Les chroniques des Crépusculaires
de Mathieu Gaborit

critiqué par Belial, le 25 août 2005
(Anvers - 45 ans)


La note:  étoiles
Boum Boum Gabo est né.
Déboulant dans l’univers assez vierge de la fantasy française à l’âge de 23 ans avec Souffre-Jour (tome 1 des Chroniques des Crépusculaires), Mathieu Gaborit s’est très vite taillé une part de lion.
Un univers baroque et une toile Renaissance, une écriture d’esthète et un émerveillement sincère pour le merveilleux et la magie sont ce qui caractérise le mieux cet auteur en général et cette œuvre en particulier, qui font souffler le vent du renouveau et de la fraîcheur sur le genre. Petits regrets : une schéma narratif assez linéaire, et des événements et descriptions un peu bâclés sur la fin.
Roman d’apprentissage s’il en est, les Chroniques des Crépusculaires restent à ce jour l’œuvre principale de Mathieu Gaborit. Elles resteront sans doute un symbole pour les jeunes écrivains en herbe car désormais : écrire de la bonne et grande fantasy en France, sans expérience ou qualification préalable : c’est possible.
Univers original 8 étoiles

Les chroniques des Crépusculaires est découpé en trois parties correspondant aux trois volumes de la trilogie.

Dans la première partie intitulée Le Souffre-Jour, Agone, respectant les dernières volontés de son père édictées par testament magique se retrouve dans l'étrange collège de Souffre-Jour maintenu dans une obscurité éternelle par les arbres magiques du même nom, dont l'accès est réservé à quelques élus formés aux arts de l'intrigue et de la manipulation. Lui qui avait choisi la voie d'érudit et d’enseignant itinérant se retrouve entraîné, bien malgré lui, dans un complot visant à renverser le pouvoir en place et dont il sera la pièce maîtresse. Rattrapé par son passé, il en ressortira changé à jamais et contraint de devenir le défenseur de l'équilibre des forces magiques.

Une première partie qui met en relief les atouts majeurs du roman, à savoir son originalité et la qualité première de l'auteur son inventivité. L'auteur pose un univers bien à lui, un univers révolutionnaire pour l'époque où l'on se contente habituellement de pasticher Tolkien ou les scénarios des jeux de rôles en déclinant à l'infini les canons du genre : elfes, nains, trésor à découvrir, royaume à défendre...

A cet univers inédit et à une magie innovante et omniprésente, l'auteur adjoint comme protagoniste principal un antihéros courant après sa destinée qui peut par l'utilisation d'une rapière dotée d'une âme rappeler Elric de Ménilboné, mais par ses principes et convictions Agone est bien loin de ressembler à ce dernier.

Dans la deuxième partie, après la destruction du collège de Souffre-Jour dont il est le principal responsable, Agone se rend à Lorgol, théâtre de ses exploits quand sous la houlette de son père il apprenait le métier d'assassin. Un passé qu'il voulait fuir en suivant l'idéologie de Préceptorale. Un passé qui aujourd'hui le rattrape. Il va y retrouver l'un de ses anciens compagnons, mais aussi apprendre les notions de base de la magie. Rattrapé par l'un des Psycholune désireux de se venger de la destruction du collège, c'est un Agone qui n'est plus que l'ombre de lui-même qui poursuivra son destin.

On retrouve dans cette deuxième partie une autre vision de la magie, toujours aussi innovante et spectaculaire pour l'époque. En effet l'utilisation de Danseurs, source de l'influx magique, est une invention bien plus poétique et riche que les manas et autres fluides habituellement utilisés par les magiciens et sorciers.

Dans cette deuxième partie l'auteur ménage bien le suspense en faisant monter crescendo la tension sous-jacente jusqu'axu derniers paragraphes qui vont déterminer la suite de la trilogie.

Dans la troisième partie après la quasi éradication des mages par Lerschwin et face à l'invasion des territoires voisins, Agone, décide, en prenant la tête de la résistance, de se rendre à Rochronde. Accompagné des magiciens survivants, il va tenter de coaliser les barons pour faire face à l'envahisseur.

Dans la création de son univers pointe l'influence du jeu de rôle tant l'auteur a pour celui-ci le goût du détail dans tout ce qui entoure le personnage.

Si la magie omniprésente, novatrice, est le point fort de ce roman, la narration, quant à elle, en est le point faible, l'auteur procède effectivement par soubresauts dans le développement de l'intrigue, certains passages s’avérant linéaires. De surcroît l'auteur ne développe pas assez certaines de ses idées par rapport à d'autres : un manque de structuration du roman est alors ressenti par le lecteur. Dans la première partie le rythme de l'histoire essouffle rapidement, par contre dans la dernière partie du récit celle-ci s’accélère mais pour déboucher sur un final qui est trop abrupt.

Un univers inventif, particulier, sombre qui aurait mérité plus de soin de la part de l'auteur dans le développement de l'intrigue, une dynamique en dents de scie, Les Chroniques des Crépusculaires s'avèrent tout de même être une très bonne fantasy française . Plus de soin en aurait fait un incontournable du genre.

Goupilpm - La Baronnie - 67 ans - 3 juillet 2017


Agone de Rochronde, héros morcockien ? 5 étoiles

Le passé de rôliste de Mathieu Gaborit y est-il pour quelque chose ? les « Chroniques des Crépusculaires » m’ont rappelé en tout cas irrésistiblement les « livres dont on est le héros » de mon adolescence : un univers séduisant et inventif, une écriture directe très agréable et des protagonistes campés avec efficacité. La trilogie présente en outre quelques belles trouvailles (les étonnants « danseurs », source de la magie ; la guilde des accordés, musiciens capables d’enchantements), ce qui ne gâche rien. Il faut noter aussi que certaines figures du cycle, plus fouillées que les autres, retiennent particulièrement l’attention, comme Lerschwin le farfadet ou Amertine la fée noire.

Je me trompe peut-être mais il me semble que l’œuvre de Morcock imprègne plus ou moins inconsciemment le cycle des "Chroniques", par son ambiance sombre et gothique. De même, quelques points communs entre Agone de Rocheronde et les personnages morcockiens (les épées magiques, les héros moritifés dans leur chair...) rappellent incidemment l'univers de l'écrivain britannique.

Malheureusement, malgré ces qualités, la trilogie pâtit sans doute d’un manque de maturité, dans le récit tout d’abord, qui pêche par son manque de densité et de liant. Des raccourcis désagréables viennent aussi court-circuiter régulièrement l’action. On en vient à se demander si les événements, qui se succèdent parfois très rapidement, ne sont pas que des prétextes pour arriver à la fin du scénario.

De même les caractères des personnages et leurs destins sont traités bien trop souvent de façon superficielle, avec un manque d’épaisseur évident, le plus caricatural d’entre eux étant sans doute Elios le psycholune, particulièrement manichéen.

Il est dommage que Mathieu Gaborit soit allé aussi vite en besogne. Pour le coup il avait plus que la matière nécessaire à porter les « Chroniques » sur le long cours, en travaillant la psychologie des personnages et en approfondissant les réflexions qui émergent au cours du livre. Le questionnement sur l’accès au savoir en particulier (la lecture, l’écriture, le savoir magique...) et son utilisation était pourtant un sujet extrêmement prometteur qui aurait pu être largement mieux exploité à mon avis.

(Pour les amateurs de beaux livres on ne peut que recommander la version de l'intégrale qu'en ont fait les éditions Mnémos en 2013. L'ouvrage est cher, mais magnifique.)

Fanou03 - * - 49 ans - 19 août 2014


Une trilogie contrastée 5 étoiles

Le scénario est plutôt original avec un début prometteur. Un jeune aristocrate, qui a abandonné le droit à la succession de son baron de père, se doit de passer 6 jours dans une école très mystérieuse suite aux vœux testamentaires de ce dernier. S'en suit une plongée dans les arcanes d'un monde où se côtoient farfadets, lutins, ogres, mages, fées, pratiquant la magie et/ou l'Accord, dans un contexte géopolitique en plein bouleversement.

Le tout se déroule sur 3 tomes. Le premier commence doucement mais accroche l'intérêt du lecteur alors que le second est plus ennuyeux développant des concepts à mon goût peu convaincants (tout ce qui tourne autour du merveilleux sens large). Enfin le dernier tome amène trop rapidement au dénouement et donne une impression de précipitation, un rythme vraiment très différent du premier tome.

Bref si je suis très admiratif qu'un jeune auteur (à l'époque) ait pu créer un monde aussi cohérent et une histoire aussi originale, l'ensemble ne tient pas ses promesses selon moi.

Elko - Niort - 48 ans - 8 novembre 2013


La fantasy de qualité existe! 9 étoiles

Et bonne nouvelle c'est un jeune auteur français qui en porte le flambeau!
Sortant des classiques schémas du médiéval-fantastique, Mathieu Gaborit nous propose un univers original tirant son inspiration du baroque flamboyant et des créatures légendaires féériques, tels lutins, farfadets, et fées. Attention néanmoins : nuls mièvrerie et puérilisme : ici les fées, noires, sont de vieilles et sages créatures, les farfadets peuvent se montrer cruels et malveillants, les lutins ne sont pas que les petites créatures joviales habituellement dépeintes.
La magie, très présente, est également éblouissante : ce sont des petites créatures nommées "danseurs" qui permettent à leurs propriétaires d'accéder à la puissance des arcanes. Délicate et poétique, elle renforce l'ambiance insolite de l'oeuvre.
L'écriture enfin, est magnifique et se savoure d'un bout de ligne à l'autre. Rarement un auteur si récent aura proposé une telle qualité littéraire.

Un livre raffiné, soigné, enrichissant. En un mot : brillant.

Opalescente - - 42 ans - 27 novembre 2006