Dans la peau d'un noir de John Howard Griffin
( Black like me)
Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Economie, politique, sociologie et actualités
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« Il y a un café pour Noirs au Marché Français à deux rues d’ici ».
L’auteur est un Blanc qui change de peau avec l’aide d’un médecin pour vivre pendant quelques semaines, en 1959, la vie des Noirs américains.
Griffin est une sorte d’habitué des « changements de peau » puisqu’il est un authentique ancien aveugle et qu’il a vécu en France. Peut-être, après tout, ce type d’expérience n’était-il pas envisageable pour un Américain blanc qui n’aurait jamais quitté son pays et qui aurait toujours joui d’une excellente vision : ce sont ceux qui voient le moins loin...
Où aller dormir, manger, où pisser ? Il faut parfois traverser la ville pour trouver les commodités qui abondent pour les Blancs. Le monde des Noirs américains des années 50-60 n’a rien à voir avec celui des Blancs. Les deux communautés se côtoient sans avoir de contacts, dans l’inégalité la plus parfaite. C’était il y a 45 ans dans « la-plus-grande-démocratie-du-monde ». Les élections elles-mêmes sont en pratique réservées aux Blancs. Et la Justice aussi : un Blanc – pour autant qu’il soit un peu discret – peut tuer un Noir sans prendre de risques majeurs.
C’est encore l’époque où la solidarité entre Noirs est réduite : le Noir foncé est perçu comme inférieur par le Noir clair.
Lorsque un Noir explique « Nous ne sommes pas des gens instruits parce que nous n’en avons pas les moyens, ou parce que nous savons qu’avec de l’instruction nous n’aurions pas les mêmes emplois que les Blancs », il est difficile de ne pas faire le lien avec les immigrés chez nous : envoyés dans des écoles moins performantes parce qu’au milieu de ghettos et presque automatiquement destinés aux sections professionnelles devenues le symbole même de l’échec social.
De même avec : « Le Noir sait qu’il y a quelque chose qui ne va pas du tout, mais, vu le fonctionnement actuel des choses, il ne peut pas savoir qu’à travers le travail et les études on atteint quelque chose de mieux ».
Ou bien : « Le désespoir émousse le sens de la vertu chez un homme. Plus rien n’a d’importance pour lui. Il fera n’importe quoi pour y échapper – voler, commettre des actes de violence (…) »
Et : « personne, pas même un saint, ne peut vivre sans le sentiment de sa valeur individuelle. Les racistes blancs ont magistralement à frustrer les Noirs de ce sentiment. De tous les crimes raciaux, c’est le moins évident mais le plus odieux, car il détruit l’esprit et le désir de vivre. »
Evoquant l’influence de la religion sur le sentiment raciste, un prêtre cite Shakespeare : « tout imbécile peut trouver un passage dans les Ecritures pour étayer ses erreurs de jugement ». Et le prêtre de conclure : « Il connaissait les bigots ».
J’ajouterais : c’est vrai de toutes les Ecritures, de toutes religions et de tous les bigots.
Le livre se termine sur une inquiétude face à la montée d’un racisme en retour : celui des Noirs contre les Blancs. Explicable bien sûr, mais menant à « la tragédie insensée de l’ignorance contre l’ignorance ».
L’ensemble vaut plus par son aspect témoignage que par les quelques développements plus journalistico-philosophiques sur le racisme, pertinents bien sûr, mais moins originaux.
Les éditions
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Dans la peau d'un Noir [Texte imprimé] John Howard Griffin traduit de l'anglais par Marguerite de Gramont
de Griffin, John Howard Gramont, Marguerite de (Autre)
Gallimard / Collection Folio
ISBN : 9782070368099 ; 7,50 € ; 11/06/1976 ; 248 p. ; Poche
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Les critiques éclairs (4)
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Instructif !
Critique de Catinus (Liège, Inscrit le 28 février 2003, 73 ans) - 26 août 2020
Très instructif !
Extraits :
- Dans un flot de lumière reflétée par le carrelage blanc, le visage et les épaules d’un inconnu - un Noir farouche, chauve, très foncé – me fixait avec intensité dans le miroir. Il ne me ressemblait en aucune façon. La transformation était complète et bouleversante. Je m’attendais à me trouver déguisé, ceci était tout autre chose. J’étais emprisonné dans le corps d’un parfait étranger, peu attirant et à qui je ne semblais lié en rien.
- Il reprit la parole : « Je vais vous dire comment cela se passe ici. Nous faisons des affaires avec vous autres. Et aussi sûr que deux et deux font quatre, nous enfilons vos femmes. En dehors de quoi, nous vous considérons comme inexistants. Et le plus tôt vous vous fourrez ça dans la tête, le mieux cela vaudra pour vous. »
John Howard Griffin le journalisme d'investigation dans la peau
Critique de Cafeaulait (, Inscrit le 29 juin 2013, 43 ans) - 30 juin 2013
L’auteur a beau vouloir combattre les clichés, il n’en combat que certains. Ce livre le rappelle par son époque de parution années 1960’. De fait, on observe la récurrence de certains termes comme race, Noirs, Blancs. De nos jours, il serait plus périlleux pour un auteur de parler de race Noire et de race Blanche qui cohabitent et doivent avoir les mêmes droits. Malgré tout, le journaliste se démène et finit par mettre à jour dans son investigation la futilité grossière accolée derrière chaque mot. Qu’il doit cependant exprimer tel quelle, sans détour .
JH Griffin décida pour le compte d’un journal et après avoir averti le FBI de suivre un traitement médicamenteux en plusieurs phases le faisant changer de couleur de peau. Il le rectifiera avec de la teinture pour paraitre plus crédible. Il mettra un temps à se faire à cette identité avant de s’y fondre complètement. Quand la jonction avec l’apparence nouvelle est faite, il se tourne dans le texte vers l’extérieur et les injustices apparaissent transcrites sans fard.
JHG en tant que noir, a parcouru un périple dans les USA du Sud. Nouvelle Orléans, Louisiane… En tant que Noir extérieur à ce système sudiste. Partout il y fut accueilli avec amabilité et avec grand soin par les Noirs soucieux de le prévenir des mœurs et coutumes arides voire hostiles du lieu qu’il visita afin d’éviter toutes altercations avec les blancs. Un regard sur une affiche de cinéma d’une actrice de cinéma blanche, par exemple, pouvait causer réflexions, coups, voire plus. Avec les Blancs ce fut distant et d’une politesse froide en cas de demande d’indication de direction ou d’achats. Tout le long du périple, la ségrégation raciale règne, séparation Noir et Blanc aux toilettes, au restaurant, au cinéma, dans le bus, les hôtels, dans la recherche d’un emploi…
Ce livre est un document dressant un état des lieux de la société américaine en 1960’ tiraillée entre ceux souhaitant une équité de droit pour tous sans distinction de couleur de peau. Alors que, ceux voulant une stricte séparation entre une race Noire et une Blanche avec bien sûr une visibilité de cette séparation dans la société par le biais d’un système ségrégationniste.
Le livre se termine sur un déménagement de l’auteur ainsi que sa famille ne supportant plus les remontrances, les actes tels courriers et croix brûlée, pendaison de mannequin le représentant. Cela suite à la révélation de son investigation en Noir et aux articles à venir, avant bien sûr le livre.
Extraits :
« Ils ne vous poseront pas de questions, en vous voyant ils vous prendront pour un noir et c’est tout ce qu’ils voudront savoir de vous »
«… il me fit part d’un aphorisme des gens de couleur-plus leur peau est claire, plus ils sont honnêtes. Je fus étonné qu’un homme aussi intelligent se laissât prendre à ce cliché …»
« Ils nous empêchent de gagner de l’argent, de payer de gros impôts puisque nos revenus sont modiques, et ensuite ils déclarent qu’ils ont le droit de dicter la loi puisqu’ils acquittent la majorité des impôts. C’est un cercle vicieux »
« Ils prétendent, et je l’ai lu récemment, que l’égalité d’instruction et les mêmes emplois aggraveraient notre tragique situation. Rapidement nous aurions la preuve que nous ne sommes pas à la hauteur de notre tâche - et en sachant de ce fait que nous sommes une race inférieure, nous perdrions toutes nos illusions. »
« …ces racistes superpatriotes… »
« Cela prouve que les personnages les plus répugnants ne sont pas les racistes ignorants et agressifs, mais les juristes qui sont leurs porte-parole, qui inventent pour eux les propositions de loi et les bulletins de propagande »
« Une partie de la stratégie des blancs du sud est d’arriver à ce que les noirs soient dans les dettes jusqu’au cou et les empêcher d’en sortir »
«… Lorsqu’on fait table rase de tous les racontars et de toute propagande, le seul critérium n’est que la couleur de peau …»
… Pour la justification du racisme dans la bible par le moine…« Tout imbécile peut trouver un passage des écritures pour étayer ses erreurs de jugement. Shakespeare »…
cafeaulait
Dans la peau d'un noir
Critique de Oburoni (Waltham Cross, Inscrit le 14 septembre 2008, 41 ans) - 11 juin 2009
C'est dans ce contexte explosif que le journaliste John Howard Griffin se pose la question : qu'est-ce qu'être noir dans les états sudistes ?
De nombreux essais, travaux sociologiques pro et anti ségrégation ont été menés sur le sujet, hautement sensible et qui occupe alors le devant de la scène. Pourtant, le militant anti-racisme va adopter une autre approche. Allant beaucoup plus loin qu'une étude d'intello' blanc, il va devenir noir -suivant un traitement aux ultraviolet et se bourrant de médicaments et drogues utilisés a la base contre le vitiligo- pour avoir une meilleur compréhension de la question raciale.
Cette démarche originale ( folle ? ) aura pour résultat "Dans la peau d'un noir", récit documentaire qui forme un témoignage absolument unique en son genre.
Trois niveaux de lecture se superposent.
Le premier concerne les réactions et sentiments de Griffin à se savoir noir, se regarder dans un miroir et y voir un "nègre". Le changement est bien plus que physique; en franchissant la frontière entre les races il se retrouve douloureusement coupé de sa famille, sa femme, ses enfants devenus étrangers car blancs. Deux mondes à part, qui se côtoient mais ne se mêlent jamais.
Le second, l'essentiel, est le récit de ses aventures dans le sud ségrégationniste lui qui, courageusement, voyagera entre le Mississipi et l'Alabama, soit les deux états les plus racistes, violents, conservateurs, où la question raciale est le plus sensible. De manger, boire même un simple verre d'eau, aller aux toilettes, se laver les mains, utiliser les transports en commun jusqu'à chercher du travail ou un logement etc... sa vie devient un cauchemar. Il est sans cesse harassé, humilié, brutalisé. Même les blancs qui ne sont pas racistes écrasent, sans le vouloir ni en avoir conscience, les noirs d'une sympathie si paternaliste qu'elle met mal a l'aise. En effet les préjugés -que Griffin détruit habilement- sont si terriblement enracinés dans les esprits qu'ils font du racisme un état de fait vicieux. Prenant tour à tour le visage de la haine ou celui de la pitié condescendante, il empoisonne même ceux dotés de bonne volonté. Affligeant et glaçant a la fois.
Le tout est entrecoupé, troisième niveau de lecture, de réflexions sur le racisme. Pourquoi, comment il fonctionne, qu'est-ce qui l'engendre, comment il devient un cercle vicieux... Réflexions qui peuvent paraitre courtes et simples mais sont pourtant pertinentes et se vérifient partout où le racisme gagne ou a conquis du terrain.
"Les noirs. Le Sud. Ce sont là des détails. La vraie histoire est celle, universelle, d'hommes qui détruisent corps et âmes d'autres hommes ( et se détruisent en même temps ) pour des raisons qu'aucun ne comprend vraiment. C'est l'histoire du persécuté, du démuni, de l'apeuré et du détesté. J'aurais pu être un juif en Allemagne, un mexicain dans nombre d'états, ou un membre d'un quelconque autre groupe "inférieur". Seuls les détails auraient différé. L'histoire serait la même."
Le livre, qui fit alors l'effet d'une bombe, se termine par le récit des réactions de la presse -américaine et étrangère- ainsi que de celle de ses proches, voisins etc... Réactions qui en disent long sur les mentalités de l'époque quant à la question raciale.
Comme le laisse entendre Bolcho ( critique principale ) : la ségrégation n'existe plus, mais qu'en est-il des préjugés, du racisme, de la façon de traiter celui que l'on étiquette "étranger" ? La question vaut pour tous les pays... et n'a pas fini d'être posée !
"C'est par la justice que l'on peut mesurer authentiquement la valeur ou la nullité de l'homme, l'absence de justice est l'absence de ce qui le fait homme" Platon
Critique de Dalania (Dijon, Inscrite le 25 octobre 2006, 38 ans) - 20 janvier 2007
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