Le berceau du chat
de Kurt Vonnegut

critiqué par Darius, le 15 mai 2001
(Bruxelles - - ans)


La note:  étoiles
La contre-culture américaine
A la lecture du roman, on ne remarque rien de spécial, les réparties mises dans la bouche des divers héros ne semblent ni révolutionnaires, ni stigmatiser la bêtise humaine.
Et pourtant ...
A y regarder de plus près, les commentaires ingénus, naïfs ne sont ni destinés à convaincre, ni à la controverse.
On les lit le plus naturellement du monde sans se poser de questions.... Sous des dehors candides et naïfs, ils sont tout sauf innocents...
Tout le génie de cet auteur est celui de faire passer toute une série de contradictions de pensées, des idées reçues complètement ridicules, sans que le lecteur ne s'en aperçoive.
Je ne vous narrerai pas le récit, car personnellement, je déteste les successions d’événements dans un compte-rendu de bouquin.
Par contre, j'aime entendre ce qui vous a frappé, et c’est ce que je tente de faire en sélectionnant quelques morceaux choisis
Tous les thèmes de notre époque sont égratignés :
La recherche : "Re-chercher, ça veut bien dire chercher de nouveau. Ca veut dire qu'ils cherchent de nouveau un truc qu'ils ont perdu, qui a réussi à disparaître, et qu’il faut qu'ils retrouvent.. " Que font les spécialistes de la recherche pure ?
Ils travaillent à ce qui les fascine, et non à ce qui fascine les autres.
Les savants :
"Jusqu'à quel point, un homme qui a participé à la fabrication d'un truc comme la bombe atomique peut-il être innocent ? N'était-il pas mort à la naissance ? Si ce monde tourne si mal, c'est parce qu’il y a en haut lieu trop d'hommes qui sont morts et froids comme le marbre... "
L'aide humanitaire et les médecins SS : Un type qui se prend pour le Dr Schweitzer fonde dans la jungle "la maison de l'espoir et de la pitié" en faisant preuve d’un talent éclatant pour dépenser des millions de dollars sans jamais apporter au fonds commun de l'humanité autre chose que des peines... Les anciens médecins SS opèrent à "la maison de l’espoir et de la pitié". A la cadence où ils travaillent ils auront bientôt sauvé un nombre d'hommes égal à celui des hommes qu'ils ont laissé mourir, cela en ...l'an 3010.
La délocalisation :
"il possédait une fabrique de bicyclettes à Chicago et ne rencontrait qu'ingratitude de la part de ses ouvriers. Il transplanta son entreprise dans une république bananière où on savait se montrer reconnaissant. Là-bas, le peuple est assez pauvre, assez craintif et assez ignorant pour avoir un brin de bon sens ! Par contre, à Chicago, il est devenu impossible de licencier qui que ce soit. Et si par le plus grand des hasards, on arrive à fabriquer une seule bicyclette, le gouvernement confisque le vélo au nom du fisc et l'envoie à un aveugle en Afghanistan".
La Délinquance juvénile :
Allons-y pour la pendaison publique. "Pendons quelques jeunes voleurs d’auto à un réverbère devant leur maison avec à leur cou : Maman, voilà ton fils ! "
La chaise électrique : "Après l'avoir rôti, on s’est aperçu que ce n’était pas lui qui avait tué..."
Les Américains :
Ils souffrent d'une "incapacité chronique à imaginer qu'on puisse ne pas être américain, qu'on puisse être autre chose et en être fier. La plus haute forme de trahison consiste à dire aux Américains qu'on ne les aime pas partout dans le monde, où qu'ils aillent et quoi qu’ils fassent".
"La politique étrangère américaine devrait tenir compte de ce fait plutôt que de se bercer de l'illusion que les Américains sont partout aimés.."
L'absurdité de la guerre : "Nous ferions mieux de mépriser ce qui les a tués, c’est-à-dire la bêtise et la méchanceté de toute l'humanité. Quand nous commémorons des guerres, nous devrions arracher nos vêtements, nous peindre en bleu et marcher à 4 pattes en grognant comme des porcs.
Ce serait plus approprié que les grands discours et les étalages de drapeaux et de canons.."
Les encyclopédies pour enfants qui comprennent une rubrique intitulée "Qui, pourquoi comment ?"
Exemple : "Dis papa, pourquoi le ciel est-il bleu ?" Mais, pourquoi n'y trouve-t-on pas : "Dis papa, pourquoi les arbres sont-ils tous cassés ? Dis, Papa, pourquoi les oiseaux sont-ils tous morts ? Dis, papa, qu'est ce qui rend le ciel si sinistre ? Dis papa, qu’est ce qui rend la mer si dure et si noire ?"
Les gourous :
Quand je pense au culot de cet homme qui conseille à tous ses fans de se suicider !
L'individualisme : Savez-vous pourquoi les fourmis réussissent si bien ce qu’elles entreprennent ?
Parce qu’elles co-opèrent.
Le mot de la fin... "Méfiez-vous de celui qui travaille dur pour apprendre quelque chose et qui, l'ayant appris, ne se trouve pas plus sage qu'auparavant. Celui-là nourrit un ressentiment meurtrier contre ceux qui sont ignorants sans avoir eu à se donner du mal pour atteindre l'ignorance.."
Histoire déjantée 4 étoiles

C'est un livre qui ne se prend pas au sérieux et nous balade allègrement dans des situations invraisemblables. La dérision affleure à chaque paragraphe et le ton est ironique la plupart du temps.

En filigrane on comprend que les inventeurs peuvent être inconscients et plus encore leurs rejetons avides d'obtenir richesse, pouvoirs ou amour avec ce dont ils bénéficient (à tort) grâce à leurs ascendants.

Un écrivain qui écrit sur l'inventeur de la bombe atomique rencontre ses collègues et ses proches, … ce qui va l'amener vers une fin du monde.

IF-1115-4401

Isad - - - ans - 31 décembre 2015


Déroutant 8 étoiles

C’est un livre difficile à résumer et à caser dans un genre littéraire (science-fiction pré-apocalyptique ? suspense catastrophe ? satire sociale contemporaine ? un peu de tout ?).

Ça raconte l’histoire d’un petit journaliste américain qui fait une recherche sur l’un des inventeurs (qui est fictif) de la bombe atomique. Son enquête le mènera malgré lui à découvrir l’existence d’une arme encore plus destructrice, une matière appelée glace-9 qui gèlerait tout, absolument tout liquide sur son passage.

Un récit étrange et fascinant. Ce n’est pas prévisible, c’est original et beaucoup de passages m’ont impressionné. Ça touche à plusieurs sujets, comme la course aux armements, la science aveugle, la religion... c’est souvent pessimiste, même effrayant. Un roman très déprimant, mais que je recommande.

Nance - - - ans - 16 septembre 2010


Mauvaise catégorie 4 étoiles

Ce roman a mal été catégorisé, ce n'est ni de la SF, ni de l'horreur et ni du fantastique, ... alors pour les personnes qui aiment ces styles passez votre chemin.
Sinon, roman bien écrit avec une histoire médiocre.

Jumpyjump - - 50 ans - 23 décembre 2008


Mieux en anglais 9 étoiles

Fuyez la version Française et plongez dans la version originale , votre "karass" croisera le mien...
un vrai manuel pour apprendre à vivre avec son intuition.

Caco- - - 58 ans - 9 novembre 2006


Vonnegut, une fois de plus... 9 étoiles

Une fois de plus, Vonnegut nous éclaire de sa vision parfaitement claire et lucide du monde… même si elle est un tantinet pessimiste. Mais bon, après tout faut-il être « diablement » naïf pour encore être optimiste… Darius a d’ailleurs repris les phrases principales qui illustrent ce propos. Par contre, je ne suis pas tout a fait d’accord avec sa prémisse : pour ne rien remarquer de spécial à la lecture de ce roman, il faut être aveugle !

Ainsi, à l’instar des Sirènes de Titan, on se rend également compte que ce texte est de la plus profonde philosophie et que le message que l'auteur veut faire passer est clair :

« Et je me rappelai le Quatorzième Livre de Bokonon, que j’avais lu intégralement la veille. Le Quatorzième Livre est intitulé « Existe-t-il, pour un Homme Réfléchi, une Seule Raison d’Espérer en l’Humanité sur Terre, Compte Tenu de l’Expérience du Dernier Million d’Années ? » Le Quatorzième Livre n’est pas long à lire. Il consiste en un seul mot : « Non. »

Négation de la religion, négation des gouvernements, négation de l’homme, négation de l’espoir… ce livre n’est pas fait pour réjouir, il est fait pour faire réfléchir !

Pendragon - Liernu - 54 ans - 3 janvier 2004