Lèvres absentes
de Jean-Claude Baudoin

critiqué par Sahkti, le 4 septembre 2005
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Enquête sur une mort
""On venait de retrouver Nina échouée contre une berge, près des iris du marais, à l’endroit même où des peintres le dimanche s’essaient au lavis ou à l’aquarelle. Les vagues l’avaient ballottée quelques jours pour jouer avec elle avant que la marée, opposée au lent débit de la rivière, la rejetât enfin dans l’embouchure, parmi son lot d’objets et de matières corrompues, ses coulées de vase et de limon. L’ayant reconduite, elle l’avait abandonnée, cernée des reflets huileux assiégeant les roseaux dans un mouvement obstiné de va-et-vient. Et cette eau-là était celle d’une mer unique, affouillant les rives des continents, qui étirait ses langues au rythme d’une respiration horrible, inchangée depuis les premiers mondes, sifflant au bord des côtes pour réclamer l’offrande des rivières." (extrait)

Frédéric apprend la mort de Nina, une femme qu'il a aimée et quittée six mois plus tôt. Une nouvelle qui le heurte. Nina s'est suicidée. Incompréhensible. Frédéric veut savoir et comprendre, il subtilise le répertoire de Nina et décide d'enquêter, de partir à la recherche de son entourage. Exploration délicate qui le conduit vers le docteur Serge Haddoun, un homme très proche de son amie. Il fait la connaissance de Serge et de sa femme Suzanne, qui lui parlent de Nina, ou plutôt de Nadia, car c'est ainsi qu'ils l'appellent. Couple étrange que celui formé par les Haddoun, très (trop) familier, empli de mystère et vendant ses révélations à travers de longs et multiples silences.
Frédéric découvre une autre Nina, une femme qu'il ne connaissait pas. Mais comment est-ce possible, comment a-t-il pu passer ainsi complètement à côté de la femme qu'il a pourtant violemment aimée ? Ne pas comprendre sa détresse et ce qui l'a poussée à mourir ?

C'est le premier roman de Jean-Claude Baudoin, 140 pages de douceur et de force, une écriture que l'on devine travaillée et retravaillée pour être parfaite, ce qui peut, par moments, enlever un peu de spontanéité au récit sans cependant le gâcher. J'ai beaucoup aimé l'ambiance envoûtante créée par ce couple bizarre, dommage que quelques phrases trop longues ou tournures dans un français trop académique l'alourdissent un peu.