Guignol's band, tomes 1 et 2
de Louis-Ferdinand Céline

critiqué par Pétoman, le 10 mai 2001
(Tournai - 48 ans)


La note:  étoiles
Guignol ou marionnette
Louis-Ferdinand Destouches dit Céline bien connu et contesté de par ses idées somme toute assez critiquables est aussi un novateur étant donné son style "télégraphique".
Car "Guignol's band" est écrit dans un style argotique, télégraphique qui peut pousser au suicide les messieurs de notre chère Académie Française. Voilà, par rapport à la forme l'essence de l'histoire.
Quant à l'histoire, elle est incompréhensible, on se demande si il y en a une... on sait qu'elle se déroule à Londres lors d'une guerre. Et il y a les délires d'une bande de délurés.
Où Céline veut-il nous mener? je n'en sais rien...
Lisez-le et expliquez-moi, j'en serai ravi... ainsi, je mourrai moins bête.
Drôle de guerre ! Drôle de pantins ! 9 étoiles

Boum badaboum ! les bombes qui dégringolent... les Allemands qui envahissent... Se vengent des dragons de Noailles, des "bleus horizon" de 14 ! C'est la loi du talion à l'échelle du continent... C'est le règne des sirènes hurleuses, des cris, des pleurs des gosses et des vieillards et des corps qui se tordent de douleur à cause du déluge, mais maintenant c'est du feu... De haine ou de peur, comme dans un tableau de Bosh, Jerôme. La débâcle...Enfin...Il y en a qui vont pouvoir enfin se rattraper du temps perdu...

Une idée... Dans l'affolement... Deux amis qui passent à Londres, chez les angliches... Qui ne fréquentent pas que des gens issus de la cuisse de Jupin mais surtout des demi-mondains, des putains, des charlatans, des prétentieux et des vaniteux, des filles à la beauté impossible en temps de guerre, des pauvres types, des héros à la manque, des chats parias et des va-nu-pieds...

L'amour remontre le bout de son museau, mais c'est la guerre. Et la nausée revient aussi... On a beau essayer d'aller jusqu'au bout de la grotte obscure sur laquelle s'agitent des ombres bien vaines de pantins bien vains, la nausée revient toujours, elle ne diminue jamais...
La sottise...L'égoïsme...De minables Narcisses qui danse sur du jazz...

La foule, encore la foule, encore et encore la foule anonyme... La lâcheté... Le néant des sentiments... L'amour qui devient une gymnastique, "han'deux, han'deux!". Au pas de l'oie, ou mis... au pas, le séraphin qui lance ses flèches ; Cupidon doit être crevé....

AmauryWatremez - Evreux - 55 ans - 13 décembre 2011


Chef d'œuvre 10 étoiles

Je lis Céline dans l'ordre chronologique.
Le Voyage a complétement changé ma façon de voir la littérature, mais aussi ma façon d'écrire. Il y a le avant et le après. Le Voyage c'est la poésie crue du désespoir, de la nuit noire qui tombe sur tout.
Mort à Crédit va encore plus loin dans le dénuement de la langue dite "classique", et c'est tant mieux, car c'est encore plus fort, je dirai génial. Dures d'accès, les premières pages m'ont fait arrêter ma lecture plusieurs fois. Une fois le cap passé, une fois l'histoire de l'enfance de Céline lancée, le train infernal accélère sans cesse vers toujours plus de souffrance, de sensibilité exacerbée, mais non expliquée, car Céline est le plus pudique des auteurs. Encore plus fort que le Voyage à mon goût, et vraiment magique.

Guignol's Band, sous ses dehors de blague et de fatras linguistique, se trouve être un nouveau chef d'œuvre, indéfinissable, de nouveau unique, de nouveau magique, qui montre que Céline se dépasse lui-même à chaque fois, dans son style comme dans ses personnages, toujours plus burlesques et attachants (Sosthène vaut bien un Des Pereires).

L'histoire, quoi qu'en disent certains, est bien là, et elle est folle (il faut lire les 2 tomes, le premier n'étant qu'une sorte d'introduction au monde londonien que Louis fréquente).

Comment Céline a pu imaginer tout ça ? avec des détails, cette vivacité, cette réalité folle ? Je conseille vivement de poursuivre directement le tome 1 par le tome 2 (que j'englobe dans cette critique) qui développe vraiment l'intrigue, et surtout cette première "belle" passion amoureuse pour Céline avec Virginie, la fille du vicieux "colon". Passion d'un jeune homme de 22 ans, mutilé de guerre, pour une jeune anglaise de 14 ans, fille de colonel engagé dans la recherche d'un masque à gaz révolutionnaire. Histoire louche s'il en est, mais enfin positive, colorée, qui fait monter "Ferdin" au ciel. Du balai pour les descriptions des sentiments vues et revues dans les siècles d'écritures, Céline ré-invente le sentiment, la fougue et la folie qui en découle.

Et que dire de ce long passage halluciné et passionnant quand Céline part en mission "achat de matériel" avec la jeune Virginie dans Londres et qu'ils croisent le mort-vivant (car Céline l'a tué) Mille-pattes, qui va les entraîner jusque dans un club secret où le jazz explose en orgies délirantes. Que dire du délire aux cigarettes du diable qui va pousser Delphine, la brute-pianiste Boro et Céline à assassiner, en plein badtrip, l'antiquaire obèse Cleben ? Que dire de cette apothéose dans le nouveau rade de Prospero, ce délire alcoolisé où tous les gibiers de potence retrouvent Céline pour lui demander des comptes, le chef Cascade en tête, que dire de l'épouvante ressentie quand Boro et Clodovitz le chirurgien apportent dans une énorme bâche un sombre paquet empestant la mort, sans que personne n'y fasse attention, sauf Céline ? Magique Magique Magique !

Bref, des centaines de passages sont géniaux et chaque feuillet fait preuve d'une densité incroyable ! En comparaison, le reste de la littérature fait peine à lire, hormis quelques-uns, comme Rabelais, Cervantés, Balzac ou Kennedy Toole. On est au sommet !

Quelle épaisseur, quelle verve, et dire que ce n'était pas une version revue et corrigée (le tome2)... Une œuvre foisonnante et fascinante.

Mais que lire après ?...

Thomasdesmond - - 43 ans - 17 janvier 2011


ferdinand chez les godons 10 étoiles

Une tribu de français échoués dans le Londres des bas-quartiers au temps de la Grande Guerre. On s'engueule, on s'étripe, et on traficote au vu et au su de la maréchaussée. Un Céline célinant et célinesque à souhait. Bonne connaissance de l'argot requise. Qui a dit que Céline était le Rabelais du vingtième siècle? Personne, zêtes sûr? Alors, le mot est lâché. Tonnerre de Brest!

Jfp - La Selle en Hermoy (Loiret) - 76 ans - 27 juin 2009