Le Messie de Stockholm
de Cynthia Ozick

critiqué par Jlc, le 6 octobre 2005
( - 81 ans)


La note:  étoiles
Les copeaux du rêve
Parce que j'ai vraiment beaucoup aimé "Le châle", j'ai voulu lire celui-ci.

C'est aussi parce qu'il y est question de Bruno Schulz, écrivain polonais souvent comparé à Kafka et qui a été assassiné par la gestapo en 1942, à l'age de 50 ans. Son oeuvre est reconnue par des écrivains considérables: ainsi Philip Roth, à qui ce livre est dédié, en parle avec Isaac Basheris Singer dans "Parlons travail".

"Le messie de Stockholm" est une fable contant l'histoire d'un orphelin réfugié en Suède après la guerre et qui se choisit un nom -Lars- et s'imagine un père, Bruno Schulz. Lars est critique littéraire, plutôt falot, vivant seul (ses femmes l'ont quitté, sa fille vit loin), à contre courant en quelque sorte.

La grande affaire de sa vie est de retrouver le manuscrit de son "père" intitulé "Le messie", disparu lors de sa mort tragique. Lars va apprendre le polonais, se spécialiser dans la critique d'écrivains d'Europe centrale pour se rapprocher de ce père mythique.

Et par ce biais, il fait la connaissance d'une vieille libraire, Heïdi, allemande réfugiée elle aussi en Suède. Malgré son mauvais caractère mais avec toute sa finesse, elle va aider Lars à chercher le fameux manuscrit. Leur relation est orageuse mais Lars cède toujours et revient toujours à la librairie. On retrouve ainsi quelques thèmes majeurs de Bruno Schulz, comme dans "Les boutiques de cannelle": le retour à l'enfance, la domination féminine et la soummission masculine.

Heidi se dit mariée à un docteur Ecklund que Lars ne voit jaamis et dont il finit par douter de l'existence avant de le rencontrer ainsi qu'Adela qui se dit détentrice du manuscrit. Mais est-ce l'oeuvre de son "père" ou celle d'un faussaire? Rêve abouti ou manipulation sordide?

Ce livre est une merveille d'intelligence et tous les détails de la vie et de l'oeuvre de Schulz sont vrais ( son attachement à sa ville natale, par exemple). C'est le portrait d'un homme qui "n'a jamais fait la paix avec la vie" pour reprendre l'expression de Singer. C'est très bien fait, très érudit, de la marqueterie littéraire, parfaitement écrit et traduit par Jean-pierre Carrasso, et pourtant je n'ai pas totalement "accroché", le personnage de Lars étant trop ordinaire (mais n'est-ce pas ce que voulait Ozick?), sans réelle empathie avec sa créatrice.

Mais je suis sûr qu'il peut enthousiasmer d'autres lecteurs, plus au fait que moi de cette littérature.

Enfin c'est simplement mon avis.