Les causes perdues
de Jean-Christophe Rufin

critiqué par Paradize, le 22 août 2005
(Paris - 37 ans)


La note:  étoiles
"Rien ne vaut une vie"
L'histoire se passe en 1985 lors de la famine en Éthiopie. Une mission humanitaire française est envoyée en Éthiopie pour faire face à ce problème.
Ce livre est présenté sous forme d'un journal d'un vieil homme arménien vivant en Éthiopie depuis bien longtemps.
Ce livre montre les problèmes auxquels peuvent faire face les humanitaires et nous ouvre les portes d'un monde que la majorité d’entre nous ignorent. Si vous avez découvert l'Abyssinie vous découvrirez ici l’Éthiopie sous un autre angle. Ce livre soulève certaines questions très intéressantes qui poussent à réfléchir et à aller plus loin, tout en étant une histoire intéressante et bien amenée.
Ethiopie, 1985 10 étoiles

Jean-Christophe Rufin a milité dans la cause humanitaire. Il est un interlocuteur compétent en la matière. Il nous emmène cette fois-ci en Ethiopie, à Asmara, province d’Erythrée, à la limite d’une zone où la famine est organisée par le pouvoir local pour à la fois extirper la guérilla locale et pouvoir déporter des populations entières afin d’exploiter des territoires peu ou pas peuplés.
C’est ainsi qu’est présentée la situation lorsque débarque à Asmara, décrite de façon remarquable comme une ville dont la prospérité et l’importance sont clairement derrière elle - une ville éteinte et endormie qui m’a furieusement fait penser à des situations que j’ai connu par le passé dans un autre pays d’Afrique - un étranger, en fait un Français, et plus précisément un dénommé Grégoire, qui a été mandaté par une organisation humanitaire française pour installer un camp de base permettant de soigner et d’alimenter toute une population en voie d’exode, fuyant la famine.
Tout nous est raconté via le filtre d’Hilarion Grégorian, Arménien né avec le siècle et ayant toujours vécu à Asmara. Hilarion, un négociant, présente une caractéristique ; il s’ennuie à mourir à Asmara, tombée dans les oubliettes de l’histoire, et il va tout faire pour se mettre dans les petits papiers de Grégoire, se rendre indispensable et le manipuler, dans un but bien précis et qui n’a rien d’humanitaire pour le coup ; faire en sorte que Grégoire reste là, lui et son équipe, afin d’avoir de la compagnie et des évènements nouveaux au quotidien.
Mais la problématique est en fait très complexe puisque le régime en place éthiopien a des visées bien précises ; bénéficier de l’aide internationale tout en ayant les mains libres pour déporter la population. La guérilla postée aux portes d’Asmara a aussi son mot à dire et enfin les différentes organisations humanitaires sur place évoluent sur un fil entre assistance aux affamés et risque de compromission avec le pouvoir. Lorsqu’il faudra trancher et décider si rester est possible face aux exactions du pouvoir ou s’il est préférable de quitter le pays pour protester, la naïveté de Grégoire cornaqué qui plus est par un Hilarion qui n’a aucune envie que les humanitaires s’en aillent ne fera pas le poids et la situation deviendra progressivement de plus en plus ingérable et l’on sent bien que Jean-Christophe Rufin a voulu faire état de ses doutes sur la pureté des intentions et l’efficacité des organisations humanitaires.
C’est une cause effectivement perdue d’avance, le titre est explicite, mais Dieu que l’histoire est belle et magnifiquement racontée !

Tistou - - 68 ans - 13 août 2020


vous avez dit humanitaire ? 10 étoiles

Une plongée dans les aléas de l’action humanitaire, dès lors qu’elle devient un enjeu politique qui la dépasse. Jean-Christophe Rufin, avec sa maestria habituelle, nous conte les gloires et déboires de Grégoire, vingt-sept ans, chargé de mettre sur pied à Asmara, aujourd’hui capitale de l’Érythrée, une mission humanitaire destinée à accueillir les milliers d’Éthiopiens victimes d’une terrible famine. Nous sommes sous la dictature "communiste" de Mengistu, aux prises avec un effondrement total de l’économie du pays et incapable de faire face à la situation. L’occasion est trop bonne pour profiter de l’aide internationale, que la junte au pouvoir destine en réalité à financer la déportation massive de la population. Croyant maîtriser la situation, avec l’aide d’un ancien marchand d’armes devenu son mentor, Grégoire va se trouver pris en otage dans une sombre machination qui va voir s’effondrer tous ses espoirs. Ce roman, avec ses personnages attachants, jamais tout noirs ni tout blancs, et ses multiples péripéties, se lit comme un polar politique alors qu’il s’agit d’un pamphlet acerbe, basé sur l’expérience personnelle de l’auteur et des sources très sérieuses, citées en fin d’ouvrage. On ne ressort pas indemne de sa lecture, même si l’actualité a fait depuis son chemin et largement redistribué les cartes dans cette partie de la corne de l’Afrique. Au travers de la narration d’Hilarion Grigorian, l’ex-marchand d’armes, c’est toute la complexité du comportement humain, partagé entre de multiples ressorts souvent contradictoires, qui nous est dévoilée, atteignant à l’universel.

Jfp - La Selle en Hermoy (Loiret) - 76 ans - 18 janvier 2019


Enfin un peu d'action pour Hilarion 8 étoiles

Hilarion, vieil arménien d'Erythrée, narre dans son journal les mésaventures d'une mission humanitaire française.
Au-delà des enjeux politiques de ces missions, ce livre a aussi été pour moi l'occasion de découvrir l'histoire de la colonisation italienne de l'Ethiope, et des Insabbiati.
La forme de journal donne une lecture rythmée et très vivante. J'ai adoré le personnage de Hilarion, au passé trouble, qui s'ennuie à mourir à Asmara, mais qui est aussi follement amoureux de ce pays.

Pierraf - Paimpol - 67 ans - 29 septembre 2018


Aider ou ne pas aider 8 étoiles

Dans une Ethiopie qui se rappelle sa colonisation italienne, le jeune Grégoire débarque à Asmara pour déterminer s’il y a lieu d’établir une nouvelle mission d’aide humanitaire pour la population affamée. Sa jeunesse et son entrain plein de naïveté et de bons sentiments contrastent avec l’intérêt calculé du narrateur, Hilarion Grigorian, vieil Arménien d’Erythrée, ancien trafiquant d’armes qui s’ennuie furieusement. Il va profiter de ce nouvel arrivant pour le manipuler, dans l’espoir qu’il installe sa mission. Alors qu’en fait, les enjeux ici sont politiques : le gouvernement manipule à son tour la population, affame une partie pour mieux la déplacer dans une autre région, tout cela sur fond de guerre civile. Et Jean-Christophe Rufin de nous démontrer combien les associations caritatives sont le jouet d’enjeux qui les dépassent et comment elles contribuent à influencer les médias. Tout cela est peu reluisant. Et le lecteur n’a plus qu’à comprendre que son argent va au profit de la guerre.
Ce livre est intéressant, mais laisse un goût amer et le lecteur ne peut s’empêcher de se demander si la vérité est vraiment aussi cruelle ou si l’auteur est devenu pessimiste et cynique suite à de mauvaises expériences…

Pascale Ew. - - 57 ans - 1 mai 2012


Une réflexion romancée sur l'aventure humanitaire 8 étoiles

« Asmara et les causes perdues » nous plonge dans l’ambiance des grandes missions humanitaires des années 80 lors des grandes famines en Ethiopie, par le truchement du journal intime qu’écrit un vieil Ethiopien d’abord intrigué et amusé, puis émoustillé de voir débarquer sur ses terres arides et désertiques cette jeunesse européenne au grand coeur. Une belle écriture et un travail très documenté, notamment sur l’histoire de l’Éthiopie et ses guerres intestines, sur le mélange des cultures et les restes de l’aventure colonialiste italienne. Une réflexion également sur les dangers et les obstacles que peuvent rencontrer les missions humanitaires d’urgence, par ce French Doctor qui connaît bien le milieu pour avoir été président d’Action contre la Faim. Un livre passionnant !

Albireo - Issy-les-Moulineaux - 47 ans - 7 mars 2007


Le piège humanitaire revisité 9 étoiles

Mieux qu'un essai à thème, ce roman dénonce les risques de manipulation politique de l'engagement humanitaire, sans pour autant négliger la trame romanesque. Une galerie de portraits d'Asmara qui résistent au temps (j'ai lu ce livre à sa sortie en 99). Un tour de force pour ce French doctor décidément bien inspiré de s'engager dans la littérature.

Raskolnikov - Versailles - 48 ans - 23 août 2005