Je n'y connais rien en scénario. Mais il me semble qu'un scénario ne doit indiquer que les grandes lignes, les scènes, les actions, les images, les dialogues et le sentiment global. Bref, pas ce qui fait que je m'intéresse à la littérature et qui est le style, le maniement de la langue , la façon d'écrire, l'usage des mots et des images que l'on fait jaillir dans les cerveaux et non les yeux... bref, la littérature, quoi. ;-))
Mais simple avis perso et qui tolère fort bien de cohabiter avec des avis différents
Mais simple avis perso et qui tolère fort bien de cohabiter avec des avis différents
Je suis un peu de l'avis de Sibylline, et je n'intervenais pas, tout simplement parce que je n'ai aucun avis à donner. Je n'y connais que dalle en scénarios, je ne suis pas Spielberg, et je n'en ai jamais lu. A ma connaissance, le seul qui ait publié un scénar était Stephen King avec Peur bleue. Ou je me trompe?
Comme les autres, je n'ai rien contre ceux qui viennent parler de leurs bouquins, à condition qu'ils annoncent la couleur, et qu'ils restent dans les forums. Je déteste les auto-critiques dithyrambiques et anonymes.
Comme les autres, je n'ai rien contre ceux qui viennent parler de leurs bouquins, à condition qu'ils annoncent la couleur, et qu'ils restent dans les forums. Je déteste les auto-critiques dithyrambiques et anonymes.
Comment vous dire ?
C'est un exercice imposé, avec des tas de contraintes comme la versification ou la poésie et des tas de conventions comme au théâtre; exemple : "une minute par page", "on revient à la ligne au changement de plan", "on change de séquence au changement de décor"...
Le style c'est le dépouillement.
L'élégance c'est la simplicité qui parle au coeur, par les yeux, les oreilles...
Il faut choisir ses mots efficacement. Aller à l'essentiel mais sans être trop sec. Chercher dans la musique des mots le miel des images; dans un silence le tranchant du désespoir...
C'est un métier formidable mais sans doute difficile à faire partager.
Allez essayons... Prêts pour une expérience existencielle ?
(J'ai conscience pour le coup que c'est une très mauvaise pub, mais qui sait, un miracle ? )
Dites moi si ça vous a fait naître des images ? des impressions ?
Si vous avez envie de savoir ce que fait ce type dans ce train, cet autre à Paris ??
En principe à gauche on écrit ce qu'on voit
à droite ce qu'on entend
et au milieu ce qui se dit
mais je n'arrive pas à mettre en page, tant pis !
"Brut de pomme" ça donnerait ça :
Exemple de début d'un scénario :
GENERIQUE, TRAIN ENTRE KIEV et KHARKOV / SOIR
Battements lancinant des boggies sur les rails
La vaste plaine ukrainienne à perte de vue derrière la vitre du compartiment.
Le défilement monotone de la terre noire.
Le rythme répétitif des traverses et des rails sur la voie.
Chants, rires, éclats de voix étouffés
BORIS, brun athlétique, se regarde dans la vitre et passe sa main sur son menton.
En reflet dans la vitre : le visage émacié aux traits virils de BORIS. Il a dépassé la quarantaine, ses joues sont ombrées par la repousse d'une barbe dure.
Il colle sa main sur la glace et approche son visage de la fenêtre. Les pommettes sont hautes, les yeux en amande, le regard et les cheveux d'un noir profond.
De l'autre côté de la fenêtre la lumière décline sur les champs.
Quelques notes de bandonéon
Le générique apparaît en surimpression sur le défilement du paysage :
" TRIPLE PEINE "
Le CONTRôLEUR ouvre la porte du compartiment, BORIS lui tend son billet.
BORIS (en russe, sous titré)
Il n'y a pas de lumiére, camarade contrôleur ?
CONTRôLEUR (idem)
Il n'y a plus de "camarade", camarade !
Dans la vitre, le reflet du CONTRÔLEUR s’efface derrière la porte du couloir qui se referme.
Musique sur le Rythme du train
Dans la froideur crépusculaire du compartiment, BORIS relève le col de son manteau et enfouit ses mains dans ses poches.
Son regard s’abîme dans la contemplation de la plaine qui défile interminablement derrière la vitre sale.
Le générique s'achève : l’image du paysage, constellée de gouttes de pluie, disparaît derrière la vitre.
Pluie
2. PARIS, RESTAURANT / NUIT
Pluie
Dans une ruelle de Paris, l’enseigne : "à l’ami Pierre", battue par la pluie, se balance au dessus d’une vitrine ruisselante.
Derrière la vitrine, MATHIAS, un peintre en lettres dégingandé, achève de rafraîchir l’inscription :
"à l’Ancien Rebouteux, Vins & Liqueurs, Bois et Charbon."
L’ETUDIANT, une serviette de cuir à la main, le nez brillant, 20 ans, pousse la porte du restaurant.
Il s’efface pour laisser pénétrer une jolie ÉTUDIANTE qui serre un grand classeur contre son cœur.
Elle s'avance dans une salle comble et enfumée, il ferme son parapluie, MARYLENE, la serveuse blonde et corpulente, les foudroie du regard, l'ÉTUDIANT s’avance, timide.
L’ETUDIANT
On peut encore grignoter quelque chose ?
MARYLENE, regarde sa montre et se dirige vers la porte à double battants de la cuisine.
Vaisselle, hurlements
LE CHEF (hors champ)
Jusqu'à quatre heures du matin, aussi !
Du froid ! Du froid et la porte !
3. PARIS, CUISINE DE RESTAURANT / NUIT
Dans une cuisine exiguë et encombrée, le CHEF, gros cœur et grande gueule, se détourne de ses fourneaux et fait claquer trois assiettes sur un plan de travail métallique.
LE CHEF
Et trois andouillettes à la quatre, enlevez !
Les assiettes disparaissent à travers le passe-plats.
Le CHEF boit une gorgée et consulte une fiche ; il se tourne vers NABEEL, son commis de cuisine, un Kurde entre deux âges.
LE CHEF
Mes deux aligots, Mohamed !
C’est pour aujourd’hui ou pour demain ?
NABEEL (las)
Je m’appelle Nabeel ! je m’appelle pas Mohamed...
NABEEL empile grossièrement les assiettes sales qui s’accumulent sur la desserte.
LE CHEF
Et qu’est-ce que c’est encore que ce bordel ?
D’un geste trop vif le CHEF balaie les couverts qui tombent avec fracas.
LE CHEF
ça s’entasse, ça s’entasse !
VLADIMIR, un jeune plongeur blond et costaud, vêtu d’un rayé de marin et d’un grand tablier blanc se précipite.
LE CHEF (rigolard, à Vladimir)
Faudrait voir à y aller à la manoeuvre, le batelier de la Volga
VLADIMIR (accent russe)
"Faudrait voir à y aller" à me payer aussi...
VLADIMIR se relève, les couverts dans les mains. Il a à peine 20 ans, ses traits sont fins, sa peau de blond laisse ses joues presque imberbes, le regard est bleu, les gestes vifs : un adolescent monté en graine. Il désigne sa poche du coude.
VLADIMIR
ça s’entasse pas-là !
LE CHEF (amusé)
Il en fait des progrès, t’entends Momo ?
NABEEL
Je m’appelle Nabeel !
LE CHEF (à Nabeel)
Tu t’en lasses pas, toi, hein ?
MARYLENE passe la tête et annonce.
MARYLENE
Une merine, une charcuterie...
et deux fromages blancs à suivre !
VLADIMIR (ferme)
Demain j’envoie l’argent chez moi !
LE CHEF
Ah, là c’est moins bien ! Et reste poli, hein ?
T'es pas si mal dans ma piaule...
Il prend un plat et fait le geste de le bercer comme un bébé.
LE CHEF
Et bientôt avec "Môman" !
Vladimir jette un paquet de couverts dans son bac de plonge.
Eclaboussures
LE CHEF
On va pas faire la guerre froide, comme avec Marylène !
Il se penche pour apercevoir MARYLENE derrière le passe plats.
LE CHEF
Elle est où l’autre ? Mary !
Une merine, une charcuterie : enlevez !
C'est à continuer ici...
@+??
(ça ne doit pas non plus être l'usage...)
C'est un exercice imposé, avec des tas de contraintes comme la versification ou la poésie et des tas de conventions comme au théâtre; exemple : "une minute par page", "on revient à la ligne au changement de plan", "on change de séquence au changement de décor"...
Le style c'est le dépouillement.
L'élégance c'est la simplicité qui parle au coeur, par les yeux, les oreilles...
Il faut choisir ses mots efficacement. Aller à l'essentiel mais sans être trop sec. Chercher dans la musique des mots le miel des images; dans un silence le tranchant du désespoir...
C'est un métier formidable mais sans doute difficile à faire partager.
Allez essayons... Prêts pour une expérience existencielle ?
(J'ai conscience pour le coup que c'est une très mauvaise pub, mais qui sait, un miracle ? )
Dites moi si ça vous a fait naître des images ? des impressions ?
Si vous avez envie de savoir ce que fait ce type dans ce train, cet autre à Paris ??
En principe à gauche on écrit ce qu'on voit
à droite ce qu'on entend
et au milieu ce qui se dit
mais je n'arrive pas à mettre en page, tant pis !
"Brut de pomme" ça donnerait ça :
Exemple de début d'un scénario :
GENERIQUE, TRAIN ENTRE KIEV et KHARKOV / SOIR
Battements lancinant des boggies sur les rails
La vaste plaine ukrainienne à perte de vue derrière la vitre du compartiment.
Le défilement monotone de la terre noire.
Le rythme répétitif des traverses et des rails sur la voie.
Chants, rires, éclats de voix étouffés
BORIS, brun athlétique, se regarde dans la vitre et passe sa main sur son menton.
En reflet dans la vitre : le visage émacié aux traits virils de BORIS. Il a dépassé la quarantaine, ses joues sont ombrées par la repousse d'une barbe dure.
Il colle sa main sur la glace et approche son visage de la fenêtre. Les pommettes sont hautes, les yeux en amande, le regard et les cheveux d'un noir profond.
De l'autre côté de la fenêtre la lumière décline sur les champs.
Quelques notes de bandonéon
Le générique apparaît en surimpression sur le défilement du paysage :
" TRIPLE PEINE "
Le CONTRôLEUR ouvre la porte du compartiment, BORIS lui tend son billet.
BORIS (en russe, sous titré)
Il n'y a pas de lumiére, camarade contrôleur ?
CONTRôLEUR (idem)
Il n'y a plus de "camarade", camarade !
Dans la vitre, le reflet du CONTRÔLEUR s’efface derrière la porte du couloir qui se referme.
Musique sur le Rythme du train
Dans la froideur crépusculaire du compartiment, BORIS relève le col de son manteau et enfouit ses mains dans ses poches.
Son regard s’abîme dans la contemplation de la plaine qui défile interminablement derrière la vitre sale.
Le générique s'achève : l’image du paysage, constellée de gouttes de pluie, disparaît derrière la vitre.
Pluie
2. PARIS, RESTAURANT / NUIT
Pluie
Dans une ruelle de Paris, l’enseigne : "à l’ami Pierre", battue par la pluie, se balance au dessus d’une vitrine ruisselante.
Derrière la vitrine, MATHIAS, un peintre en lettres dégingandé, achève de rafraîchir l’inscription :
"à l’Ancien Rebouteux, Vins & Liqueurs, Bois et Charbon."
L’ETUDIANT, une serviette de cuir à la main, le nez brillant, 20 ans, pousse la porte du restaurant.
Il s’efface pour laisser pénétrer une jolie ÉTUDIANTE qui serre un grand classeur contre son cœur.
Elle s'avance dans une salle comble et enfumée, il ferme son parapluie, MARYLENE, la serveuse blonde et corpulente, les foudroie du regard, l'ÉTUDIANT s’avance, timide.
L’ETUDIANT
On peut encore grignoter quelque chose ?
MARYLENE, regarde sa montre et se dirige vers la porte à double battants de la cuisine.
Vaisselle, hurlements
LE CHEF (hors champ)
Jusqu'à quatre heures du matin, aussi !
Du froid ! Du froid et la porte !
3. PARIS, CUISINE DE RESTAURANT / NUIT
Dans une cuisine exiguë et encombrée, le CHEF, gros cœur et grande gueule, se détourne de ses fourneaux et fait claquer trois assiettes sur un plan de travail métallique.
LE CHEF
Et trois andouillettes à la quatre, enlevez !
Les assiettes disparaissent à travers le passe-plats.
Le CHEF boit une gorgée et consulte une fiche ; il se tourne vers NABEEL, son commis de cuisine, un Kurde entre deux âges.
LE CHEF
Mes deux aligots, Mohamed !
C’est pour aujourd’hui ou pour demain ?
NABEEL (las)
Je m’appelle Nabeel ! je m’appelle pas Mohamed...
NABEEL empile grossièrement les assiettes sales qui s’accumulent sur la desserte.
LE CHEF
Et qu’est-ce que c’est encore que ce bordel ?
D’un geste trop vif le CHEF balaie les couverts qui tombent avec fracas.
LE CHEF
ça s’entasse, ça s’entasse !
VLADIMIR, un jeune plongeur blond et costaud, vêtu d’un rayé de marin et d’un grand tablier blanc se précipite.
LE CHEF (rigolard, à Vladimir)
Faudrait voir à y aller à la manoeuvre, le batelier de la Volga
VLADIMIR (accent russe)
"Faudrait voir à y aller" à me payer aussi...
VLADIMIR se relève, les couverts dans les mains. Il a à peine 20 ans, ses traits sont fins, sa peau de blond laisse ses joues presque imberbes, le regard est bleu, les gestes vifs : un adolescent monté en graine. Il désigne sa poche du coude.
VLADIMIR
ça s’entasse pas-là !
LE CHEF (amusé)
Il en fait des progrès, t’entends Momo ?
NABEEL
Je m’appelle Nabeel !
LE CHEF (à Nabeel)
Tu t’en lasses pas, toi, hein ?
MARYLENE passe la tête et annonce.
MARYLENE
Une merine, une charcuterie...
et deux fromages blancs à suivre !
VLADIMIR (ferme)
Demain j’envoie l’argent chez moi !
LE CHEF
Ah, là c’est moins bien ! Et reste poli, hein ?
T'es pas si mal dans ma piaule...
Il prend un plat et fait le geste de le bercer comme un bébé.
LE CHEF
Et bientôt avec "Môman" !
Vladimir jette un paquet de couverts dans son bac de plonge.
Eclaboussures
LE CHEF
On va pas faire la guerre froide, comme avec Marylène !
Il se penche pour apercevoir MARYLENE derrière le passe plats.
LE CHEF
Elle est où l’autre ? Mary !
Une merine, une charcuterie : enlevez !
C'est à continuer ici...
@+??
(ça ne doit pas non plus être l'usage...)
Bonsoir,
Ca décrit bien, effectivement! Les images y sont.
Trop bien dirai-je, car plus aucune place n'est laissée à l'interprétation ... que j'aime insuffler à ce que je lis et qui
en personnalisant ainsi l'écrit de l'auteur fait qu'il deveint
une histoire que je m'approprie.
Impression et sensations qui n'engagent que moi!
Ca décrit bien, effectivement! Les images y sont.
Trop bien dirai-je, car plus aucune place n'est laissée à l'interprétation ... que j'aime insuffler à ce que je lis et qui
en personnalisant ainsi l'écrit de l'auteur fait qu'il deveint
une histoire que je m'approprie.
Impression et sensations qui n'engagent que moi!
On n'est pas loin de la lecture d'une pièce de théâtre, avec le plaisir et les inconvénients qu'on peut trouver à ce genre de lecture. Personnellement, je lis volontiers le théâtre ; je sais aussi qu'il se publie mal. (D'ailleurs, qu'est-ce qui se publie bien dès lors qu'on sort d'une forme strictement narrative ?)
Tout d'abord, je suis d'accord avec les autres, je pense que si tu n'as pas eu de réponses c'est parce que très peu d'entre nous ont déjà lu un scénario et étaient donc capables de se prononcer sur un « scenaroman ». Très bonne idée d’en proposer un extrait.
Personnellement ça me plaît, c’est un peu comme un mélange de théâtre et de roman. Au début la répétition des noms, les majuscules, le découpage semblent un peu lourds, puis on s’y habitue.
J’aime l’idée de lire séparément le visuel, les dialogues et les sons, et je pense que ce sera encore plus intéressant avec la mise en page que tu décris. Au lecteur d’intégrer ces différents éléments pour voir se créer l’ensemble, sans intervention indirecte de l’auteur. C’est une expérience étonnante. Tout comme ce mélange de prose minimaliste et de mots percutants.
Il est difficile de s’imaginer ce qu’on peut ressentir à la lecture d’un « scenaroman » complet. Mais je ne vois pas pourquoi des lecteurs comme beaucoup de CLiens qui aiment autant le roman que la BD ne seraient pas tentés par ce nouvel hybride.
Personnellement ça me plaît, c’est un peu comme un mélange de théâtre et de roman. Au début la répétition des noms, les majuscules, le découpage semblent un peu lourds, puis on s’y habitue.
J’aime l’idée de lire séparément le visuel, les dialogues et les sons, et je pense que ce sera encore plus intéressant avec la mise en page que tu décris. Au lecteur d’intégrer ces différents éléments pour voir se créer l’ensemble, sans intervention indirecte de l’auteur. C’est une expérience étonnante. Tout comme ce mélange de prose minimaliste et de mots percutants.
Il est difficile de s’imaginer ce qu’on peut ressentir à la lecture d’un « scenaroman » complet. Mais je ne vois pas pourquoi des lecteurs comme beaucoup de CLiens qui aiment autant le roman que la BD ne seraient pas tentés par ce nouvel hybride.
Difficile de se détacher du style “roman” pour répondre à ta question Scénarandco. Le scénario peut donner l’impression d’une succession de cartons présentés au lecteur sur lesquels on voit les clés des scènes. Mais ça reste une succession de cartons et on cherche parfois le lien, le fil qui nous emporte, nous transporte. Bon, j’essaie tout de même.
Ne pas avoir les images serait un comble puisque la composition repose sur cet objectif. Donc oui, les images viennent, les sons aussi. La scène du train m’a toutefois moins accroché. Les images sont décrites mais paraissent plus figées (au-delà de la relative immobilité de la scène). Par exemple le portrait de Boris ressemble un peu à un exercice d’expression écrite du genre “Faites le portrait de…”. Un petit détail aussi à propos d’une cohérence qui m’échappe: on voit parler à plusieurs reprises du paysage et, en même temps, Boris qui demande la lumière, et puis ce groupe de mots “la froideur crépusculaire du compartiment”. Pourquoi donner tant d’importance au paysage s’il fait nuit (ou presque)?
J’ai préféré la scène du resto et de la cuisine, plus authentiques, plus visuelles, plus sonores. Les personnages sont raisonnablement décrits et pourtant on les imagine facilement. Manque juste la transcription des odeurs, surtout pour la cuisine.
Ne pas avoir les images serait un comble puisque la composition repose sur cet objectif. Donc oui, les images viennent, les sons aussi. La scène du train m’a toutefois moins accroché. Les images sont décrites mais paraissent plus figées (au-delà de la relative immobilité de la scène). Par exemple le portrait de Boris ressemble un peu à un exercice d’expression écrite du genre “Faites le portrait de…”. Un petit détail aussi à propos d’une cohérence qui m’échappe: on voit parler à plusieurs reprises du paysage et, en même temps, Boris qui demande la lumière, et puis ce groupe de mots “la froideur crépusculaire du compartiment”. Pourquoi donner tant d’importance au paysage s’il fait nuit (ou presque)?
J’ai préféré la scène du resto et de la cuisine, plus authentiques, plus visuelles, plus sonores. Les personnages sont raisonnablement décrits et pourtant on les imagine facilement. Manque juste la transcription des odeurs, surtout pour la cuisine.
Publier un livre qui fait la transcription d'un scénario, c'est possible. Par contre je ne sais pas si ça peut marcher d'un point de vue commercial de la part d'un auteur méconnu. J'ai lu 'la tempête du siècle' un scénario de S.King
http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/?l=67
bien meilleur que 'peur bleu' sa première tentative, pourtant j'ai lu qq part que les ventes furent modestes en comparaisons avec ses autres romans.
Pour ma part, j'avais bien aimé le procédé, et l'extrait que je viens de lire plus haut est de la même veine. Faut dire que les scénarii sont évidemment tous écris sous une forme identique, de ce fait, le challenge mérite d'être souligné.
http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/?l=67
bien meilleur que 'peur bleu' sa première tentative, pourtant j'ai lu qq part que les ventes furent modestes en comparaisons avec ses autres romans.
Pour ma part, j'avais bien aimé le procédé, et l'extrait que je viens de lire plus haut est de la même veine. Faut dire que les scénarii sont évidemment tous écris sous une forme identique, de ce fait, le challenge mérite d'être souligné.
"Schmucks with Underwoods"
Que vous dire ?
Déjà un grand merci. C'est pour moi la première fois qu'un échange sur ce sujet dépasse le seuil des "portes ouvertes enfoncées" : on m'a éclaté de rire effrontément au nez dans un "cocktail littéraire" (je n'en ai fait qu'un pour les 10 ans de mon éditeur et j’en suis guéri) avec l'argument 1000 fois rebattu : - "Mais mon cher, vous ne vous êtes pas avisé que si cela ne s’est pas déjà fait et ne se fait pas c'est que cela ne marchera jamais ! ! !..." Aucun de vous ne condamne l'initiative avant d'y avoir goûté et tous font preuve d'ouverture d'esprit et de curiosité, encore une fois je vous en remercie. Mon métier jouit depuis les lustres du plus profond mépris.
Jack Warner appelait les scénaristes : « Schmuks with underwoods » des imbéciles avec une machine à écrire. Un critique de Télérama rendant compte d’un débat au dernier festival de Reims enfonce le clou en reprenant l’antienne, « il n’y a pas de scénaristes » entendez de « bons scénaristes » Ils sont mauvais et se plaignent qu’on ne les aime pas. Rien n’a changé. Dans les pools de scénaristes des Majors de l’époque de Jack Warner on compte au nombre des imbéciles : John Steinbeck, Raymond Chandler, William Faulkner, Francis Scott Fitzgerald... Mais un de mes auteurs préféré J.D. Salinger fait dire par son jeune héros dans « L’Attrape coeur » (The catcher in the rye) que son frère prostitue son talent en écrivant pour le cinéma à Hollywood. Qu’on ne s’y trompe pas, je n’ai pas la prétention de comparer mes copains à ces grands auteurs mais de là à tous nous taxer de médiocrité crasse et nos récits d’illisibles, j’aimerais un peu de mesure. Il y a dans vos réactions quelque chose qui me touche et que j’ai toujours pensé : à l’inverse d’une partition que seuls le chef d’orchestre et les instrumentistes peuvent rendre sensible aux oreilles des profanes qui ne savent pas lire la musique : un scénario ne nécessite pas un prix de conservatoire en contre point ou harmonie pour être déchiffré. Il suffit de savoir lire.
La comparaison avec le théâtre me semble très valide avec cette différence qu'au théâtre, l’histoire est racontée du point de vue statique du spectateur assis au milieu du cinquième rang d’orchestre alors qu'à la lecture d'un scénario l’oeil du lecteur suit l’objectif de la caméra. C’est intéressant la sensibilité et les nuances que vous avez exprimées : "la scène du compartiment est froide..." "s’il n’y a pas de lumière, pourquoi décrire si longuement le paysage ?", vous risquez être déçus, c’est très technique mais je le précise quand même pour vous expliquer que, sans avoir fait l’INSAS, l’IDHEC ou la FEMIS (les grandes écoles de cinéma) vous êtes déjà à un niveau de lecture « entre les lignes »... La scène est sombre : le tchernozium (terre noire d’Ukraine) dans le crépuscule glauque parce que les lettres du générique (blanches) doivent se lire (c'est tout bête, alors le "style" s'il y en a un pour le scénario c'est de ne pas encombrer
l'esprit du lecteur avec des choses triviales, chaque mot est compté, on s'arrange donc pour qu'inconsciemment le chef opérateur n'ait pas à demander "comment j'éclaire ?" et que le monteur ne puisse objecter : "mais on va rien lire !"). Et d’un point de vue dramatique vous critiquez à juste titre ce qui est déjà une « longueur » à couper au montage si elle n’était nécessaire à la lecture du nom des artistes qui ont collaboré au film.
Une autre critique est plus sévère, mais le texte la mérite aussi : "c’est sec !" Je répondrais par une comparaison et en citant une phrase : « Longtemps je me suis couché de bonne heure » est à « La Recherche du Temps perdu » ce que le générique et la séquence d’ouverture de TRIPLE PEINE sont au scénario d’un long métrage. J’ai commencé par le pire, le plus aride : si vous avez résisté à ça, je ne désespère pas de vous faire pleurer (ou rire). Mais, dernier arrivant, j’aurais mauvaise grâce de tirer, d’entrée de jeu, la couverture à moi, (la réputation de gros ego et de mauvais coucheurs des gens de cinéma en souffrirait encore). Une dernière pirouette pour me faire pardonner mes longueurs, comme disent les Russes avant de vous raconter une blague : "ANECDOT" : "L’équipe de tournage éclate de rire lorsque la starlette débarque sur le plateau pour la première séquence du matin accompagnée par le scénariste (explication, on rit de son inexpérience : si elle visait une «promotion canapé» elle a choisi le seul «technicien» qui n’a le pouvoir d’imposer personne...":-)
Je pars filmer un personnage de la vraie vie (pour me nourrir... et nourrir ceux de la fausse :-). Peut-être à bientôt pour essayer de vous faire rire ou pleurer ? (Il faudrait que je cherche une scène d’intensité dramatique qui se comprenne en qq pages, qq minutes). Je suis content de partager avec vous cette expérience @bientôt j’espère. Patrick
Que vous dire ?
Déjà un grand merci. C'est pour moi la première fois qu'un échange sur ce sujet dépasse le seuil des "portes ouvertes enfoncées" : on m'a éclaté de rire effrontément au nez dans un "cocktail littéraire" (je n'en ai fait qu'un pour les 10 ans de mon éditeur et j’en suis guéri) avec l'argument 1000 fois rebattu : - "Mais mon cher, vous ne vous êtes pas avisé que si cela ne s’est pas déjà fait et ne se fait pas c'est que cela ne marchera jamais ! ! !..." Aucun de vous ne condamne l'initiative avant d'y avoir goûté et tous font preuve d'ouverture d'esprit et de curiosité, encore une fois je vous en remercie. Mon métier jouit depuis les lustres du plus profond mépris.
Jack Warner appelait les scénaristes : « Schmuks with underwoods » des imbéciles avec une machine à écrire. Un critique de Télérama rendant compte d’un débat au dernier festival de Reims enfonce le clou en reprenant l’antienne, « il n’y a pas de scénaristes » entendez de « bons scénaristes » Ils sont mauvais et se plaignent qu’on ne les aime pas. Rien n’a changé. Dans les pools de scénaristes des Majors de l’époque de Jack Warner on compte au nombre des imbéciles : John Steinbeck, Raymond Chandler, William Faulkner, Francis Scott Fitzgerald... Mais un de mes auteurs préféré J.D. Salinger fait dire par son jeune héros dans « L’Attrape coeur » (The catcher in the rye) que son frère prostitue son talent en écrivant pour le cinéma à Hollywood. Qu’on ne s’y trompe pas, je n’ai pas la prétention de comparer mes copains à ces grands auteurs mais de là à tous nous taxer de médiocrité crasse et nos récits d’illisibles, j’aimerais un peu de mesure. Il y a dans vos réactions quelque chose qui me touche et que j’ai toujours pensé : à l’inverse d’une partition que seuls le chef d’orchestre et les instrumentistes peuvent rendre sensible aux oreilles des profanes qui ne savent pas lire la musique : un scénario ne nécessite pas un prix de conservatoire en contre point ou harmonie pour être déchiffré. Il suffit de savoir lire.
La comparaison avec le théâtre me semble très valide avec cette différence qu'au théâtre, l’histoire est racontée du point de vue statique du spectateur assis au milieu du cinquième rang d’orchestre alors qu'à la lecture d'un scénario l’oeil du lecteur suit l’objectif de la caméra. C’est intéressant la sensibilité et les nuances que vous avez exprimées : "la scène du compartiment est froide..." "s’il n’y a pas de lumière, pourquoi décrire si longuement le paysage ?", vous risquez être déçus, c’est très technique mais je le précise quand même pour vous expliquer que, sans avoir fait l’INSAS, l’IDHEC ou la FEMIS (les grandes écoles de cinéma) vous êtes déjà à un niveau de lecture « entre les lignes »... La scène est sombre : le tchernozium (terre noire d’Ukraine) dans le crépuscule glauque parce que les lettres du générique (blanches) doivent se lire (c'est tout bête, alors le "style" s'il y en a un pour le scénario c'est de ne pas encombrer
l'esprit du lecteur avec des choses triviales, chaque mot est compté, on s'arrange donc pour qu'inconsciemment le chef opérateur n'ait pas à demander "comment j'éclaire ?" et que le monteur ne puisse objecter : "mais on va rien lire !"). Et d’un point de vue dramatique vous critiquez à juste titre ce qui est déjà une « longueur » à couper au montage si elle n’était nécessaire à la lecture du nom des artistes qui ont collaboré au film.
Une autre critique est plus sévère, mais le texte la mérite aussi : "c’est sec !" Je répondrais par une comparaison et en citant une phrase : « Longtemps je me suis couché de bonne heure » est à « La Recherche du Temps perdu » ce que le générique et la séquence d’ouverture de TRIPLE PEINE sont au scénario d’un long métrage. J’ai commencé par le pire, le plus aride : si vous avez résisté à ça, je ne désespère pas de vous faire pleurer (ou rire). Mais, dernier arrivant, j’aurais mauvaise grâce de tirer, d’entrée de jeu, la couverture à moi, (la réputation de gros ego et de mauvais coucheurs des gens de cinéma en souffrirait encore). Une dernière pirouette pour me faire pardonner mes longueurs, comme disent les Russes avant de vous raconter une blague : "ANECDOT" : "L’équipe de tournage éclate de rire lorsque la starlette débarque sur le plateau pour la première séquence du matin accompagnée par le scénariste (explication, on rit de son inexpérience : si elle visait une «promotion canapé» elle a choisi le seul «technicien» qui n’a le pouvoir d’imposer personne...":-)
Je pars filmer un personnage de la vraie vie (pour me nourrir... et nourrir ceux de la fausse :-). Peut-être à bientôt pour essayer de vous faire rire ou pleurer ? (Il faudrait que je cherche une scène d’intensité dramatique qui se comprenne en qq pages, qq minutes). Je suis content de partager avec vous cette expérience @bientôt j’espère. Patrick
Merci Martell
(petit a parte : c'est marrant j'ai travaillé sur une chaîne de mise en bouteilles à Cognac, le pseudo a-t-il un rapport avec la "part des anges" et l'eau de vie des Charentes ?)
Je vais lire "La Tempète du siècle".
Je modulerai un peu la phrase :
"Faut dire que les scénarii sont évidemment tous écrits sous une forme identique, de ce fait, le challenge mérite d'être souligné."
Merci pour le challege. C'est sans doute vrai pour les américains et en France pour les séries Télé, par exemple, qui s'apparentent à un mode d'écriture "industrielle", les répliques numérotées m'y font penser, mais pour ce qui nous occupe : le cinéma et le long métrage, il y autant de différences entre l'écriture de certains scénaristes qu'entre Shakespeare, Goldoni ou Beckett en théâtre ou Proust, Virginie Despentes, Jean d'Ormesson ou Mondiano en roman... Il y a aussi le court métrage dont la durée s'apparente plus à la nouvelle et le long métrage au roman. Là encore je pourrais donner qq exemples.
J'aime bien discuter avec vous, je pars tourner... @+ Patrick
(petit a parte : c'est marrant j'ai travaillé sur une chaîne de mise en bouteilles à Cognac, le pseudo a-t-il un rapport avec la "part des anges" et l'eau de vie des Charentes ?)
Je vais lire "La Tempète du siècle".
Je modulerai un peu la phrase :
"Faut dire que les scénarii sont évidemment tous écrits sous une forme identique, de ce fait, le challenge mérite d'être souligné."
Merci pour le challege. C'est sans doute vrai pour les américains et en France pour les séries Télé, par exemple, qui s'apparentent à un mode d'écriture "industrielle", les répliques numérotées m'y font penser, mais pour ce qui nous occupe : le cinéma et le long métrage, il y autant de différences entre l'écriture de certains scénaristes qu'entre Shakespeare, Goldoni ou Beckett en théâtre ou Proust, Virginie Despentes, Jean d'Ormesson ou Mondiano en roman... Il y a aussi le court métrage dont la durée s'apparente plus à la nouvelle et le long métrage au roman. Là encore je pourrais donner qq exemples.
J'aime bien discuter avec vous, je pars tourner... @+ Patrick
En tout cas, c'est intéressant d'au moins connaître cette autre forme d'écriture. Quelles différences fondamentales dirais-tu qu'il y a entre un scénario et le texte d'une pièce de théâtre (à part, bien sûr, le fait que le film change de lieu et le théatre, non ou très peu)?
Je pense que le théâtre est écrit pour le spectateur du 5ième rang d'orchestre (au milieu) et qu'on lui raconte tout :
"Nous partîmes 500 et par un prompt renfort nous trouvâmes 5000 en arrivant au port"
alors que le scénario déploie 2 corps d'armée dans une plaine pour adapter Guerre et Paix (de Bondartchouk, par exemple).
Le scénariste montre plus qu'il ne dit et déplace le regard du spectateur comme l'objectif de la camera.
Les doigts de Trintignant hésitent à effleurer la main d'Anouk Aimée Chabadabada ! Quand cette pauvre Chimène monologue pour le spectateur du poulailler qui la découvre à travers ses jumelles (quand il n'est pas derrière un poteau :-).
Je pensais que les générations nées avec la zapette accrochée à leur berceau pourraient prendre goût à l'écriture nerveuse du scénario qui tire à la ligne comme nos "djenes" surfent sur les 260 canaux de leur parabole. Le pari n'est pas encore perdu, même si un film de Bergman ne ressemble pas à un clip de MTV et si Marcel Proust ne sera jamais MC Solar. @+pour+ Patrick
"Nous partîmes 500 et par un prompt renfort nous trouvâmes 5000 en arrivant au port"
alors que le scénario déploie 2 corps d'armée dans une plaine pour adapter Guerre et Paix (de Bondartchouk, par exemple).
Le scénariste montre plus qu'il ne dit et déplace le regard du spectateur comme l'objectif de la camera.
Les doigts de Trintignant hésitent à effleurer la main d'Anouk Aimée Chabadabada ! Quand cette pauvre Chimène monologue pour le spectateur du poulailler qui la découvre à travers ses jumelles (quand il n'est pas derrière un poteau :-).
Je pensais que les générations nées avec la zapette accrochée à leur berceau pourraient prendre goût à l'écriture nerveuse du scénario qui tire à la ligne comme nos "djenes" surfent sur les 260 canaux de leur parabole. Le pari n'est pas encore perdu, même si un film de Bergman ne ressemble pas à un clip de MTV et si Marcel Proust ne sera jamais MC Solar. @+pour+ Patrick
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