Le rêve du retour
de Horacio Castellanos Moya

critiqué par Agnesfl, le 19 septembre 2015
(Paris - 60 ans)


La note:  étoiles
L'obsession du pays natal
C'est l'histoire d'un journaliste salvadorien résidant à Mexico qui atteint d'une colite nerveuse très douloureuse va consulter Don Chente, un médecin à la retraite homéopathe et acupuncteur. Le héros utilise le je, et rêve de retourner à San Salvador et de quitter sa femme et sa fille. D'autant plus que son épouse lui a annoncé qu'elle l'a trompé avec un acteur.
Avec ce médecin également psychologue et chirurgien, il va faire des séances d'hypnose qui vont soulager son mal. Même s'il considère la psychanalyse comme la pire des charlataneries, il va rentrer dans le jeu de la confession, et devenir dépendant. Adepte des boissons alcoolisées et des ragots politiques, il révèle sous hypnose ses secrets à Don Chente. La disparition de ce dernier l'inquiète, alors qu'il n'a pas la moindre idée de ce qu'il lui a dit. "Pourquoi après une douzaine de rendez-vous ai-je attaché mon équilibre psychique et émotionnel à Don Chente"? se demande t-il...
Achètera t-il ou pas ce billet pour San Salvador? " Telle est la question que je retournais dans ma tête, assis sur le banc, agité, comme si j'avais des fourmis dans le trou du cul". Il se pose de nombreuses questions, et a peur d'être enlevé par les militaires sitôt atterri à l'aéroport..
L'histoire est plutôt intéressante, même si le style n'est pas toujours des plus attrayants. Les phrases sont interminables, et l'on se perd un peu dans les méandres de cette logorrhée. Mais malgré tout, on se laisse prendre par la lecture de ce livre, dont le vocabulaire est assez simple. On a l'impression même si ce n'est qu'une idée que l'écriture de ce livre est plus instinctive que vraiment travaillée. On y décèle quand même un certain rythme qui ressemble un peu à du langage parlé très élaboré. Un livre attachant..
Agnès Figueras-Lenattier
HOMME AU BORD DE LA CRISE DE NERF! 6 étoiles

Au début de l’histoire nous sommes à Mexico-City, en 1992. Nous faisons la connaissance d’Erasmo Aragón, un modeste journaliste salvadorien qui vit en exil au Mexique.

Erasmo a un rêve, pouvoir, - après plus de dix ans d’exil -, regagner son pays natal, afin de lancer avec un ami, une nouvelle revue politique. Son rêve semble d’ailleurs à portée de main, puisqu’après douze ans de guerre civile, - entre l’extrême droite au pouvoir et la guérilla marxiste -, les négociations de paix sont sur le point d’aboutir, et de ramener la paix au Salvador. Il veut d’ailleurs aussi en profiter pour quitter «élégamment» sa femme et sa fille, son couple battant de l’aile depuis fort longtemps, et sa femme venant de lui avouer l’avoir trompé avec un acteur de seconde zone!

Mais, au fur et à mesure que la date fatidique du départ approche, Erasmo, qui est déjà un grand angoissé dans la vie, et a des problèmes d’alcoolémie, est hanté la peur d’être arrêté dès sa descente d’avion au Salvador. En effet, les souvenirs de son cousin Albertico, - qui en 1980 avait «disparu» et avait été assassiné par des groupes paramilitaires, quelques semaines seulement après son retour au Salvador (cet épisode est raconté dans le livre «La servante et le catcheur») (1) -, lui reviennent sans cesse en mémoire et le rendent malade.

Pour soigner les douleurs chroniques du foie dont il souffre, Erasmo consulte Don Chente Alvarado, vieux médecin salvadorien à la retraite, vivant en exil au Mexique comme lui. Celui-ci lui propose des séances d’hypnose…

Ce livre est avant tout une satire sociale très crue, nette et sans concessions sur la société Sud-Américaine des années 80-90. Cela fera sans doute «grincer les dents», de certains lecteurs et pourtant l’auteur sait de quoi il parle, puisque (en plus d’incorporer certains éléments autobiographiques…), il revient ici sur un de ses thèmes fétiches… Vous l’aurez deviné il s’agit de la guerre civile qui ensanglanta le Salvador durant les années 1980 – 1992 et qui entraîna la mort de plus de 100.000 personnes. Le thème de l’exil forcé du pays natal est aussi traité, c’est un autre thème que l’auteur connaît fort bien, pour l’avoir lui-même vécu, au Mexique aussi d’ailleurs!..

Signalons aussi que comme dans tous les livres de M. CASTELLANOS MOYA, - qui a regroupé toute son œuvre sous le titre de la «comédie inhumaine» des Aragón -, les personnages «circulent» et ont des interactions d’un livre à l’autre. Celui-ci ne fait bien sûr pas exception, puisque le personnage d’Erasmo Aragón apparaît aussi dans le livre «La mémoire tyrannique» (2) et «Effondrement» (3). Il est un des deux personnages principaux dans «Moronga» (4), et il est aussi le personnage principal des livres «Déraison» (5) et «L’homme apprivoisé» (6).

Que dire de plus? Que l’écriture de M. CASTELLANOS MOYA (*1957) est toujours aussi belle, facile et plaisante à lire, sans doute? Le livre faisant à peine plus de 150 pages, quelques heures de lecture suffisent pour en venir à bout!

Est-ce que je conseille la lecture de ce livre? Oui! Surtout si vous suivez régulièrement les aventures de la famille Aragón. Pour avoir lu quasiment tous les livres traduits en français de l’écrivain salvadorien, je trouve même très franchement qu’il n’y en a pas de mauvais, mais seulement des moins bons que d’autres!.. Celui-ci en est un! Il est effectivement certain que si l’on commence la découverte de l’œuvre de M. CASTELLANOS MOYA par ce livre-ci, on se fera une très mauvaise idée de son immense talent d’écrivain!

Alors, n'hésitez pas et prenez quelques heures de lecture pour découvrir M. CASTELLANOS MOYA… C’est l’un des meilleurs auteurs latino-américains actuels, et je ne serais pas surpris si, - dans les prochaines années -, le Prix Nobel de Littérature le récompense!..

(1). : Cf. ici sur CL : https://critiqueslibres.com/i.php/vcrit/35279
(2). : Cf. ici sur CL : https://critiqueslibres.com/i.php/vcrit/57495
(3). : Cf. ici sur CL : https://critiqueslibres.com/i.php/vcrit/28288
(4). : Cf. ici sur CL : https://critiqueslibres.com/i.php/vcrit/66442
(5). : Cf. ici sur CL : https://critiqueslibres.com/i.php/vcrit/18979
(6). : Cf. ici sur CL : https://critiqueslibres.com/i.php/vcrit/67683

Septularisen - - - ans - 14 février 2024