Le Café de l'Excelsior
de Philippe Claudel

critiqué par ADE, le 20 octobre 2005
(MARSEILLE - 46 ans)


La note:  étoiles
un recueil de souvenirs
L'auteur se souvient de son grand père, aujourd'hui décédé et dont il a été séparé dans son enfance pour se retrouver dans des familles d'accueil.
Son grand père qui tenait un bistrot nommé "l'excelsior" et qui recevait des clients paraissant fatigués de leur vie quotidienne et venant trouver du réconfort dans cet endroit.
On baigne dans une ambiance de "bistrot" et de péniches.
Un recueil de souvenirs qui se lit d'une traite mais qui nous laisse sur notre faim.
Mon grand-père à moi… 6 étoiles

Décidément c’est la mode aujourd’hui de raconter sa vie, son enfance chez la grand-mère qui faisait des tartines au chocolat, chez la tante Trinette qui coupait les groseilles du jardin pour faire des confitures, ou chez les cousins qui faisaient les cent coups.
Ici Philippe Claudel a choisi de nous raconter sa tendre enfance chez son grand-père bistrotier.
Le titre de ce roman-souvenir me chipote ; pourquoi est-ce le « café » de l’Excelsior alors que dans tout le livre on ne parle que du bistrot ? Mais peu importe !
Ce qui m’a chipoté beaucoup plus, c’est le langage du grand-père.
Jugez plutôt : « … les robes de mariées sont encore plus belles quand les années déposent en leurs soieries la fatigue des jours et qu’un rideau retient parfois, en plus de la crasse, un peu des peines du monde et tous les sourires d’une vie. »
Que c’est beau, que c’est beau ! mais, à mon avis, ça ressemble plus au langage d’un académicien qu’à celui d’un tenancier de bistrot. Et ça sonne faux !

Plus loin le gamin de huit ans détaille les gens qui passent devant le bistrot et ça donne ceci : « … un peu plus tard passaient les contremaîtres, un peu raides, souriant à peine ; puis plus tard encore, les ingénieurs que Grand-père surnommait « les constipés de l’âme », rigoureusement raides ceux-là, sans sourire et qui se distinguaient des précédents ( …) par leur façon hautaine de poser le pied sur les trottoirs comme si chaque pas eût risqué de leur faire toucher de la merde de chien ».
Raffiné !
A l’enfant qui s’étonne de l’allure de ces gens, le grand-père explique : « t’en fais pas, petit, eux aussi ils vont au cabinets ». S’en suit alors, sur trois pages, une étude comparative des cabinets des intellectuels et de ceux des bistrotiers.
Passionnant, n’est-il pas !

On retrouve ici les préjugés de classes qu’on retrouve si souvent dans les livres de Philippe Claudel : les intellectuels sont laids et méchants, les gens des classes populaires sont sympas et gentils…
Au point de vue psychologique c’est peut-être un peu court !

Un grand événement dans la vie du bistrot est la mort d’un client. C’était un client qui conduisait bien son autobus quand il était saoul et qui, un jour, s’est tapé sur un arbre parce qu’on l’avait forcé à boire de l’eau.
On lui met une plaque dans le bistrot : « A la mémoire d’Untel, mort au combat ». Un client de passage demande de quel combat il s’agit ; et le bistrotier de répondre : « le plus terrible des pugilats, la lutte suprême, le pancrace inégalable, le combat effroyable et titanesque, toujours à recommencer, celui contre les cons de ton espèce… »
A mon avis, quand Philippe Claudel se prend pour Michel Audiard, c’est raté !

Et toutes les anecdotes de ce petit livre-souvenir sont un peu du même tonneau. Les clients se voudraient pittoresques et sympas, le grand-père se voudrait bonhomme et philosophe. Mais la mayonnaise ne prend pas. Il me semble que le style pompeux et ampoulé de l’auteur n’est pas de mise dans ce genre d’histoire.

Je me demande comment j’ai pu terminer cette cu-cucherie sans intérêt. Et pourtant je ne l’ai pas regretté.

A la fin du livre, quand le grand-père est mort et que le narrateur est devenu adulte, il revient sur les lieux de son enfance, il refait son chemin de l’école, il arrive à l’ancien bistrot qui fut celui de son grand-père, et alors, on a du bon, du tout bon Philippe Claudel. Sans trémolo, sans effet de manche, dans un style simple et vrai, il nous parle de la mélancolie de l’enfance et du temps qui passe, et c’est très beau.
Allez ! Un peu de clémence ! cette belle fin rachète le reste et vaut bien ses trois étoiles.

Saint Jean-Baptiste - Ottignies - 88 ans - 4 juillet 2018


C'est beau! 9 étoiles

Très belle écriture et très belle histoire. On y plonge dans un univers agréable où les relations humaines sont plus importantes que tout et cela fait beaucoup de bien. On rit et on est ému grâce à ce livre petit en volume mais grand en qualité!

Ce livre m'a un peu fait penser au "Café du pont" de Pierre Perret que j'avais adoré et qui y racontait également son enfance notamment au sein de l'établissement familial. J'ai retrouvé un peu cette ambiance dans le livre de Philippe Claudel et ce fut un véritable plaisir.

A déguster au calme pour un retour aux vraies valeurs!

Lalie2548 - - 39 ans - 1 février 2011


Réminiscences 8 étoiles

Par le côté intimiste, retour sur le cocon merveilleux et enchanté de l’enfance, « Le café de l’Excelsior » m’a rappelé « « Un été pour mémoire » de Philippe Delerm. Mêmes doses d’émotion, d’un écrivain qui s’est remis à hauteur de l’enfant qu’il fût.
Le café de l’Excelsior semble bien être un infâme boui-boui de l’Est de la France, dans une petite ville, au bord d’un canal puisqu’on y parle de péniches.
Infâme boui-boui mais paradis sur terre pour le petit garçon puisque tenu par son grand-père, qui semble bien être tout ce qui lui reste de famille sur terre depuis la mort de ses parents. Grand-père idéalisé à qui il va finir par être arraché pour être confié à des familles d’accueil mais cela ne sera entrevu qu’à la fin puisque l’essentiel du récit concerne l’Excelsior et la vie du petit garçon chez ce grand-père politiquement non-correct. Politiquement non-correct ? Un exemple :

« Une loi non écrite, coutumière en quelque sorte, interdisait l’entrée de notre boyau au beau sexe et aucune de ses représentantes n’aurait osé la braver. A peine ai-je vu, une seule fois, une touriste égarée franchir notre porte un cric à la main, et demander aux buveurs médusés, qui débattaient jusqu’alors de complexes formules de distillation clandestine, de l’aide pour changer une roue crevée. La pauvrette dans sa jupe en vichy bleu pâle rehaussé d’arabesques de cambouis s’encadrait à contre-jour dans l’huisserie de guingois. Elle était aussi perdue et haletante qu’un jeune animal traqué par des chasseurs. L’obscurité du lieu la dépaysait plus encore, et elle n’osait entrer davantage, se contentant de répéter d’une voix fluette sa demande. Après avoir laissé passer sa première stupeur, Grand-père quitta son zinc, lissa son torchon à essuyer autour de son cou à la façon d’une étole, et marcha vers elle d’un pas martial. Puis, arrivé à deux souffles d’elle, il lui dit sur un ton sourd : « veuillez sortir, Madame, vous êtes ici dans un temple, vos questions profanes troublent notre prière. » »

Bon, personne n’est parfait. Ce n’est pas le cas du Grand-père mais il avait manifestement un gros avantage sur l’Assistance Publique : il aimait cet enfant et en était aimé.
Il ressuscite sous nos yeux par le biais de ces lignes. C’est très bien écrit, littéraire, mais d’une humanité vivante.

Tistou - - 68 ans - 18 janvier 2008


Un texte appliqué qui résonne comme une dictée trop scolaire 6 étoiles

Quelques brefs souvenirs à rajouter dans notre liste des opuscules minuscules.
Philippe Claudel décrit son enfance auprès de son grand-père, le tenancier du Café de l'Excelsior dans un petit village.
Repère d'ivrognes ou îlot d'humanité. Au choix.
Comme on dit, voilà une nostalgie qui fleure bon cette vieille France provinciale, celle d'il y a maintenant une ou deux générations. Celle du côté d'Épinal.

[...] Mais le dimanche on s'habillait tout de même : les costumes remplaçaient les bleus. La plupart de ces hommes n'en possédaient d'ailleurs qu'un, le plus souvent celui de leur mariage, qui avait traversé les modes, quelques enterrements, ainsi qu'un demi-siècle dans l'entêtante compagnie de la naphtaline. Si certains corps avaient grossi, le costume s'était adapté, et saucissonnait désormais l'individu que jadis il servait galamment. Les gestes dominicaux en subissaient une majesté guindée, une sorte de lenteur et de gêne protocolaire qui finissaient par déteindre sur les conversations, un semblant plus sérieuses.

À notre goût, à notre oreille, le ronflement savoureux de ces textes appliqués finit cependant par résonner un peu comme celui d'une dictée scolaire.
Comme si la mécanique trop bien huilée de cette prose que l'on devine ciselée et polie avec amour, finissait par tourner un peu à vide ...

[...] Les sommeils des siestes paraissent étirer les vies, et les dormeurs du jour se repaissent de force que la nuit jamais ne dévore.

BMR & MAM - Paris - 64 ans - 8 août 2007