Une heure avant la fin du monde
de Joseph Roth

critiqué par Sahkti, le 25 août 2005
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Fin d'une société
Joseph Roth était écrivain et journaliste, c'était également un incroyable militant qui livra des réflexions désespérées et lucides sur l'effondrement de la société dès les années 20. A travers ces chroniques rédigées entre 1924 et 1938 réunies chez Liana Levi, on prend de plein fouet le cri de désespoir et d'urgence de Joseph Roth qui hurle au danger face à la montée d' Hitler, face à l'idéologie nazie dont il décèle rapidement les horreurs et surtout, qui tente en vain de secouer les juifs d'Allemagne qui pensent que, parce qu'ils sont Allemands, ils seront épargnés. Illusion complète qui fait enrager Joseph Roth.
C'est un texte très violent, noir et obscur, chargé de haine contre l'oppresseur nazi et l'anéantissement qui se profile pour toute une société. Chargé de tristesse aussi. Roth enrage devant cet optimisme juif allemand qui le met en boule mais le décourage complètement. Comment faire comprendre à tous ces gens que c'est sans doute la mort qui les attend, eux dont la plupart sont des intellectuels et qui ne voient rien ou presque du danger qui les guette.
C'est un autre discours que celui de Primo Levi mais ça secoue de la même manière, ça incite à la réflexion et à un recul nécessaire pour se mettre à la place de tous les acteurs de cette époque et comprendre les motivations de chacun. Pas toujours évident.
Joseph Roth, un témoin de son temps 8 étoiles

Joseph Roth est un grand écrivain autrichien, mais il a été aussi un très grand journaliste. Cette courte anthologie contient des textes et des articles de cet écrivain, témoin de son temps et héraut courageux qui n'a eu de cesse de tirer la sonnette d'alarme face à la peste brune.

L'auteur met en garde les lecteurs. Il assiste à la montée du national-socialisme, se méfie très vite de cet Hitler et des hommes qui l'entourent. Il pressent des drames à venir et la chute de l'Autriche. L'effondrement de l'empire austro-hongrois a déjà suffisamment affecté l'auteur. Voir l'Autriche tomber sous l'emprise de ce tyran est une défaite terrible pour Joseph Roth. Dans ses textes Joseph Roth est d'une extrême franchise et affirme ses idées clairement. Il n'hésite pas à écrire à un gouverneur pour lui donner son point de vue et accabler de reproches ce même homme. Quand il est critiqué ou incompris, il prend sa plume pour faire paraître une réponse argumentée dans la presse. La situation des Juifs l'interpelle. Il s'en inquiète tout en ne tombant pas dans un manichéisme naïf. Il évoque aussi le Prater, ce quartier où figure un grand parc d'attraction où figurait "la chambre de l'épouvante", sauf que désormais plus besoin de décors factices pour impressionner, ce lieu célèbre viennois a connu des scènes atroces qui sont malheureusement bien réelles.

Joseph Roth ne se contente pas de décrire et de constater, il problématise, explique et analyse. Son texte sur la propagande est intéressant. L'on sent sa volonté de décrypter le mal nazi et de donner des clés pour ne pas se laisser tromper par ces discours manipulateurs. L'intellectuel est celui qui dit et qui agit. Il s'intéresse dans certains textes à des figures artistiques et sur l'acte d'écrire sous le IIIe Reich. Les propos de l'auteur sonnent comme des avertissements, des mises en garde, voire des secousses électriques afin d'éveiller les consciences. Ses textes se font ironiques, parfois polémiques. Les mots sont des armes quand il faut résister.

Les textes de Roth sont de très bonnes analyses et permettent de mesurer de l'intérieur la montée du national-socialisme. Cette lucidité est glaçante et donne à voir un monde qui bascule alors même que des consciences éclairées expriment avec courage leur méfiance.

Pucksimberg - Toulon - 45 ans - 18 janvier 2019


Écrivain en exil 6 étoiles

Joseph Roth écrivain et journaliste juif autrichien a dû s’exiler en 1933 face à la montée de l’antisémitisme et du nazisme dans son pays. Il est décédé à Paris en 1939 sans revoir sa patrie. Joseph Roth nous a laissé une œuvre prolifique et notamment des articles virulents contre le nazisme et le IIIe Reich dont il était un farouche adversaire. Ces articles de presse recueillis dans ce volume nous aident à comprendre ce qu'ont pu endurer un grand nombre d’intellectuels à cette époque. Ce que Joseph Roth appelle la fin du monde, c’est son monde. Son monde qui a disparu avec le déclin de l'Autriche et la montée du nazisme. C’est à dire le monde où il vécu avant la fin de l’Empire austro-hongrois et la première guerre mondiale, empire multiculturel où on pouvait parler plusieurs langues, où des peuples différents se mélangeaient et où les religions se croisaient sans animosité. Un monde où on pouvait être juif, autrichien mais aussi citoyen du monde dans la ville de Vienne qui était alors la capitale de nombreux artistes de génie (Klimt, Schiele, Kokoschka, Mahler, Schonberg, Freud, Musil, Zweig... ).
Joseph Roth est meurtri de voir ce que le IIIe Reich a fait de l’Autriche. Avec l’anchluss, l’Autriche est devenue une province allemande : l’Ostmark.
L’orateur de l’apocalypse : Goebbels s’est employé à détruire le génie de Vienne. Pour Joseph Roth, les hommes du IIIe Reich ne sont que des barbares germaniques incultes et destructeurs. Pour lui l’Allemagne doit tout aux juifs. Notamment les arts allemands que les juifs ont fait connaître au monde, mais aussi les sciences.
Dans ces articles Joseph Roth conteste également le sionisme. Les juifs ne doivent pas être enfermés dans un territoire limité. Les juifs doivent rester des citoyens du monde parmi toutes les races, être cosmopolite c’est le destin du peuple juif car ils ont pour mission de donner Dieu au monde. C’est de ce monde disparu dont Joseph Roth nous parle.

Chene - Tours - 54 ans - 29 août 2012