Liaisons étrangères
de Alison Lurie

critiqué par Libris québécis, le 22 septembre 2005
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
Angleterre versus États-Unis
Alison Lurie est un professeur américain qui s'est servi de son expérience du milieu universitaire pour critiquer les responsables du savoir qui emmaillotent notre culture. Comme Bolcho l’a déjà signalé, elle représente la voix de David Lodge en Angleterre pour dépoussiérer tout ce qui sclérose la vie intellectuelle de nos nations. Contrairement à Monique LaRue qui encense ses collègues dans La Gloire de Cassiodore (Critique sur le site), Alison Lurie s’en prend au corps professoral, parfois avec véhémence.

Dans son roman, deux professeurs profitent de leur année sabbatique pour se rendre en Angleterre afin de parfaire leur culture. Complexe du colonisé : c’est bien meilleur dans la mère patrie. Ainsi les protagonistes espèrent établir des liaisons étrangères afin de s’abreuver à même la source originelle. Ils ont oublié qu’il y a deux cents ans, les colons de l’Amérique ont chassé les administrateurs anglais et leur armée avec l’aide de la France afin de trouver la liberté de se réaliser. Leur voyage au pays des ancêtres ne sera que déceptions. Les milieux fréquentés portent la trace des couches de crasse qui se sont accumulées au cours des siècles. Le poids des ans donne à la culture une vitesse de croisière que l’on confond avec l’énergie créatrice. Alors que l’on en est à son dernier souffle, on se donne l’impression d’être vivant en cachant sa sclérose sous le couvert de l’hypocrisie et de la gloire d’antan. La découverte sera d’autant plus décevante pour l’héroïne féminine qu’elle s’attendait à honorer un Anglais cultivé de son amour. C’est ainsi qu’elle se rabat sur un Texan bedonnant qui visite Londres avec son chapeau de cow-boy. Elle a trouvé plus d’authenticité dans ce Sudiste que dans tous les bélîtres et les bellâtres de la culture imbus de leur personne.

Ce chef-d’œuvre de la littérature américaine peut présenter certains ennuis car le décor est planqué dans la cour de nos universités. Quand ces milieux échappent à notre expérience, ils peuvent se transformer en dortoirs. Il reste que la comparaison établie entre les deux cultures est intéressante. Il ressort évidemment que celle de l’Amérique prévaut sur celle de la fière Albion pour son honnêteté intellectuelle. Tous les anti-Américains primaires trouveront dans ce roman les éléments nécessaires pour réviser leurs perceptions d’un pays qu’ils empruntent des médias qui tentent de créer une hystérie collective pour augmenter leurs cotes d’écoute. Bref, c'est la meilleure oeuvre d'Alison Lurie, dont la traduction ne fait pas sourire ceux qui vivent en Amérique.
Choc de cultures ! 9 étoiles

La nouvelle Amérique et la vieille Angleterre revues et corrigées par le regard de deux américains pur jus ! Assez fascinant, ces regards croisés : une femme résolument seule et un jeune en rupture de couple ! Une "pas très belle " et un "canon" : ça n'est pas anodin dans leur vie (dans la vie ?)
L' écriture de cet ouvrage nous ramène vers du "David Lodge" la même façon géniale d'entrer dans les personnages intellectuels en diable mais bousculés par une autre et incontournable réalité !
Du grand ouvrage ...un regard superbe vers l'image de l'exilé (les amis du jeune héros sont dramatiquement... étroits) et l'ouverture à l'autre : l'actrice et le cow boy triste !
La beauté, la laideur, l'étroitesse du regard : une réalité pas toujours si triste ni si gaie, mais avant tout une grande oeuvre !
A vous de jouer !

DE GOUGE - Nantes - 68 ans - 8 juillet 2012