Est-ce dans ce monde-là que nous voulons vivre ? de Laurent Beccaria, Eva Joly
Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Economie, politique, sociologie et actualités
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Inquiétant mais empli d'espoir !
Après avoir instruit l'affaire ELF pendant 7 ans et y avoir laissé pas mal de plumes, la juge Eva Joly a écrit ce livre sur le déroulement de l'instruction. J'ai bien dit le déroulement et non le contenu de l'instruction elle-même.
C'est un témoignage très intéressant à plusieurs titres :
- tout d'abord, tout ce que vous avez pu imaginer de pire en ce qui concerne le monde des affaires et le monde politique est véridique, ces deux mondes sont imbriqués et généralement peu inquiétés dans leurs affaires de corruption.
- les société multinationales, sont de par leur statut multinational à l'abri des législateurs et de la justice, elles peuvent faire à peu près ce que bon leur semble avec un peu d'habileté car il n'y a pas ou peu de législation internationale concertée.
- les magistrats qui soulèvent par hasard un coin du voile s'en repentent très vite: il sont intimidés, menacés, piégés et pratiquement pas protégés par l'administration, il serait d'ailleurs de bon ton pour tous qu'ils ferment les dossiers, pas de vagues... on est surpris par la veulerie de la hiérarchie de la justice.
- Résultat : une élite des affaires et de la politique est totalement au dessus des lois et qui s'en enrichit par des détournements divers (à coup de milliards parfois ), ils pillent, corrompent, salissent sans en être jamais punis.... ces grosses affaires englobent beaucoup de monde et constituent un monde finalement de plus en plus large qui vit en dehors des lois et qui petit à petit mine les systèmes démocratiques, en minant la confiance des électeurs en un pouvoir quelconque.
Extrêmement intéressant, le système et ses dangers sont vraiment mis à plat par Eva Joly et quand on voit la dernière affaire en cours (Clearstream), on comprend mieux l'appel au secours de la juge, quand elle dit qu'il est temps de réformer les institutions internationales sous peine de non droit généralisé et de démocraties en péril. Mais cette situation n'est pas irrémédiable si la volonté des démocraties connaissait un regain d'intérêt dans ce sens..... ce serait en tout cas un message électoral fort !
Les éditions
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Est-ce dans ce monde-là que nous voulons vivre ? [Texte imprimé] Eva Joly et Laurent Beccaria
de Beccaria, Laurent Joly, Eva
les Arènes / Documents
ISBN : 9782912485489 ; 20,30 € ; 09/07/2003 ; 337 p. ; Broché
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Les critiques éclairs (1)
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Un témoignage essentiel sur les affaires de grande corruption
Critique de Eric Eliès (, Inscrit le 22 décembre 2011, 50 ans) - 5 mars 2012
Outre des anecdotes sur la solitude du juge d'instruction, notamment vis-à-vis de sa hiérarchie qui est au carrefour d'intérêts politiques et judiciaires parfois antagonistes (ex : difficultés d'instruire sur les agissements suspects de Roland Dumas ou pour arrêter Alfred Sirven), et les dangers auxquels le juge est exposé (Eva Joly a été mise sous protection policière car faisait l'objet d'un "contrat" ; elle insiste par ailleurs sur le nombre élevé de juges assassinés depuis la 2de guerre mondiale), ce livre éclaire le contexte des grandes affaires politico-judiciaires, notamment les relations entretenues par tous les acteurs impliqués, et illustre les compromissions et faiblesses qui faussent le fonctionnement de la justice (instrumentalisation des journalistes par les prévenus et leurs avocats, pression sur les policiers, rivalités entre magistrats, manque de moyens de la justice, impunité des hommes politiques, etc.).
Le livre conclut en évoquant les travaux en cours dans les institutions internationales pour lutter contre la corruption, et les difficultés qu'Eva Joly a dû affronter pour faire prendre conscience, dans le cadre d'une mission au profit de l'ONU pilotée par la Norvège, de l'ampleur des détournements d'argent public qui maintiennent dans la pauvreté les populations de nombreux Etats émergents.
Au final, ce livre, qui se lit rapidement et très facilement, vaut surtout par deux enseignements essentiels :
* il démontre que la notion de secret d’Etat est dévoyée et constitue un paravent pour dissimuler des pratiques illégales et de l’enrichissement personnel par un nombre extrêmement réduit de personnes très haut placées ;
* il révèle que la mondialisation de l’économie, bien plus avancée que celle des instances politiques et judiciaires, génère les conditions d’une impunité qui profite à la fois aux Etats (notamment ceux qui soutiennent des paradis fiscaux), aux groupes internationaux et aux sociétés mafieuses.
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