Asiles de fous
de Régis Jauffret

critiqué par Ardigazna, le 3 septembre 2005
( - 51 ans)


La note:  étoiles
Rupture à quatre voix
Il vient de la quitter, sans préavis. Lâchement, il a envoyé son père à sa place, retournant dans le giron parental. Ce dernier prend le prétexte d’un robinet à changer pour annoncer à la jeune femme la décision de son fils, dont il récupère non sans mal les affaires. Elle n’est qu’incompréhension, et, comme une harpie, harcèle de ses reproches tous les hommes qu’elle rencontre. Arrive la mère, frustrée de cette rupture qui s’est faite sans elle…
Distillant un cynisme et un humour au vitriol qui nous avaient explosé à la figure dans « Univers, univers », Régis Jauffret remet le couvert avec l’histoire de cette séparation pleine de sarcasmes, avec cette fois un quatuor de voix aussi névrosées les unes que les autres. Un « asile de fous » moins enthousiasmant que le précédent, l’effet de dérangement dans les habitudes de lecture s’étant émoussé. Un roman qui dérange malgré tout, qui se démarque des autres, bien sûr. Un auteur à suivre.
Famille = folie ? 4 étoiles

C’est tout d’abord Gisèle qui parle. Son compagnon Damien vient de la quitter, alors elle éprouve le besoin de s’épancher sur cette rupture. Sur celle-ci et sur d’autres, dont on ne sait pas trop si elles ne sont pas uniquement le fruit de son imagination, tant son récit est chaotique.

Puis le père de Damien entre en scène et nous raconte comment, sous le prétexte fallacieux de remplacer un robinet qui fuit, il est venu signifier à la jeune femme cette rupture car son courageux fils n’osait le faire lui-même. Et quand la mère de Damien prend la parole pour donner sa version de cette histoire, le lecteur ne sait plus comment démêler le vrai du faux, mais est convaincu d’avoir affaire à une famille de fous. Névrose, hystérie, schizophrénie, sont quelques-uns des termes qui viennent à l’esprit au cours de cette lecture, durant laquelle le lecteur se perd dans les méandres des esprits tortueux de ces protagonistes pour le moins perturbés.

Il faut dire que Régis Jauffret s’amuse beaucoup à brouiller les pistes dans cette histoire, et ce que l’on croit savoir n’est plus vrai dès qu’un nouveau narrateur entre dans la danse. Jusqu’au bout, on ne peut être sûr de savoir si ce que l’on vient de lire est réel ou non. Cela peut amuser ou agacer, plaire ou déplaire. J’avoue que je suis restée perplexe, tout comme je l’avais été en lisant Microfictions que j’avais abandonné en cours de route. Pour autant l’écriture est belle et le roman contient de nombreuses phrases succulentes. Quant au jeu de construction de la narration, selon le principe des poupées gigognes, il ne pouvait que me séduire, moi qui aime tant les histoires chorales.

Aliénor - - 56 ans - 1 mai 2010


N'est pas fou qui veut! 5 étoiles

"Toutes les familles sont des asiles de fous".

En soi, ces quelques mots paraissent évidents. On a tous au moins une fois entendu autour de nous que dans chaque famille se cachent des secrets et des folies.
Quelle belle matière à réflexion pour Régis Jauffret qui n'a qu'à se servir, la folie étant par excellence ce qui permet d'écrire tout, du pire au meilleur, sans limites et sans contraintes. Liberté totale!
Donc Jauffret se lâche, en tout cas il essaie. Sans pour autant accéder à la réussite en bout de parcours. Parfois trop long, trop laborieux, comme si l'auteur lui-même se perdait dans la folie de ses protagonistes. Comme si il était trop figé, trop rangé, trop sérieux pour véritablement s'imprégner de la folie et de la dose de liberté quasi magique que cela comporte. Du coup, je me suis un peu ennuyée, j'ai même baillé, en me disant que si Jauffret écrit bien, ça ne suffit pas pour qu'il arrive à imiter la folie. Hé non, n'est pas fou qui veut!
Il y a bien du délire, des robinets à changer qui demandent dix pages d'attention, de l'agacement, de la haine, de l'amour et pas mal de petits détails qui méritent d'être explorés une seconde fois afin de réaliser à quel point ils peuvent être importants dans le basculement d'une vie. Mais il y a aussi tout le reste et là, c'est moins heureux. Cette désagréable impression que Jauffret sait/croit qu'il écrit bien et dès lors, pourquoi se fatiguer et trop en faire, inutile de changer une recette gagnante. Sauf que parfois, on a envie de varier le goût de la soupe et ici, les clichés et facilités sur la famille ("Familles, je vous hais!", ce n'est pas donné à tout le monde) donnent à l'ensemble une saveur de déjà vu un peu bâclé et pas bien exceptionnel.

Sahkti - Genève - 50 ans - 24 avril 2006


Autopsie d'une rupture 8 étoiles

J'avais quitté Régis Jauffret et ses possibilités conditionnelles avec "Promenade". Je le retrouve ici avec "Asiles de fou" : l'histoire d'une rupture, d'un couple qui se délite vu par ses quatre protagonistes. Quatre personnalités hautes en couleur, les nerfs en pelote. Tout commence avec Gisèle qui nous confie sa rage de s'être fait larguer comme une vieille chaussette rance. Vient la haine pour ce compagnon, Damien, lâche et fourbe.

Arrive ensuite, plein de maladresse et de fausse gentillesse, le père de Damien avec sa clef à molette pour réparer le robinet fuyant de sa belle-fille mais aussi pour lui annoncer cruellement la rupture.
La mère de Damien viendra encore éclairer cette cacophonie familiale d'un jour nouveau. La mère : un personnage autoritaire, assez rosse, capable de dévider les méchancetés les plus crasses sur tous ceux qui l'entourent. Petit florilège : " Nous nous sentions humiliés que notre fils partage la vie d'une femme pourvue d'un physique inférieur au sien…. J'ai toujours caché à mon époux ce léger mépris que j'éprouvais envers lui, non pas envers lui en particulier, mais d'une manière générale, puisqu'il était homme, père, c'est-à-dire rien si je le comparais à moi-même". La mère, un personnage schizophrène, qui passe du rôle de mégère non apprivoisée à celui de mère possessive et castratrice pour finalement jouer les belles mères complices. Le fils, un brin paumé, clôturera ensuite cette série de règlements de compte.

De ce roman, régis Jauffret est le marionnettiste, tirant toutes les ficelles, faisant évoluer ses personnages comme il l'entend, n'interdisant rien à sa plume. Les protagonistes partent tous dans des soliloques à la méchanceté féroce, débitant leurs misères quotidiennes, leurs frustrations affectives et sexuelles. Et on glisse dans leurs pensées troubles grâce à une écriture maîtrisée, audacieuse, souvent jouissive. Un écrivain qui d'un rien, d'une idée vague, peut sortir toutes les potentialités. Dans "Promenade", il imaginait les 10 000 vies conditionnelles d'une promeneuse solitaire. Avec "Asiles de fou", il transforme une rupture en une véritable guerre de tranchée.
Et de nous quitter : "Vous avez dû trouver cette famille étrange, mais plus encore que les histoires d'amour, toutes les familles sont des asiles de fous".

Nothingman - Marche-en- Famenne - 44 ans - 26 mars 2006


Dans quel état j'erre ? 1 étoiles

Pfff, mais où veut-il en venir ce Monsieur Jauffret? J'ai beau y réfléchir, ça m'échappe.
L'idée de départ (une rupture annoncée par les beaux-parents et narrée à 4 voix) est bonne. Mais rapidement, les délires verbaux prennent le pas sur l'ensemble.
Que comprendre de ces monologues vulgaires et prétentieux ? Est-ce une critique ratée de la famille, du confort bourgeois, des couples fusionnels ? J'ai cherché en vain un sens à ce tas de mots malsains et désordonnés.
Mais y-a-t-il seulement un message à découvrir?

Par respect pour l'auteur, je dirai donc que son style ne me plaît pas. Tout ce que j'ai retiré de ce livre, c'est une bonne migraine et le regret de 2h perdues. Et aucune envie de découvrir les autres ouvrages de Monsieur Jauffret.

Sparkling Nova - Paris - 40 ans - 6 mars 2006


Désordre familial 3 étoiles

Quatre monologues autour de la déchirure d’un couple. Quatre personnages pratiquement identiques, partageant le même mépris l’un pour l’autre. Tout au long de ce non-récit, ils se crachent au visage. Voilà en gros de quoi il est question.

Il est difficile de discerner le but l’auteur - dénoncer cette bourgeoise encrassée qui a le luxe d’être névrosée jusqu’à l’os? Ou peut-être s’agit-il d’une thérapie personnelle? Quoi qu’il en soit, c’est affligeant et déprimant. L’écriture enragée offre quelques moments percutants, mais le manque de nuances, et les références anatomiques / scatologiques omniprésentes rendent le tout répétitif et agressant.

(prix Fémina 2005)

Aaro-Benjamin G. - Montréal - 55 ans - 22 février 2006


Pas terrible 1 étoiles

J'ai moi aussi beaucoup de mal à comprendre où l'auteur voulait m'emmener, j'ai dû faire preuve de pugnacité pour ne pas l'abandonner en route. Au final je me suis ennuyée et j'ai trouvé tout ca un peu malsain sans pour autant faire avancer le débat. A oublier.

Zondine - - 57 ans - 30 janvier 2006


Logorrhée indigeste 1 étoiles

Impossible pour moi d'entrer dans cette logorrhée indigeste. Malgré quelques (très rares) phrases jubilatoires, je suis passée complètement à côté de ce délire.
En donnant à son livre le titre "asiles de fous", il me semble que Regis Jauffret s'autorise d'entrée de jeu à dire n'importe quoi, n'importe comment. Il éclate et éclabousse à tour de bras mais quoi au juste ? La famille, les relations de couple ? Cela a déjà été dit, à maintes reprises, par des écrivains plus doués, avec beaucoup plus de talent et de drôlerie.
Très, très, très français, cuvée contemporaine débile. Vraiment pas mon truc.

Maria-rosa - Liège - 69 ans - 11 janvier 2006


Le meilleur roman de cette rentrée? 10 étoiles

On connaît peu Régis Jauffret. On sait seulement qu'il avait déjà semé le trouble lors de la rentrée littéraire 2003 avec „Univers, univers“ (qui se souvient encore de la „maîtresse de Brecht“ de Jacques Pierre Amette, Goncourt cette année là?). Avec ce roman, il signait sans doute le meilleur roman de cette rentrée et recevait le prix décembre. En découvrant „Asiles de fous“, dès les premières pages, le lecteur est immédiatement pris à partie par l'écriture, par ce style jubilatoire, qui vous fera souvent revenir en arrière pour se délecter de ces lignes écrites à coups de hachoirs. Jauffret nous distille une littérature massacrante, il passe ses personnages à la moulinette et n'en ressort que le sombre, la haine, le dégoût de l'amour et de la famille. C'est l'histoire d'une rupture entre un homme et une femme. Le père de celui-ci, devant la lâcheté de son fils, est missionné pour l'annoncer. Régis Jauffret nous décrit la vie d'une famille banale de la bourgeoisie moyenne, mais c'est au pluriel qu'il nous écrit asiles de fous, et vous ne pourrez plus, après avoir terminé ce roman, regarder votre famille de la même façon.

Jpoix27 - saint-Etienne de tulmont - 56 ans - 30 septembre 2005