Je t'oublierai tous les jours
de Vassilis Alexakis

critiqué par Sahkti, le 12 septembre 2005
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Lettre à ma mère
Cet ouvrage de Vassilis Alexakis est le vibrant hommage d'un homme envers sa mère disparue il y a plus de dix ans. Tout commence avec des lettres étalées sur une table de ping-pong. Courriers qu'il lui adressait lorsqu'il était étudiant en journalisme à Lille dans les années soixante et qu'elle a soigneusement classées par ordre chronologique. Des missives qu'il trouve plaintives, puériles et mal écrites. C'est cependant l'occasion pour lui de faire remonter un flot de souvenirs d'enfance, les moments passés avec sa mère et puis la pratique de la langue grecque qui lui tient tant à cœur. Un usage qui ne l'angoissait pas tant que sa maman vivait, il lui suffisait de l'appeler pour entendre fleurir à son oreille ces mots d'autrefois, mais aujourd'hui qu'elle n'est plus là, la crainte refait surface. Cette langue, il ne la pratiquait plus qu'avec elle, elle possède dès lors un caractère très particulier.

Dans ce récit, tout commence avec ces lettres et cette table de ping-pong. peu avant, il y a eu une vision, celle de sa mère pendant qu'il déjeunait au restaurant Démocrite à Athènes. Sa mère entre dans la salle, la balaye du regard, le voit pas, ce qui le marque énormément. Assez pour que dix ans après "La Langue maternelle", il ait à nouveau envie de lui parler, de lui écrire, de lui raconter sa vie de tous les jours et ce qu'il est devenu.
En parcourant ces lettres, Alexakis se souvient de sa vie d'exilé à Paris, de son entourage, de son travail d'écrivain, de son retour en Grèce et aux sources. Avec en fil conducteur, la langue grecque qu'il partage avec le français, à l'image de ses deux fils, un vit en France et l'autre en Grèce. J'ai retrouvé dans ces lignes le même sentiment que celui qui anime Brina Svit dans Moreno, ce déchirement entre deux langues auxquelles on appartient un peu, beaucoup, jamais entièrement.
Alexakis promène le lecteur dans ses souvenirs, au milieu d'un flot d'anecdotes et de petites histoires, d'observations sur le monde qui l'entoure (le nouvel éclairage de l'Acropole par exemple ou la coupe d'Europe de football). On sent là le besoin de parler, de conserver coûte que coûte ce contact avec sa mère disparue. Il lui explique tout par le détail, il compose la mémoire de l'amnésie, raconte comme on le ferait à un patient comateux afin qu'au réveil, il n'ait rien perdu du cours du temps qui passe.
"Le temps file à une vitesse prodigieuse, on dirait qu'il est pressé d'arriver quelque part".
Superbe récit d'amour d'un fils à sa mère, empli d'émotion, d'humour, de lucidité, d'un brin d'ironie. Une sensibilité qui touche et fait mouche.
Doux et sensible 9 étoiles

"Je t'oublierai tous les jours" de Vassilis Alexakis (256p)
Ed. Folio

Bonjour les fous de lectures, voici une lecture qui me permet de valider la Grèce sur mon planisphère.
Ce récit est la dernière conversation de Vassilis Alexakis avec sa mère disparue des années plus tôt.
Il raconte... se souvient de son passé à ses côtés mais lui relate aussi les évènements qui se sont produits depuis la disparition de celle-ci.
Son but: lutter conte l'oubli
Comme vous l'aurez compris, ce livre, présenté comme un roman, est en grande partie autobiographique et centré autour du personnage qu'est la mère de l'auteur.
Y sont dévoilées, tout en pudeur, cette relation privilégiée entre cette mère et son fils, les relations plus complexes avec le père, l'époux, les métamorphoses de la Grèce, du monde depuis que la mère a disparu.
Mais l'auteur en profite également pour tirer un bout du voile qui était posé sur sa vie. Il se raconte à cette disparue qui n'a cessé d'être à ses côtés
Voici donc un récit tout en douceur et tendresse teinté d'une once d'humour.
Une jolie dernière conversation, menée à un rythme soutenu, d'un fils avec sa mère pour que rien ne s'oublie.
Un très beau texte, plein de pudeur, qui est une réflexion sur le temps, sur les liens qui se distendent parfois, les incompréhensions, les non-dits, sur l'identité, la langue et la littérature.... sujets chers à l'auteur
Très doux , très sensible .. j'ai beaucoup aimé et continuerai certainement à lire d'autres ouvrages de ce Vassilis Alexakis.
Magnifique !
A propos de l'auteur:
Né à Athènes, Vassilis Alexakis s'est installé à Paris en 1968 peu après le coup d'Etat des colonels grecs. Depuis le rétablissement de la démocratie dans son pays, il écrit aussi bien en grec qu'en français et a reçu le prix Médicis pour La langue maternelle.

Faby de Caparica - - 63 ans - 4 novembre 2020


Emouvant 8 étoiles

Retours sur un passé, une vie, retour sur une vie d'exils-exil loin du pays, exil loin d'une mère silencieusement chérie, "exil" de la langue d'origine- retour sur soi: un récit émouvant, de style agréable que j'aimerais entendre conter en grec.

Provisette1 - - 12 ans - 2 novembre 2014


Bien écrit 4 étoiles

Je n'ai pas été transportée par ce livre, c'est un hymne à la mère qui ne m'a pas forcément touchée. Cependant c'est très bien écrit, on a du plaisir à lire cet ouvrage.

Flo29 - - 52 ans - 24 avril 2013


La magie est déjà dans le titre 8 étoiles

Je t’oublierai tous les jours… La magie est déjà dans le titre. Cette phrase est humaine, si profondément humaine. Cet impossible oubli est celui de sa mère. Ce livre est une lettre à sa mère, une lettre sur le temps qui passe, depuis la mort, depuis le commencement. Ce livre veut rattraper le temps où il a, où on n'a pas osé, où il a, où on n'a pas osé dire. C’est le narrateur, c’est l’auteur, c’est nous. Délicieux et habile mélange. L’écriture est douce, apaisante et sereine. Elle renforce la magie du livre. Vassilis Alexakis maîtrise le récit avec tranquillité et brio. Quelle est la part d’autobiographie dans ce livre, dans ce roman ? Totale ? Je l’ignore. C’est mon premier Vassilis Alexakis. Mais l’histoire, le souvenir d’une vie entre France et Grèce est une ballade, un chemin sur lequel on se promène avec bonheur, tout en douceur. La vérité de ce livre est humaine, profondément humaine. Il court après, je cours après, nous courons tous après : après son enfance, après sa mère, après son père, après ses parents. Réaction, identification, peu importe le choix mais il s’impose à nous. Je crois qu’on ne peut pas lutter, on compose c’est tout. On ne peut pas oublier, on ne peut pas l’oublier ou si vous préférez, on l’oublie tous les jours.

Ulrich - avignon - 50 ans - 29 décembre 2005