Neige de Orhan Pamuk

Neige de Orhan Pamuk
( Kar)

Catégorie(s) : Littérature => Moyen Orient

Critiqué par THYSBE, le 24 novembre 2005 (Inscrite le 10 avril 2004, 67 ans)
La note : 6 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 8 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (3 522ème position).
Discussion(s) : 1 (Voir »)
Visites : 9 302  (depuis Novembre 2007)

Intéressant mais trop long.

Je suis un peu gênée de faire la première critique de ce livre avec si peu d’étoile. Car, comme beaucoup, j’ai été très révoltée concernant la plainte du gouvernement Turque sur la liberté d’expression d’un de ses écrivains les plus lus. Je voulais, par le biais de ma lecture, contribuer à soutenir Orhan Pamuk.
Mais, j’ai failli abandonner ce livre en cours de route.
Je ne suis pas rentrée pleinement dans le sujet, j’ai trouvé le récit trop long et ce narrateur qui s’adresse au lecteur comme dans un rapport, enlève une dynamique au récit.
Pourtant, le sujet est très fort, il exploite toute cette mosaïque ethnique Turque, c’est d’ailleurs ce qui m’a un peu égaré par moment.
L’histoire se situe à Kars en Anatolie, joliment décrit sous la neige avec son témoignage architecturale Russe et Arménien. Ka, un poète revenu de son exil Allemand, est envoyé par un journal d’Istanbul dans cette petite ville pour enquêter sur plusieurs cas de suicides de jeunes femmes portant le foulard. Il sait, et c’est ce qui le motive à venir dans cette ville, qu’il retrouvera la belle Ipek, son ancienne camarade de faculté qui vient de divorcer avec Muthar.
Kars en pleine effervescence électorale, dont Muthar est aussi candidat islamiste à la mairie, utilisera la visite du poète pour confronter les divers postulants au pouvoir.
Mais pour Ka, son fil conducteur est la conquête d’Ipek, avec qui il veut repartir en Allemagne. Aussi, loin des préoccupations des habitants il se laissera entraîné dans le discours de chaque parti.
La ville, isolée par une importante chute de neige, qui ne permet plus d’entrer ou de sortir, vie sous la pression, la menace, la manipulation. Elle se déchire dans des conflits d’extrémisme religieux ou la peur de l’Occident et la crainte de l’athéisme mènent mal à partie le pouvoir en place. Un livre très politique, qui exploite le fanatisme et l’identité Turque.
Cette neige pour moi et en quelques sortes une allégorie de la peste de Camus.
Des sujets d’actualités comme l’interdiction du port du foulard, le couvre feu, l’état d’urgence…
Ce livre parle aussi de cet éloignement de la pensée entre ceux qui ne sont jamais parties de leur lieu de naissance et ceux qui ont pu confronter leur référence en d’autres lieux et d’autres peuples, la peur de l’inconnu.
Orhan Pamuk à tenté de nous transmettre cette constante confrontation du pouvoir entre laïque et religieux.
C’est un livre plus politique que littéraire.

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Art, politique et amour

9 étoiles

Critique de OC- (, Inscrit le 4 mars 2011, 27 ans) - 4 septembre 2014

Ce roman de Pamuk a connu un large succès international, de nombreuses récompenses et a très largement compté dans l'attribution du prix Nobel de Littérature - et ceci est mérité. L'écriture est très fluide, très belle et très riche; l'histoire bien maîtrisée, hormis quelques longueurs.
Le narrateur relate un épisode de la vie de Ka, un poète et ami turc exilé en Allemagne pour des opinions politiques perdues entre temps, et qui s'en retourne en Turquie, à Kars, ville reculée d'Anatolie, pour enquêter sur la vague de suicides de filles et aussi pour retrouver la belle Ipek. La ville est en ébullition et les tensions entre islamistes (radicaux ou modérés), démocrates, républicains, nationalistes turcs ou kurdes, etc. sont maximum : les élections approchent et la population est quasiment certaine que le parti islamiste va arriver au pouvoir; des filles qui refusent d'enlever leur foulard à l'école sont virées mais soutenues par une frange importante de la population; le directeur de l'école se fait abattre par un islamiste radical. Au cours d'une représentation théâtrale, le directeur de la troupe et des militaires mettent en place un putsch républicain, voulant faire honneur à la République et à Ataturk.

Ce livre nous montre toute la complexité politique de la situation turque, les excès de toutes les tendances et regorge ainsi de réflexions sur la politique, l'art (et sa relation au politique), la religion, la démocratie. Ainsi, beaucoup de démocrates (ou républicains, kémalistes, etc.) se réjouissent du putsch, qui, dans le principe, s'oppose totalement aux principes démocratiques, mais, ici, pourrait garantir le respect de certains fondements de la démocratie, comme la laïcité. On peut se poser la question : la démocratie se définit-elle comme la souveraineté populaire ou comme le respect de certaines libertés fondamentales? Que faire quand l'opinion générale va à l'encontre de ces libertés? Car il est un peu facile pour les démocrates de promouvoir un système dans lequel le peuple élit ses représentants, mais de n'accepter ces élections que lorsque ces démocrates sont en accord avec elles.
Pamuk a un sens aigu des dialogues, au sein desquels se développent ces réflexions et se révèlent les pensées intimes de chaque personnage.

Une poésie mélancolique pour défendre les libertés

7 étoiles

Critique de Veneziano (Paris, Inscrit le 4 mai 2005, 46 ans) - 18 juillet 2014

Ce roman sur la Turquie écartelée entre ses aspirations de tradition et de modernité, sur ses libertés rognées, s'avère, en effet, très poétique, sensible, et aussi est-il difficile de rester indifférent au contexte et au charme de ce livre. Sur le fond et en partie sur la forme, je l'ai apprécié.
Mais cette tristesse, liée à la mélancolie, cette langueur, et ces longueurs, du même coup, subséquentes à ces aspects, rend cette lecture bien amère, et parfois décourageante ; aussi faut-il se souvenir que cette oeuvre est conçue comme un appel à l'ouverture des libertés d'expression, d'opinion, de tolérance, religieuse certes mais pas seulement.
Il reste assez beau, malgré un excès dans les effets donnés à la psychologie du personnage principale, qui incitent à des longueurs, sans doute excessives, d'autant plus que ce livre s'avère mélancolique par nature, bien que romantique à sa manière.
C'est un livre important, avec des qualités.

Drôle de livre

6 étoiles

Critique de DE GOUGE (Nantes, Inscrite le 30 septembre 2011, 68 ans) - 11 février 2014

qui nous entraîne du plaisir à l'ennui ! Un poète paumée qui revient dans son pays et le regarde... Des épisodes fascinants et des épisodes d'un vide mortel ...et surtout une impossibilité pour moi, de comprendre. Je n'ai pas trouvé la clé !
Un héros largué, entre l'histoire de son peuple et son incapacité à se situer, une belle écriture et tout à coup, un ennui mortel !
Un livre difficile à lire, des personnages peu attachants, paumés et déshonnêtes (à part Ipek) des longueurs terribles, des moments où on ne comprend plus rien !
J'ai eu du mal à terminer cet ouvrage et en sors dubitative ! L'alternance de beaux moments et d'ennui fait que je ne me sens pas vraiment concernée par les états d'âme d'un personnage peu attrayant, trop introspectif et hors réel et surtout, peu en lien avec la réalité de ce qu'il croise.
Bref, malgré des moments littéraires et réels fulgurants, l'ennui l'emporte ! je n'engage que moi, mais ce livre ne m'a pas apporté ce que j'en espérais ....
Dommage !

Tout de même, ce Pamuk, quelle poésie...

9 étoiles

Critique de Lucile (Stockholm, Inscrite le 20 septembre 2010, 36 ans) - 2 octobre 2012

Ce livre fait maintenant partie des petits bijoux de ma bibliothèque.
Quelle écriture ! C'est fluide, tout simplement beau, la plume voit juste, et contrairement à d'autres lecteurs, j'ai trouvé l'idée de la narration très percutante dans le contexte de l'histoire. Ca me rappelle un peu l'excellent "l'enfant de sable" de Tahar Ben Jelloun, avec ce style narratif particulier, un retour au présent qui déroute un peu au début, mais qui fait de l'histoire principale une sorte de conte merveilleux. Cet aspect merveilleux, ou plutôt surréaliste, de l'histoire est souligné par le contexte du putsch militaro-théâtral ainsi que par le huis-clos dans cette ville inaccessible bloquée par la neige.
L'histoire principale, justement, est terriblement d'actualité. Cet anti-héros, poète en manque d'inspiration, est attachant et je m'y suis identifiée, bien que n'étant ni turque ni musulmane (et encore moins poète).
Les personnages sont tous esquissés avec beaucoup de nuances, les caractères sont complexes et évoluent au fil de l'histoire.
Le lieu enfin : comme dans "Istanbul", Pamuk livre une description fabuleuse de Kars, cette petite ville pauvre et triste pas loin de l'Arménie et de la Georgie. L'ambiance y est brumeuse, sombre, presque onirique parfois. C'est magnifiquement décrit, avec une poésie délicieusement légère.

Bref, je pourrais en mettre encore des tartines pour vous faire partager mon enthousiasme.
Pour conclure, je ne mets pas 5 étoiles parce que j'ai tout de même "préféré" Istanbul, encore plus poétique, parce que plus descriptif et autobiographique. Mais c'est du pinaillage.

Un cristal

9 étoiles

Critique de Ardeo (Flémalle, Inscrit le 29 juin 2012, 76 ans) - 21 août 2012

Je dois vous avouer que je lis lentement. Ce roman, je l’ai lu sur plusieurs mois et je l’ai laissé mûrir longuement mais en ne l’abandonnant jamais. Même en n’étant pas plongé dans sa lecture, il vivait en moi, il m’habitait et je me plaisais à lire quelques pages par ci par là en reconnaissant automatiquement les personnages et en les situant facilement dans le récit.

Pourtant, « La neige » est un suspense -comme dit sur la 4e de couverture- et rarement je ne me suis ennuyé grâce au dynamisme de l’écriture mais c’est aussi -entre autres choses- un magnifique mélodrame. Les personnages ont une authentique personnalité ce qui permet de les identifier et de les « connaître » parfaitement. De plus, au deux tiers du roman, l’auteur fait un véritable coup d’éclat littéraire (comme un coup d’Etat dans le livre) permettant de replanter les différents éléments mis à la disposition du lecteur pour avancer dans la compréhension des désirs, des agissements et des idées de chacun des protagonistes.
Que de belles pages de discussions polémiques, des chapitres entiers voués à la dialectique entre personnes opposées par leurs quêtes différentes dans la vie, la religion ou la politique, d’introspection du personnage appelé Ka (K ?, intellectuel et poète turc exilé en Allemagne et de voyage au pays, un homme athée, amoureux, lâche, juste, paumé, « obsédé en tout genre ») !

L’analyse politico-religieuse de la Turquie du début du XXIe siècle est le ressort du roman mais d’autres thèmes s’imposent et se croisent : recherche du bonheur dans la peur d’être heureux à cause/malgré les tabous et les barrières d’une société « animée » par l’Islam ou le terrorisme, place du poète dans la Société (turque, allemande, mondiale), problématique de la place de la femme turque dans une société entre modernité (plus que jamais, l’Europe est aux portes de la Turquie) et tradition religieuse (port du voile), hymne à la beauté (de l’Art mais surtout de la femme, Ipek rayonne aussi sur le lecteur!), étude psychanalytique des personnages, place de la Turquie dans la communauté européenne, légitimité de l’Etat turc et place des militaires dans l’équilibre établi entre tradition et modernité avec la répression des minorités, la torture, l’hypocrisie ou la corruption sous-jacents.
N’oublions surtout pas la neige qui est l’acteur principal du roman car elle isole complètement le village de Kars durant plusieurs jours (c’est à ce moment que beaucoup de choses se passent), elle rend les actes plus feutrés, elle crée le climat (si je puis dire), elle ponctue les nombreuses péripéties du roman et elle donne une clé à la recherche poétique du personnage de K à travers le cristal à six pointes longues.

L’auteur (le conteur) s’implique complètement, affirme sa position vis-à-vis du personnage de K, son ami, mais aussi vis-à-vis des autres personnages en Turquie et dans une moindre mesure dans l’Allemagne où il vit. Il prend le lecteur comme complice avec des réflexions anecdotiques, des précisions sous forme de renvois, des traits humoristiques, des clins d’œil.
Bref, un roman passionnant auquel toutefois, je n’accorderai que 4 étoiles car je trouve que sa longueur, sa trop grande densité et ses répétitions nuisent quelquefois à l’ensemble. A vous de juger !

Orhan Pamuk, Neige

8 étoiles

Critique de SpaceCadet (Ici ou Là, Inscrit(e) le 16 novembre 2008, - ans) - 16 janvier 2009

‘Le silence de la neige’…

Cette phrase, si évocatrice, ouvre le neuvième roman d’Orhan Pamuk avec tout juste ce qu’il faut de poésie et de mystère pour donner le ton. Dès lors, emportés par le défilé des mots, on plonge rapidement dans l’atmosphère à la fois comprimée et émerveillée au sein de laquelle cette histoire d’amour et d’intrigues politiques nous entraînera.

L’histoire se passe à Kars, une ville frontalière de l’est de la Turquie, au début des années 1990.

C’est à la veille d’une élection municipale et coupée du monde par une tempête de neige, qu’on découvre une ville appauvrie et animée par diverses tensions mettant en scène kurdes, islamistes, communistes, républicains et autres qui se disputent raison et pouvoir.

C’est dans ce contexte que Ka, un poète turc exilé en Allemagne depuis douze ans, décide, alors qu’il vient d’enterrer sa mère à Istanbul, de se rendre à Kars, une ville qu’il n’a pas revu depuis plus de vingt années.

Sous le prétexte de rédiger un article pour le compte d’un journal Stambouliote, Ka explore la ville et se frotte à ses habitants tout en cherchant, de façon plus ou moins consciente, à se défaire du mal-être qui l’habite et dont sa plume, desséchée depuis plus de quatre ans, fait notamment les frais.

A Kars, tandis qu’il retrouve l’inspiration d’écrire et tombe follement amoureux, Ka est également mêlé à des événements qui marqueront le cours de son existence.

Cette histoire qui s’étale sur quatre jours, nous est racontée avec quatre années de recul par un ami de Ka, dont la narration s’accorde par ailleurs plutôt fidèlement à la perspective du protagoniste.

A cette narration, vient se greffer un développement thématique explorant divers aspects de la société turque de plus que des questions telles que l’identité nationale et sociale, l’intégrité et l’intégration sociale, la liberté et le bonheur. Propos imposants, submergeant parfois une intrigue qui, de surcroît, évolue à rythme lent, mais qui, sous la plume experte de Pamuk, capturent l’attention.

Toutefois, lorsqu’à mi-chemin du récit, le narrateur nous révèle l’issue de l’aventure, en plus d’exiger de la part du lecteur qu’il accorde son regard avec la nouvelle direction prise par l’intrigue, ce revirement confronte également l’intérêt à une inévitable sensation de longueur.

Hormis ce point sensible, Pamuk signe ici un autre roman de belle facture et propose de nouveau au lecteur une œuvre dense et riche qui éveille la curiosité et suscite la réflexion.

Exil

9 étoiles

Critique de Bachy (, Inscrit le 10 avril 2004, 61 ans) - 24 janvier 2006

Dans ce roman, Ka, un journaliste en reportage, nourri de culture européenne, assiste aux luttes entre les nationalistes laïques et islamistes radicaux. Un tableau de la Turquie d'aujourd'hui entre Orient et Occident. Il finira assassiné après avoir barboté dans les eaux troubles d'une ville paralysée par l'hiver et la misère. Il faut lire ce roman pour comprendre, de l'intérieur, le présent si douloureux de ce pays déchiré entre lumières et ténèbres. Ka est un héros ambigu se démenant au sein de ses luttes pour assurer son bonheur..
Exilé politique en Allemagne, il part faire un article à Kars, ville de 350.000 habitants (préfecture) à l'est de l'Anatolie, à un vol de corbeau de la Géorgie et de l'Arménie. Kars, comme son nom l'indique, accueille chaque année la plus grande quantité de neige de toute la Turquie. Il enquête sur un fait divers sordide: le suicide de jeunes femmes voilées. Il cherche à connaître les raisons qui les poussent à commettre ce geste. Ce n’est pas la pauvreté, le désarroi ou l’incompréhension. Ce n’est pas non plus l’incompréhension des parents opprimant et frappant sans cesse leur fille, ne lui donnant même pas la permission de sortir dans la rue; ce n’est pas non plus la pression des maris jaloux ni le dénuement matériel. L’envie de se suicider correspond au désir de s’approprier leur propre corps : les filles qui perdent leur virginité tout en étant trompées, les vierges destinées à être mariées avec un homme dont elles ne veulent pas. Elles voient le suicide comme un désir d’innocence et de pureté. La raison essentielle est l’amour-propre. Il arrive à la veille d'élections municipales où s'affrontent nationalistes, islamistes et laïcs. Il est aussi venu pour de plus humbles raisons: rejoindre une ancienne camarade de fac, Ipeck, dont il est secrètement amoureux. Ka est témoin de l'assassinat du directeur de l'Ecole Normale qui a interdit le port du voile et d'un putch militaire à l'occasion d'un spectacle de propagande au Théâtre de la Nation. A partir de ce moment, Ka est sollicité par les membres des deux factions adverses: les étudiants islamistes d'un côté et les ultralaïcs de l'autre.

On reconnaît Pamuk à son écriture labyrinthique, à sa force de dire l'irréel avec l'évidence de la vérité, de décrire l'âme des gens sans dessiner leur visage, au souffle romanesque qui traverse ses livres sans faiblir. Il surprend lorsqu'il avoue que la moitié de chacun de ses livres est autobiographique, qu'il s'est rendu à Kars pendant les élections municipales, que tous les chapitres racontant ces faits, la façon dont chacun veut séduire puis rejeter l'envoyé de la grande ville qui jouxte l'Occident, sont d'exacts reportages. Il demande qu'on ne se hâte pas à faire la part du réel et du surréel dans ces livres, car, en Turquie, ces deux notions s'inversent imperceptiblement. La première place est occupée par un poète parce qu'en Turquie personne ne peut prétendre à une carrière politique sans publier de la poésie, c'est pourquoi il ne fait pas de politique, ses poèmes sont trop mauvais ! Pamuk, plus habitué aux histoires stambouliotes, a fait le choix d'investir cette partie reculée - oubliée - de son pays. Et ce n'est pas anodin. Dans les environs de Kars se trouvent les ruines d'Ani, la « cité aux mille églises », riche capitale de l'Arménie au Moyen Age, ainsi que, majestueux et surplombant la frontière arméno-turque, le mont Ararat - symbole pour les Arméniens de leur pays perdu.
Il s'est inspiré d'un fait divers et ajoute un élément récurrent dans sa narration : la neige. Kars est coupé du reste du monde, par une neige qui, inlassablement, tombe, cache des amours interdites, étouffe les coups de revolver, anesthésie les douleurs, mais ravive les rumeurs, attise les rivalités sanglantes entre fractions de tous bords, de tous les extrêmes : islamistes, militaires, nationalistes. Pamuk, malin ou provocateur, les met tous en scène sans prendre parti. Il n'épargne personne, pas même son héros, ironise sur l'art, se moque de Ka délirant sous de soudaines inspirations poétiques, montre l'imposture de la presse (le journal local imprime la veille les événements du lendemain), exhibe la détresse politique (les doubles jeux, les assassinats, les tortures...). Dans un climat de suspicion et de délation, les vérités les plus élémentaires comme les hommes les plus ordinaires sont broyés, mâchés par une machine kafkaïenne - inculture, intolérance. « Neige » ose démontrer l'incompatibilité entre démocratie et religion extrémiste. Il raconte la haine, une forme de désarroi. En véritable romancier, il maîtrise l’art et la manière d’assembler les éléments qui construisent une histoire, avec ses zones d’ombre qu’on a envie d’éclairer. Et sème, entre des pages élégiaques et torturées, les petits cailloux de plusieurs récits qui s’enchevêtrent autour de quelques personnages gravitant dans l’orbite du narrateur.
Un récit dense de près de cinq cents pages, d’une remarquable diversité d'angles et de jeux narratifs, imbriquant sa marqueterie de parenthèses et de raccords malicieux. Le romancier est omniscient et… furieusement libre.

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  Neige 1 Etienne 29 janvier 2006 @ 16:58

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