Palet dégueulasse
de Michel Dolbec

critiqué par Libris québécis, le 3 septembre 2005
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
Le hockey, une icône du Québec
Si le prix de l’essence fait augmenter celui des billets d’avion, on peut toujours se rabattre sur Palet dégueulasse de Michel Dolbec, un Québécois vivant en France. L’auteur lance sa visite de Montréal à partir de La Binerie, restaurant miteux, mais populaire du Plateau Mont-Royal, fréquenté par les étudiants et les BS (bénéficiaires de l’assistance publique) qui s’empiffrent de beans flatulentes (fèves cuites dans la mélasse et le lard salé) jusqu’au Stade olympique qui ressemble à une bouse de vache conçue par Roger Taillibert, en passant surtout par les bars, où l’on déguste les bières de Robert Charlebois, qui mène parallèlement à sa carrière de chanteur celle de brasseur. Il n’avait pas encore vendu son entreprise à des intérêts ontariens lors de la parution du roman.

Ce polar de la série mettant le poulpe en vedette a été écrit pour un lectorat hexagonal. Le correspondant de la Presse canadienne posté à Paris s’amène donc au Québec afin d’enquêter sur la mort d’un concierge obèse, abattu froidement dans une rue de Montréal. Heureusement, le directeur du Montréal-Matin, un tabloïd capitalisant sur le fait divers pour mousser ses ventes, permet à Gabriel Lecouvreur, le poulpe, de consulter les archives du quotidien le plus populaire de « la belle province ». Périphrase désignant notre patelin que le héros parcourt jusqu’à Shawinigan (160 km à l’est de Montréal), la ville natale de l’auteur et de Paul Gingras, l’obèse assassiné. De fil en aiguille, il apprend que sa mort est reliée au hockey, le sport qui fait vibrer les fibres nationalistes des Québécois. Le roman s’insère dans les coulisses du club montréalais, rebaptisé sous le nom de Caribous (rennes). Cette équipe professionnelle se rend jusqu’en finale pour l’obtention de la coupe Stanley (trophée remis aux champions de la ligue). Le match décisif est une messe en hommage aux joueurs francophones, qui offrent finalement à ses partisans la victoire ultime assurant la survivance de la race canadienne-française. Rien de moins et rien de mieux que de célébrer ce triomphe par une émeute, qui lance le poulpe sur la piste du tueur de Paul Gingras. Comme dans tous les sports, tout n’est pas propre. L’amour du puck (palet qui sert d’enjeu au hockey) peut se montrer aussi dégueulasse.

Dans son roman, Michel Dolbec fait ressortir presque tout ce qui est intimement lié à la culture québécoise, y compris les mouvements underground qui l'entourent. Avec une plume humoristique, il décrit nos travers qu’il compare à ceux des Français. On n’est pas loin de la caricature à l’instar du héros surréaliste. Le plus intéressant se loge à l’enseigne du langage. Il a évité le discours des pelleteux de nuages (penseurs, intellectuels et autres malades) en faveur du sabir d’un peuple qui s’abstient le plus possible des emprunts à l’anglais, contrairement à ses frangins d’outre-mer.

Malgré l’intérêt de l’œuvre, il faut dire que sa structure est pas mal slack. Les enchaînements ressemblent à des faufilages blancs sur des vêtements noirs. Il est évident que l’intention première de l’auteur ne visait pas la solidité de la trame. Quand même, c’est un roman assez juste de notre culture, qui se révèle à travers notre sport national, une icône rarement exploitée en littérature. Leif Tande, un Québécois du nom d’Éric Asselin, en a fait une bande dessinée, dont les critiques s’étalent sur une dizaine de pages avec Google.