La Fille du capitaine
de Alexandre Pouchkine

critiqué par Khayman, le 23 août 2005
(Chicoutimi - 44 ans)


La note:  étoiles
Simple et efficace
Piotr Andréïtch Grinev est envoyé par son père, à l’âge de 17 ans, faire son service militaire. Il est affecté sous les ordres du capitaine Ivan Kouzmitch Mironov à la forteresse de Bélogorsk, dans les environs d’Orenbourg (partie la plus orientale de la Russie d’Europe). Grinev fait la connaissance d’Alexeï Ivanitch Chvabrine, condamné pour le meurtre d’un lieutenant lors d’un duel. Piotr se prend d’affection pour la fille de Mironov, Maria Ivanovna, qui est aussi convoitée par Chvabrine. Les soldats de Bélogorsk devront se défendre de Pougatchev, un usurpateur qui a réussi à soulever une partie du peuple d’Orenbourg contre l’impératrice de Russie.

Très court par rapport aux romans-fleuves russes que j’ai lus, La Fille du capitaine est un livre semi-historique avec une intrigue simple. De courtes descriptions, une histoire qui avance rapidement, l’auteur se contente de l’essentiel. Il en découle une lecture aérée, sans essoufflement et sans fluctuations de l’intérêt*, ce dernier demeurant stable (ni très élevé, ni très bas).

Pouchkine décrit plusieurs sévices physiques (torture, morts, etc.). Malgré qu’il parle de narines arrachées, de brûlures au fer rouge, de langue tranchée, de crânes fendus et d’oreilles coupées, on n’est pas dégoûté (contrairement aux descriptions similaires dans Salammbô de Flaubert). Ici, le manque de détails et la vitesse du récit jouent probablement un rôle majeur.
des phrases si joliment faites... 9 étoiles

En terminant "La fille du Capitaine", j'ai regretté que ce livre soit si... court ! Non pas que l'histoire ne soit pas bien contée, tout est à sa place, la Russie et ses paysages magnifiques, la neige et le froid qui nous engourdit, la chaleur du samovar et son thé bienfaisant, la guerre, les combats, le sang et l'horreur, l'amour, la fidélité, la beauté des coeurs, la haine, la trahison, la dénonciation, l'amitié, la loyauté, la reconnaissance...

Tout y est, sans conteste, écrit de la plume de Pouchkine qui me laisse admirative, cette façon de dire l'essentiel sans trop ni trop peu est un véritable art.
Voilà pourquoi je l'ai trouvé trop court, j'en aurais encore lu des pages et des pages, s'il y en avait eu plus, de ces phrases si joliment faites, de cette écriture épurée et sobre, mais qui pourtant est de grande portée.

Alors on peut trouver tout cela un peu vieillot, un peu "flan-flan" ou que sais-je encore ? L'Officier qui vole au secours de sa belle, ça semble un peu cul-cul, et pourtant, c'est décrit de telle façon qu'on ne se moque pas, parce que c'est tout simplement beau, et entre nous, ça fait du bien, parfois, ce genre de lecture !!!

Nathafi - SAINT-SOUPLET - 57 ans - 4 juillet 2013


Epuré 8 étoiles

Peu attiré par l'art poétique mais paradoxalement intéressé de découvrir l'oeuvre d'Alexandre Pouchkine, j'ai jeté mon dévolu, un peu par hasard, sur la "Fille du Capitaine", qui selon la critique de couverture est un de ses premiers romans en prose et un ses derniers chefs d'oeuvre.

Je ne saurais donc resituer ce livre au sein de l'oeuvre de l'auteur d'autant que j'ai le sentiment d'avoir lu un ouvrage, très simple, d'une totale sobriété et qui en apparence (seulement) semble loin de l'idée de la perfection artistique, poétique, littéraire qu'attribuent unanimement à Pouchkine les penseurs et intellectuels russes qui suivirent.

A vrai dire, le sentiment m'est même venu que ce livre aurait pu être écrit par un tout autre auteur moins renommé. A ce sujet, voilà le commentaires de Dostoïevski sur "la Fille de Capitaine" qui m'a semblé très juste : " La Fille du capitaine est une merveille de l'art. Sans la signature de Pouckine, on aurait pu penser pour de bon que cela avait été effectivement écrit par quelque homme du passé, qui aurait été le témoin et le héros des événements décrits, tellement le récit est naïf et sans artifices, au point que dans cette merveille de l'art on a l'impression que l'art a disparu, s'est perdu, est revenu à la nature..."

L'art de Pouchkine vient alors du dépouillement total de l'histoire qu'il nous conte, une histoire étonnamment brève dans la description de l'action. "La fille du Capitaine" a pour sujet l'insurrection de paysans russes menée par Pougatchov en 1773 -1774 sous le règne de Catherine II.

Deux histoires en une : la première, l'amour entre le jeune noble envoyé par son père, faire ses armes, dans une province reculée, et la fille du capitaine, chef du fort militaire. La seconde, est celle de la rencontre entre ce même jeune Piotr Griniov et le rebelle Pougatchov, qui mène l’insurrection. Si la première rencontre est, sans surprise, une relation amoureuse (le jeune Griniov tombe amoureux et se promet de sauver Maria Ivanovna des mains du méchant Pougatchov et de l'autre prétendant Chvabrine), la relation qui se nie entre Griniov et Pougatchov est surprenante et constitue en fait le coeur du livre : loin de sa réputation de brute sanguinaire, Pougatchov, l'insoumis, est simplement qualifié d'usurpateur par Pouchkine et fait preuve de retenue, d'attention, accorde la grâce à Griniov et lui laisse la liberté de partir alors même qu'il le constituait prisonnier. Loin d'être un chef autoritaire, il bavarde tranquillement, lors d'un conseil de guerre, avec ses soldats qui le qualifient de "camarade", et sait écouter et se faire conseiller.

L’ambiguïté de Pougatchov, un mélange d'humanité et de violence inconditionnelle, est le vrai sujet du roman et confère à l'histoire sa profondeur.

Salocin - - 43 ans - 22 mai 2013


Le noble et le brigand 8 étoiles

Le court roman « La Fille du Capitaine » est paradoxalement la plus longue oeuvre en prose d'Alexandre Pouchkine (1799-1837), écrivain mieux reconnu pour sa poésie ayant changé à jamais le destin de la littérature russe, jusque-là calquée sur les contes religieux ou les classiques «occidentaux». L'action du roman se passe pendant une période trouble de l'Histoire russe : la révolte de 1773-1774 du cosaque Pougatchev qui, se faisant passer pour le tsar déchu Pierre III, contrôlait l'Oural à l'aide d'une armée de brigands ainsi que de paysans issus de minorités ethniques (Cosaques, Bachkirs, Tatares, Kazakhs) afin de renverser l'impératrice Catherine la Grande.

L'histoire suit celle d'un jeune aristocrate de 17 ans, Petr Andréevitch Grinev, qui se coule une vie belle loin des soucis dans la maison familiale de ses parents sur la Volga. Mais un jour, son père, homme sévère voulant endurcir son fils, décida de l'envoyer dans l'armée : pas dans la trop facile Garde de Pétersbourg mais - oh comble! - dans le fort de Bélogorsk dans l'Oural, là où on envoie toute la racaille soldatesque! Accompagné par son fidèle et parcimonieux éducateur Savéliitch, l'immature Petr ne se doutera pas dans son chemin qu'un concours de circonstances et de hasards l'emmènera dans la plus grande aventure de sa vie dont le grand catalyseur est son amour inusité pour la fille du commandant de Bélogorsk, la jeune Maria Ivanovna. Pour les deux jeunes gens, la passion les mènera rapidement dans la tourmente lorsque Bélogorsk sera attaqué et pillé par les cosaques de Pougatchev. S'ensuivra un apprentissage initiatique du devoir et de la dure réalité, composé d'amitiés saugrenues et de trahisons inusitées. Néanmoins, l'amour parviendra à triompher sur la haine et la rancune.

Pouchkine reste égal à lui-même : sa prose est simple tout en nous décrivant avec intensité et réalisme les scènes de violence (comme l'attaque de Bélogorsk) et en nous montrant des personnages riches et colorés qui doivent souvent faire face à leurs dilemmes et contradictions intérieures. Les personnages de Petr et de Maria devront apprendre à entrer pour de bon dans le véritable monde des adultes, tout en assumant leurs responsabilités et fidélité envers l'empire russe. L'auteur nous dresse le portrait d'un Pougatchev complexe, convaincu dans sa folie, coincé dans la fatalité et capable des pires cruautés comme des plus nobles sentiments.

J'ai bien aimé le roman, quoique la fin (qui concerne Maria mais je ne vous en dirai pas plus!) m'ait semblé un peu simpliste, comme si l'auteur n'a pas voulu donner beaucoup de temps à cette jeune fille qui porte pourtant le titre de son roman.

Mais à part ça, « La Fille du Capitaine » est une oeuvre quant même bien réussie avec un scénario ingénieux digne d'un roman de Dumas.

Montréalaise - - 31 ans - 28 novembre 2012