Les Ombres sur la peau
de Jennifer Johnston

critiqué par Aria, le 6 octobre 2005
(Paris - - ans)


La note:  étoiles
Un gamin irlandais
Un père malade et qui passe ses journées couché, mais qui retrouve ses forces pour sortir boire le soir. Une mère toujours triste et fatiguée de se tuer à la tâche entre un travail ingrat à l’extérieur et les dures corvées ménagères. Un climat familial lourd de rancoeurs, de disputes incessantes, tout cela dans un contexte extérieur difficile, puisque le roman se situe en Irlande du Nord, à Derry, en pleine tourmente terroriste : coups de feu, explosions, patrouilles de l’armée, lignes de démarcation, descentes de police en pleine nuit, bruit incessant des sirènes d’ambulances ou de pompiers.
Difficile d’avoir une enfance insouciante…

Joe Logan, le jeune héros, n’a donc vraiment pas de chance avec sa famille, mais il n’est pas plus heureux au collège où le professeur de mathématiques le surprend sans cesse en train de rêver ou d’écrire des poèmes, ce qui lui vaut punitions et retenues.
Rien ne s’arrange avec le retour d’Angleterre de son frère aîné, Brendan, le fils préféré du père, dont il est le compagnon de beuveries, mais aussi l’oreille indulgente. Le père a joué un rôle dans l’Organisation pour lutter contre les Anglais et Brendan est le seul de la famille à le considérer un peu comme un héros. Et Brendan se met à avoir des petits boulots un peu mystérieux.

La poésie est la seule façon pour Joe de s’évader jusqu’au jour où il fait la connaissance d’une jeune femme, Kathleen, qui est professeur d’anglais et qui vit seule à Derry. Il en vient à vivre essentiellement pour ce moment délicieux où, après la classe, il va pouvoir bavarder tranquillement avec elle. Mais Brendan les surprend et, lui aussi, trouve Kathleen tout à fait charmante…
Je n’en dis pas plus.

Voici un excellent roman de Jennifer Johnston, assez noir, certes, mais plein de tendresse. On sent que J. Johnston a beaucoup d’amour pour ses personnages. Elle fait des portraits très vivants et son analyse psychologique est très fine.
Un roman qui se dévore, car on veut savoir ce qui va advenir de notre jeune héros, un gamin très attachant, comme de Kathleen, une jeune femme pleine de vie et de chaleur.
Ombres et lumière 9 étoiles

Joe est un garçon rêveur qui écrit des poèmes pendant les cours de math. Kathleen est une jeune femme fantasque. Elle est professeur, lui est lycéen et cancre. Sur quoi pourrait déboucher leur improbable rencontre : sur une histoire d’amour, sur une grande amitié ? En tous cas sur quelque chose de très beau et d’un peu hors normes comme toutes les histoires d’amour fou. Mais le conflit irlandais vient tout pourrir. Chez Joe, la tension est permanente. Le père, malade, alcoolique, n’est qu’une épave qui vit dans le souvenir d’un passé héroïque, ou prétendu tel, dans les rangs de l’IRA. La mère est une femme désabusée et fatiguée qui tremble chaque fois que son fils est dehors, dans cette ville en proie aux bombes et aux coups de feu. Elle n’a pas de mots trop durs et trop méprisants pour son mari (« c’est une femme impitoyable » dit- il). L’arrivée de Brendan, personnage ambigu mais peu sympathique, surtout si on le voit avec les yeux de Joe , ne va faire qu’accroître la tension.

Dans ce roman, il y a ceux, comme Joe, Kathleen ou la mère qui ne demandent qu’à vivre en paix et ceux ceux comme Brendan et surtout le père, qui sont du côté de la violence. Pour ce dernier, la mort d’un soldat anglais, d’un « ennemi », c’est un événement qui se fête. On voit bien où va la sympathie de l’auteur, même si elle ne cache rien de la brutalité de l’armée anglaise.

On s’attache très vite à Kathleen à Joe et on suit avec espoir et crainte l’évolution de leur relation. Si le personnage de Joe est touchant, celui de Kathleen est inoubliable, avec sa joie de vivre, ses réparties inattendues et sa silhouette courbée face au vent lorsque, grande fumeuse, elle absorbe ses bouffées de « poison ». Tour de force de ce roman : nous rendre aussi vivants et présents deux personnages dont on ne nous donne pratiquement aucune description physique.. C’est à peine si au détour d’une phrase on apprend que Kathleen est brune et si le regard des autres nous fait comprendre qu’elle est jolie. En revanche on ne saura jamais s’ils sont grands ou petits, à quoi ressemble leur visage etc. Sans doute l’auteur attache-t-elle plus d’importance aux âmes qu’à leur apparence…

Un roman beau et sensible.

Malic - - 83 ans - 26 juin 2006


"L'ombre sur un peuple" 8 étoiles

« Les ombres sur la peau » est le deuxième roman de Jennifer Johnston que je lis et comme le premier et même plus que le premier, ce livre me prouve le grand talent de cœur et d’écriture de Jennifer Johnston.

L’histoire est simple et compliquée à la fois comme la vie, un jeune garçon, une famille avec des dissensions, l’amour, la jalousie. Mais là où ce livre ne pourrait être qu’une bluette l’écriture sûre et magnifique de Jennifer Johnston lui apporte la justesse de ton qui en fait une belle histoire de vie. Par ailleurs tout au long du roman une autre histoire s’écrit, une histoire avec un grand H et parfois également avec un petit h. Cette histoire ne serait pas la même si elle ne se déroulait pas dans ce contexte difficile et dur de l’Irlande du Nord et de la lutte de beaucoup de ses habitants pour redevenir ce que l’on ne veut pas qu’ils soient : des Irlandais en Irlande.
La fin m’a profondément choqué et heurté : tout n’est jamais blanc ou noir.

Jennifer Johnston confirme ce que je soupçonnais à son écoute et son bref contact : c’est une grande dame, un grand écrivain et un être d’une grand humanité.

Spirit - Ploudaniel/BRETAGNE - 64 ans - 30 octobre 2005