Plus encore ! de François de Closets

Plus encore ! de François de Closets

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Economie, politique, sociologie et actualités

Critiqué par Bernard2, le 26 juin 2006 (DAX, Inscrit le 13 mai 2004, 75 ans)
La note : 6 étoiles
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Ô rage, Ô désespoir !

Première constatation : la dette de la France est abyssale. Depuis de nombreuses années, l’Etat dépense plus qu’il n’a de recettes. La différence est comblée par des emprunts. Aujourd’hui, le seul paiement des intérêts de ces emprunts représente le montant de l’impôt sur le revenu. Et ce sont les générations à venir qui devront se priver pour rembourser le train de vie exagéré de leurs aînés.
Deuxième constatation : les Français sont très inégaux. Les privilèges des uns sont payés par la précarité des autres. Les fonctionnaires, beaucoup trop nombreux si l’on compare avec les autres pays, bénéficient d’avantages exorbitants quand d’autres ne connaissent que chômage, RMI, CDD et autres. François de Closets avait déjà dénoncé ces écarts scandaleux il y a un quart de siècle (dans son livre Toujours plus !). Aujourd’hui les inégalités se sont encore accentuées. Une nouvelle caste est apparue avec les patrons, dont les salaires et avantages divers sont une honte. Si l’entreprise n’est plus respectée, c’est en partie à cause de ces patrons qui expliquent qu’il faut faire des économies et qu’il faut limiter les salaires.
Troisième constatation : toutes les mesures prises pour enrayer le chômage ont échoué. Pour la bonne raison qu’elles ne sont pas faites pour cela, mais au contraire pour maintenir les privilèges, donc les inégalités. Le meilleur exemple en est donné par les fameuses 35 heures. Objectif annoncé : partager le travail disponible entre tous. Pour cela il fallait diminuer le temps de travail de chacun, et bien sûr le revenu. Que s’est-il passé en fait ? Diminution du temps de travail, mais avec maintien du salaire. Résultat : augmentation du coût du travail, donc chômage en hausse, compensation partielle par l’Etat sous forme d’aides aux entreprises, donc augmentation de la dette de la France. Seule la fonction publique a embauché : des fonctionnaires payés par le secteur marchand… et une nouvelle augmentation de la dette.

La vision est apocalyptique, et les solutions plus qu’hypothétiques. Nos gouvernants ont fait preuve d’incompétence et d’irresponsabilité. En cette période de « fin de règne », nombre de livres dénoncent les graves erreurs commises par Jacques Chirac. Faits à l’appui, et toute idéologie politique mise à part, les éléments sont implacables.

Mais ce livre pèche sur plusieurs points. Il y a beaucoup de redondances, de « phrases de style », écrites plus pour faire de l’effet que pour argumenter. La première parte (la dette de la France) reprend ce que toute personne qui s’est intéressée au rapport Pébereau connaît. Pour les autres, le livre risque fort de leur tomber des mains dès les premières pages.
Ce qui m’a le plus gêné, c’est que les causes de cet état de fait ne sont pas véritablement recherchées. La dette est une conséquence, la sauvegarde de ses intérêts aussi. Or, la mondialisation, phénomène récent, est concomitante à ces faits. Un pays peut-il lutter efficacement lorsque les salaires sont en moyenne 30 fois plus élevés qu’en Asie, et que les frontières sont grandes ouvertes ? Mais à en croire François de Closets, cette mondialisation (et son lot de délocalisations) est un postulat, une situation naturelle et normale. Il n’y aurait donc rien à faire. Résultat : à de multiples reprises, on lit qu’il faut s’adapter, se moderniser, etc. Comment ? Silence sur ce point. Il y a trop de salariés, de fonctionnaires ? Il faut en diminuer le nombre. Pour en faire quoi ? A nouveau silence sur ce point, l’Etat étant trop endetté pour les prendre en charge correctement. En d’autres termes, il y a confusion entre causes et conséquences.

Pour illustrer l’esprit de ce livre, je retiendrai trois passages qui m’ont réellement dérangé.
Page 31 : « Il est juste que nous supportions le poids des dettes que nous avons contractées. Si nous nous plaçons dans l’hypothèse heureuse du non-remboursement, nos héritiers se verront confisquer à tout jamais une somme bien supérieure. Dans vingt ans, dans cinquante ans, ils devront payer le tribut que leurs ancêtres imposent à titre posthume ». Cela revient à culpabiliser l’individu (au niveau micro-économique) comme s’il était responsable personnellement d’un état de fait national (global).
Page 163 : « Les fonctionnaires, à l’exception des technocrates, ne sont pas là pour penser, mais pour exécuter. Ils doivent être prévisibles dans toutes leurs actions, dans toutes leurs décisions. Ainsi l’Etat peut-il présenter le même visage à travers ses millions de salariés. Prodigieuse entreprise de clonage professionnel qui place derrière chaque guichet le même robot qui répondra sans gêne : Je le sais, c’est idiot. Mais c’est le règlement, et je suis là pour l’appliquer ». Serait-ce à dire qu’il en va autrement dans le secteur privé ? Hélas !!!
Page 265 : « Nous n’avons le choix qu’entre un travail sans garanties et un chômage sans espoir ». C’est bien ce qui ressort majoritairement de ce livre.
Il n’y aurait donc rien d’autre à attendre… qu’un avenir complètement noir.

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