Le Livre de la Junte
de Annie Laliberte

critiqué par Libris québécis, le 3 octobre 2005
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
Les Guérilleros guatémaltèques
En 1997, Annie Laliberté se rend au Guatemala, un pays en processus de paix après 36 ans de guerre civile. Elle tourne le dos à la vie facile pour rencontrer les rebelles mayas qui organisent, près du volcan Tajumulco, leurs offensives contre l’armée ou encore contre les populations favorables au régime.

Grâce à son courage, l’auteure rejoint ces combattants qui l'adoptent illico. Elle a ainsi accès à une version de la situation qui est dépouillée de l’embrigadement des journalistes patentés, acquis à la cause des guérilleros. Pour une plus grande objectivité, elle fréquente aussi les « Ladinos » qui forment la classe aisée des gens d’origine espagnole. Ce parcours favorise une excellente initiation à la problématique guatémaltèque. Elle en tire des conclusions à faire frémir les partisans de la fraternité. L’offensive de paix menée par l’ONU ne comble que les narcotrafiquants et les criminels qui arraisonnent les autocars pour dépouiller les voyageurs. On ne se débarrasse pas facilement d’un mode d’être marqué par la violence après 30 ans.

Le récit est empreint d’amour pour ce peuple de martyrs. Avec beaucoup de doigté, Annie Laliberté attribue à chaque camp sa quote-part de responsabilité du drame guatémaltèque. Le plus intéressant du Livre de la junte réside dans l’approche du sujet. On y évite la froideur du diagnostic au profit de toutes les fibres humaines, y compris celles de l’auteure. Une blanche Québécoise au milieu d’hommes retraités du monde ne peut que faire tourner les têtes. La chair est faible, mais la jeune femme sait garder la tête froide, même dans les coins chauds. En somme, une oeuvre lucide, bien sentie, qui ne dévie pas de son cap. On peut dire que, comme Ulysse, Annie Laliberté a fait un très beau voyage. Un voyage utile, narré avec une plume efficace.