Morts et remords
de Christophe Mileschi

critiqué par Sahkti, le 3 octobre 2005
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Pourquoi j'ai fait la guerre
"Je m’appelle Vittorio Alberto Todo et j’ai tué"

Ce premier roman de Christophe Mileschi commence par ces mots. Des mots durs qui témoignent du drame que vit Vittorio Alberto Tordo. Ecrivain reconnu, il se dit, au crépuscule de sa vie, qu'il est temps pour lui de parler, d'enfin dire la vérité. De régler des comptes avec lui-même en quelque sorte. En 1914, il a soutenu l'entrée en guerre de l'Italie, il a menti dans le journal qu'il tenait à l'époque , il a vénéré le Ducé, il a adulé le pire.
Tout ça, c'est du passé pourrait-on dire. Mais non.

"Tout cela est ancien maintenant. On entend dire qu'il est temps d'oublier. On entend dire qu'il ne reste plus que des mots. On entend dire que d'autres guerres plus terribles ont passé. Je dis, moi qui ai tué, que cette affaire n'est pas ancienne. C'est aujourd'hui que ça se passe. C'est chaque nuit que je tue. Chaque nuit, ceux qui une fois ont tué tuent."

Tordo regrette d'avoir écrit des romans, même à succès, et de ne pas avoir pu, plus tôt, publier ce livre-vérité auquel il s'attèle aujourd'hui. Le récit d'une guerre, d'un combat erroné, d'une extermination de l'être humain par lui-même. Todo est animé par la colère, la rancoeur, le désespoir aussi. Il s'en veut, manie la haine contre lui mais aussi contre ses sociétés qui ont apporté la barbarie partout où elles le pouvaient.

Pour une premier roman, je trouve que Christophe Mileschi tape fort. Droit dans le mille! Son écriture est dense, les 120 pages de son récit contribuent à cette impression, tout cela est très fort, poignant et il est difficile de refermer cet ouvrage sans ressentir un noeud à l'estomac. Sans s'interroger sur le pouvoir des mots qui ont pu justifier, à cette époque (mais aussi à toutes les époques, l'actualité ne me démentira pas), qu'une guerre éclate, qu'elle soit juste et bienvenue.
Plus efficace que du militantisme direct ou un sévère réquisitoire. Bravo.
remords à propos de morts morts pour quoi, pour qui ? 8 étoiles

Ecrivain couronné de succès, Vittorio Alberto Tordo est au soir de sa vie et, rongé de remords, il décide d’écrire son dernier livre pour gommer ses autres écrits et faire éclater la vérité. Parcours étonnant pour un auteur comme Mileschi qui en est à son premier roman !
Ce livre nous révèle une face plutôt cachée de la Grande Guerre. D’habitude, on se retrouve dans les tranchées autour de l’Yser ou du côté de Verdun ; ici, c’est le front italien face aux armées austro-hongroises, mais avec la même boucherie. L’après-guerre apparaît comme le triomphe d’un nationalisme orgueilleux et nostalgique de la Rome antique.
La montée du fascisme est bien expliquée, mais vue de l’intérieur. La puissance de persuasion de l’ordre établi influence les écrivains qui à leur tour sacralisent le sacrilège, la justification de la haine raciale !
Une certaine bourgeoisie italienne est très bien typée : bourgeoisie désargentée mais qui veut garder le haut du pavé tout comme le modèle de la bonne éducation fidèle aux grands principes, nostalgique de la « mare nostrum » de l’Empire romain.
L’éducation à l’école est aussi écorchée, mais la critique est tellement vive qu’elle appelle une contrepartie. Le débat reste ainsi ouvert avec un enrichissement certain pour tous les protagonistes.

Ddh - Mouscron - 83 ans - 4 avril 2006


Mémoires d'un ancien combattant 7 étoiles

Au crépuscule de sa vie, un ancien fasciste italien revient sur l’incompréhension et les coups du hasard qui ont pourvu à sa notoriété d’écrivain. Morts et remords se présente comme l’aveu de ses actes par un ex-militant qui a contre lui sa conscience, en même temps que le déni de ses écrits pour lesquels il n’a aujourd’hui plus que mépris. Si la guerre laisse des traces, V. Tordo aimerait les effacer...

D'une qualité d'écriture certaine, le roman plaira beaucoup plus, je pense, aux personnes en quêtes "d'histoires vécues". J'entends par là ces témoignages, qui marquent la souffrance morale des personnages qui auront participé aux événements. Je placerais le titre dans le même casier que "Les soldats de Salamine" de Javier Cercas. On assiste là presque à la rédaction d'un essai (formulé comme l'autobiographie en rédaction d'un écrivain). Moins réceptif au fond du livre (qui reste cependant intéresssant), l'écriture m'a tenu en haleine...

Pitibeni - Marseille - 48 ans - 4 octobre 2005