Les enquêtes de Charlotte et Thomas Pitt, tome 04 : Resurrection row
de Anne Perry

critiqué par Dirlandaise, le 7 septembre 2005
(Québec - 68 ans)


La note:  étoiles
Cadavres en balade
Quatrième tome de la série Charlotte et Thomas Pitt, ce livre est un petit chef-d'oeuvre. Je résume l'histoire: En sortant du théatre, par une nuit froide de janvier, Sir Desmond et Lady Cantlay se dirigent lentement vers Leicester Square, avec l'intention de héler un fiacre. Un cab émerge du brouillard. Le cocher est assis, immobile sur son siège, le col de sa redingote remonté masquant en grande partie son visage. Les rênes relâchés flottent sur le garde-corps. Il ne bronche pas lorsque Sir Desmond le hèle. Soudain, l'homme bascule et tombe sur la chaussée. En s'approchant, le couple stupéfait découvre un cadavre mort depuis déjà un certain temps. Une odeur putride se dégage du corps et ses cheveux sont pleins de terre. L'inspecteur Thomas Pitt est comme par hasard sur les lieux, ayant lui aussi assisté à la pièce de théatre en compagnie de sa femme Charlotte. Il prend aussitôt l'affaire en main et commence son enquête. Trois autres cadavres seront ainsi exhumés tout au long du récit, et découverts dans des endroits inusités: assis sur un banc de parc, sur un banc à l'église et ainsi de suite. Qui donc prend plaisir à exhumer ainsi des cadavres de gens qui n'ont, apparemment, rien en commun, et les placer dans des poses et des endroits surprenants ? L'inspecteur Pitt mènera entièrement l'enquête dans ce roman passionnant. Il tient la vedette contrairement aux deux livres précédents dans lesquelles Charlotte et Émily prenaient toute la place.

Ce livre de Anne Perry est un vrai petit chef-d'oeuvre. L'auteure a évité les réceptions interminables des précédents romans, pour entraîner le lecteur dans le sillage de Pitt qui cette fois s'en sort plutôt bien et découvre, entièrement seul, la vérité. L'histoire se passe encore un fois dans les beaux quartiers du Londres des années 1880 mais, Anne Perry nous décrit aussi l'envers de la médaille et la misère des bas-fonds est bien dépeinte :
"L'Arpent du Diable, c'était l'enfer. Là-haut, au-dessus du voile de fumée et de brouillard, les grandes tours gothiques de la glorieuse cathédrale de Westminster l'écrasaient de toute leur hauteur. Ici, l'air vivifiant du Park n'était plus qu'humidité pénétrante et glacée, stagnant comme une eau morte née de l'ombre des tours, longeant les portiques des belles demeures et des immeubles d'affaires, jusqu'aux habitations plus modestes des commerçants et des employés. Mais à l'étage inférieur vivait un monde à part, où régnait une atmosphère pestilentielle, un univers de taudis en bois grouillants de rats, aux murs suintants d'humidité. Vagabonds, mendiants et ivrognes étaient affalés dans les ruelles envahies d'immondices".
Bref, un quatrième tome excellent pour cette série de Anne Perry.
La misère londonienne 9 étoiles

Je partage totalement l'enthousiasme de Dirlandaise à propos de "Resurrection row".
Anne Perry a réussi à se défaire des trop longues descriptions et d'un mode narratif parfois pesant, pour donner plus de mou à ses personnages et leur permettre d'évoluer tout en affirmant l'humanité de leurs caractères. Thomas Pitt est un homme brillant, avec ses forces et ses faiblesses, cela transparaît plus clairement dans ce récit que dans d'autres où il semblait plus froid, presque "robotique".
L'enquête y gagne donc en spontanéité et vivacité, le lecteur y participe. Ce qui n'empêche pas Anne Perry de nous éclairer sur le fonctionnement de l'aide sociale à Londres à cette époque, une aide sociale qui se réduit souvent à un esclavage sans nom. C'est ce que j'apprécie dans ses livres, cette façon de nous documenter sur une époque et un lieu tout en nous permettant de suivre une enquête policière rondement bien menée.

Sahkti - Genève - 50 ans - 24 avril 2007