

Voilà à quoi nous convient Pendanx et Dabitch : le périple d'un fils de forçat qui veut prendre rendez-vous avec l'Histoire. L'histoire d'un parcours initiatique dans l'Afrique noire et largement musulmane. Un parcours semé d'embuches, de maladies, de souffrances. La rencontre d'un occidental avec les moeurs étranges des peuplades lointaines. Le cheminement extérieur autant qu'intérieur d'un pélerin qui a rencontré Dieu par nécessité et qui s'abandonne à lui confier son destin.

A priori, l'adaptation du « Voyage à Tombouctou » de René Caillié, publié en 1830 n'avait pas grand chose pour nous intéresser : une lecture "banale" pour ethnologues qui avait peu de chance de faire bander le grand public. Mais, au lieu de se limiter à aligner les peuplades, les auteurs ont eu la bonne idée d'enrichir le récit originel. Le guide Arafanda, très secondaire dans l'histoire prend ici une place centrale et son passé s'enrichit d'un traumatisme fort en significations. Le voyage de Caillié se mue en parcours intérieur, semé de doutes et d'une volonté surnaturelle.
Et c'est ça qui tient le lecteur de bout en bout de ces 2 tomes.
De l'aveu des auteurs, ils ont beaucoup brodé sur ce qui était peu souligné, voire peu connu sur le véritable destin de Caillié. Et c'est bien la preuve de leur génie, car il n'est pas sûr qu'une bonne "biographie" aurait été aussi passionnante pour un lecteur du XXIe siècle s'ils n'avaient pu y insérer la part de doute, de rève et de romanesque, bref, s'ils ne s'étaient permis de travestir l'histoire originelle.

« Le texte de Caillé est très descriptif. Presque photographique. Il recense tout ce qu'il voit... Nous n'avons jamais envisagé de l'adapter tel quel. Nous n'avions pas envie de faire cela. Ce qui était intéressant pour nous, c'est le voyage intérieur, ses souffrances. Hors, il n'y a dans cet ouvrage que très peu de choses sur lui. » (Christophe Dabitch)

Au delà même du remarquable travail d'adaptation, il reste autre chose : la bande dessinée n'est pas le meilleur medium pour exprimer l'introspection et la recherche intérieure. Rien de tel que l'écrit pour celà, car en bandes dessinées, on a rarement la place pour faire ressentir au lecteur toute la profondeur d'un questionnement. Et pourtant, là aussi Pendanx et Dabitch réussissent un sans faute. Par la maîtrise parfaite du découpage et de la dramaturgie, par l'utilisation raisonnée de l'espace et en ne comptant pas le nombre de pages (86 pour le tome I, 93 pour le tome II), Pendanx et Dabitch laissent la place pour que l'empathie s'installe. Plus on avance, plus le personnage d'Abdallahi / René Caillié semble réel dans ses émotions et dans les nôtres.
Cela mérite d'être souligné parce ce que c'est rare en bande dessinée. C'est le signe d'une grande maîtrise et d'un grand talent !

Et puis, finalement, il y a le dessin de Pendanx. Ah ! La dessin de Pendanx ! Il est bien regrettable qu'on ne puisse pas coller de planche dans critiqueslibres, parce que le travail réalisé est en tout point époustouflant ! D'une luminosité incroyable, les couleurs directes en mettent plein la vue ! Puisque vous ne pouvez pas voir le résultat, disons, pour faire court, que Pendanx joue souvent sur le contraste noir / couleur directe et réussit des compositions qui font parfois penser à du Van Gogh, avec ses touches de couleurs superposées.

« Je souhaitais m'éloigner d'une vision photographique de l'Afrique et recréer sur le papier mes sensations, un univers coloré ». (Jean-Denis Pendanx)

Au final, vous avez donc compris que je recommande chaudement la lecture d'Abdallahi qui est un moment de bande dessinée comme on a pas souvent l'occasion d'en vivre.

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