Rose Valland: L'espionne à l'oeuvre
de Jennifer Lesieur

critiqué par Septularisen, le 16 octobre 2024
( - - ans)


La note:  étoiles
ROSE VALLAND
L’histoire commence quand le Maréchal nazi Hermann GÖRING (1893 – 1946), arrive au musée du Jeu de Paume à Paris, pour s’emparer de nombreux tableaux d’artistes prestigieux, - spoliés à des familles juives résidant en France -, pour sa collection personnelle. Obnubilé par ce qu’il voit, le dignitaire nazi remarque à peine une frêle femme, toujours habillée de couleur noire, très timide, très discrète, toujours cachée derrière ses lunettes épaisses, qui, issue d’une famille très modeste, est devenue l’attachée de conservation française du musée. Son nom : Rose VALLAND (1898 – 1980)…

Et pourtant, durant les cinq années d’occupation allemande, pendant lesquelles le musée va servir de dépôt et de centre de tri pour les œuvres d’art volées, elle note tout, espionne tout, copie tout, relève tout, mémorise tout, écoute toutes les conversations (dissimulant le fait qu'elle comprends la langue allemande…), profite de toutes les indiscrétions, de toutes les confidences...
Au risque d’être considérée comme espionne et donc d’être fusillée. Elle qui a un amour immodéré pour l’art et les œuvres d’art, s’est en effet fait une promesse à elle-même : «Un jour elle rendra toutes ces œuvres volées, à leurs propriétaires légitimes»!..

«Rose Valland. L’espionne à l’œuvre», est donc la biographie de la femme dont on estime qu’elle a aidé à retrouver, récupérer et restituer environ soixante mille œuvres d'art, spoliées par les nazis durant l’occupation de la France pendant le Deuxième Guerre Mondiale.
Bien, disons-le tout de suite au lecteur qui s’attend à découvrir l’histoire de la vie de Rose VALLAND et bien c’est… Raté! Bien sûr Rose VALLAND est présente, mais… À peine, en toile de fond, comme fil rouge. Pour ensuite carrément disparaître derrière l’histoire de la spoliation des biens des familles juives… Finalement, si on résumait tout le livre, la part consacrée à Mme. VALLAND compterait 20 pages… Les 180 restantes, c’est complètement autre chose!

Que dire sur ce livre? Je dirais que ce livre est l’exemple parfait du livre qui est complètement (mais alors complètement, eihn…), passé à côté de son sujet. En effet, Mme. Jennifer LESIEUR (*1978), tout au long du livre, il y a ce que les experts du Marketing appelleraient un problème de positionnement! Il aurait fallu faire ou bien un livre historique relatant l’histoire de la spoliation des biens juifs, comme celui de M. Hector FELICIANO (1), ou une biographie, comme celle de Robert M. EDSEL (2), mais certainement pas un livre qui hésite en permanence entre l’histoire et la biographie. Résultat : Le livre est un très mauvais mélange des deux!

Mme. LESIEUR nous raconte les événements tragiques de cette vaste fresque historique où se mêlent l’histoire (et la réalité historique), la politique, l’art, etc etc… Nous assistons à un certain nombre de faits avérés et croisons de nombreuses figures historiques ayant réellement existé, comme p. ex. M. Jacques JAUJARD (1895 - 1967, Directeur du Musée du Louvre), mais malheureusement malgré une écriture simple (parfois trop!..) et facile à lire, le livre n’arrive pas à intéresser plus que cela, et souvent l’ennui pointe le bout du nez!..
C’est bien écrit, disons-le, malgré le fait que les plus belles «envolées lyriques» semblent toujours tomber au mauvais moment! Malgré les critiques très dithyrambiques que j’ai lues sur ce livre un peu partout sur le net, je trouve que c’est un livre très médiocre, avec beaucoup d’a priori, de partis-pris, d’approximations, et qui manque certainement d’objectivité!..
C’est p. ex. très facile de dire que le peintre allemand Emil NOLDE (1867 – 1956), était un national-socialiste convaincu… Il serait par contre beaucoup plus objectif de nous dire que c’était un antisémite virulent et malgré cela, il fut persécuté par le nazis, interdit de travailler, et exclu du marché de l'art!

Que dire de plus? Gardez bien près de vous votre Wiki. En effet, malheureusement pour nous, Mme. LESIEUR oublie un peu trop vite que nous ne sommes pas tous spécialistes de l’histoire de la France sous l’occupation… Et que donc beaucoup de noms - dont elle nous abreuve, littéralement - nous sont totalement inconnus! Sont aussi cités des noms d’artistes et d’œuvres (notamment des tableaux…) à foison. Donc si l’on ne dispose pas de connaissances particulières dans ce domaine, encore une fois, il ne faut pas hésiter une seconde à aller regarder les photos et à s’informer sur l’œuvre en question…

Disons aussi qu’Il y a aussi un côté «thriller» dans l’histoire, ou comment nous exposer la petite histoire dans la grande ou bien encore on pourrait dire l’histoire par le «petit bout de la lorgnette». Elle nous est exposée ici par petites touches, entre deux détails de la vie de Mme. VALLAND, sous forme de «petites histoires», mais encore une fois, ce n’est intéressant que si on ne les connaît pas! Dans le cas contraire cela tourne très vite au profond ennui… (3).

Pour finir, est-ce que je conseille la lecture de ce livre? Oui… Mais c’est vraiment un tout «petit» oui… Disons que cela pourra vous intéresser, surtout si vous êtes passionnés par cette période de l’histoire de France. Si ce n’est pas le cas et/ou si vous avez déjà lu un des livres que je cite plus haut, alors ce n’est pas la peine de perdre votre temps, - même si le livre se lit vite et bien -, car vous n’apprendrez rien de nouveau…

(1). : Cf. recension ici sur CL : https://critiqueslibres.com/i.php/vcrit/32662
(2). : Cf. recension ici sur CL : https://critiqueslibres.com/i.php/vcrit/42065
(3). P. ex. : L’histoire du peintre et faussaire néerlandais Han Van MEEGEREN (de son vrai nom Henricus Antonius Van MEEGEREN 1889-1947), qui réussit à «refourguer» au nazi Hermann GÖRING, de fausses toiles de Johannes VERMMER (1632-1675), qu’il avait peintes lui-même, et qui à la fin de la guerre passera pour un héros aux yeux de ses concitoyens, puisque il avait échangé ses fausses toiles contre 200 vraies toiles volées par les nazi dans les plus grands musées hollandais, assurant donc leur retour à leur bercail !
Cf. recension ici sur CL : https://critiqueslibres.com/i.php/vcrit/52116