Délivrez-moi !
de Jasper Fforde

critiqué par Aaro-Benjamin G., le 9 août 2005
(Montréal - 55 ans)


La note:  étoiles
Perdu dans un bon livre
Dans ce deuxième volet de la série Thursday Next, la célèbre détective littéraire, découverte avec « L’affaire Jane Eyre » est de retour pour tenir tête à la corporation Goliath. Cette fois-ci, son mari a été éradiqué par l’ennemi, effacé grâce à un truc de voyage dans le temps. Pour le récupérer, elle doit libérer un truand emprisonné dans le poème « Le Corbeau » d’Edgar Allan Poe. Mais elle ne peut se fier au portail de la prose et doit se résigner à apprendre comment voyager dans les livres sous la direction de Miss Havisham, en charge d’une division de jurifiction, la police interne des livres.

Si ce résumé est plausible pour les amateurs de l’auteur, pour les autres il peut paraître insensé, avec raison, car l’univers de Fforde avec deux F est déjanté, un qualificatif qui commence à peine à décrire cet amalgame de genres composé d’agents spéciaux - de dodos mangeurs de guimauves - de mammouths – de machines bizarres - et d’hommes neandertals clonés.

Dans la même veine que les romans de Terry Pratchett, cette série humoristique éclatée transporte le lecteur aux confins de l’imaginaire. Avec ses nombreuses références aux classiques anglo-saxons, elle s’adresse aux lecteurs de Dickens, Carroll, Bronte. Néanmoins, on peut très bien se retrouver dans ce labyrinthe ingénieux et s’amuser. Il faut tout de même mentionner qu’un effort de concentration, de compréhension, et une certaine indulgence pour une trame policière plutôt faiblarde sont requis.

J’ai été attiré par ce livre car on le classait parmi les polars. En fait, il s’agit d’une comédie de science-fiction, une folie sans prétention, idéale pour s’évader.
Le monde des livres 8 étoiles

On entre dans les livres en tournant les pages, en en déchiffrant les signes. Thursday Next y pénètre littéralement. Elle y découvre l'envers du décor, celui qui nous est à jamais (?) interdit. La trame est sinueuse, languide, et le lecteur avide la suit sans regimber. Parce que cela est un jeu réjouissant d'aller observer ce qui se déroule hors de notre vue.
Et puis, Jasper Fforde use avec brio de son monde uchronique, du voyage temporel et de ses paradoxes, de la lutte du bien contre le mal - le mal pur de la famille Hadès, le mal institutionnalisé -.
Parce que lire doit être un plaisir, Fforde est à lire avec et sans sérieux.

Vda - - 49 ans - 11 octobre 2007


Encore plus déjanté que le premier tome 9 étoiles

Je crois que la série va devenir une sorte de feuilleton car la fin de ce tome est vraiment frustrante et il faut attendre le tome suivant un peu de façon obligatoire. Déjà, pour bien comprendre « Délivrez-moi ! », il faut avoir lu « L’affaire Jane Eyre » sinon vous nagez en plein brouillard.

On sent que Jasper Fforde a beaucoup appris en écrivant son premier roman. Ici, les personnages sont plus approfondis et le style plus fluide. Un peu long à se mettre en route mais tellement drôle que ce n’est pas dérangeant. Avec quelques scènes mémorables, comme celle du Adrian Lush Show qui entrera dans les annales.

Au fait, le mari de Thursday s’appelle Landen et non Lindsay comme l’affirmait l’un des critiqueurs précédents

Mademoiselle - - 37 ans - 4 août 2006


Quel plaisir!!! 8 étoiles

Ce livre est la suite de "L'affaire Jane Eyre". Thursday Next, litteraTech, agent Opspec 27 coule enfin des jours heureux avec son mari Landen. Heureux, jusqu'au jour où le pauvre homme se fait éradiquer par la chronogarde et n'existe plus que dans le souvenir de Thursday.
Le deal, elle va chercher Jack Maird, agent de Goliath, qu'elle a enfermé dans "le Corbeau" d'Allan Poe, ou elle ne reverra jamais son tendre époux...
Après ces quelques lignes résumant l'intrigue de l'histoire, on est en droit de se dire "mais je comprends rien à tout ce bazar!"
Effectivement, cette série, complètement loufoque se déroule dans un monde parallèle au notre, où l'histoire n'a pas évolué de la même façon et où l'on se promène autant de livre en livre qu'à travers le temps...
Mais c'est aussi un monde dans lequel on a envie de se plonger, pour suivre les aventures de Thursday, de se laisser transporter à travers les pages des romans les plus célèbres et d'y rencontrer des personnages hors du commun.
Je lui octroye 4 étoiles sur 5, en attendant la suite...

Valeriane - Seraing - 45 ans - 29 mai 2006


Ne me délivrez pas!!! 7 étoiles

Me revoilà plongé dans les aventures absurdo-loufoques de Thursday Next, inspecteur de OS27, la police des livres. Et cette fois, la lecture est plus ardue.
En effet, si la trame policière laisse un peu à désirer, si la fin du Méchant (je ne dirai rien de plus sur ce personnage sans intérêt) est plutôt floue, le roman permet au lecteur de s’immerger en profondeur dans l’univers décalé de Thursday et de sa famille de doux-dingues. On peut à ce propos regretter la disparition – provisoire ? – de l’oncle Mycroft, sorte de Vinci à la sauce Matrix. En gros…
En fait, pour suivre le roman sans difficulté, il faut avoir en tête le premier épisode, l’excellent Affaire Jane Eyre. Thursday y a emprisonné Jack Maird, de la multinationale Goliath de réputation douteuse, dans un poème de Poe. Afin d’obliger Thursday à le ramener, ce qui est impossible sans le Portail de la Prose, un membre de Goliath, Meird-Hass, éradique le mari de Thursday, Lindsay. Il n’est pas tué à proprement parler, disons qu’il est non-né car, en remontant dans le temps, Goliath a changé le passé. De fait, Lindsey n’existe plus que dans le souvenir de Thursday.
Ce n’est pas clair ? C’est un peu normal. Disons qu’en visionnant la série des Retour vers le futur, vous pourrez y voir un peu mieux.
En fait, ce roman est un gros gloubi boulga de références multiples. Il y en a tellement qu’il est impossible de les citer toutes. Jetez un œil sur ma critique de L’Affaire Jane Eyre. Ce qui est sûr, c’est que les références littéraires, nombreuses on s’en doute, sont principalement anglo-saxonnes, ce qui pénalise grandement lorsqu’on n’est pas connaisseur. Néanmoins, on y mentionne Kafka, Homère et Saint Exupéry et la culture de l’auteur n’est plus à démontrer. L’aspect le plus génial des aventures de Thursday est que Jasper Fforde donne une autre existence aux personnages de romans, qu’ils nous soient familiers ou non. Ou, plus précisément, ils ont utilisés à contre-emploi, à l’opposé de ce qu’ils sont dans le roman dont ils font partie. Je n’avais jamais imaginé le Chat du Cheshire en bibliothécaire. Et pourtant, c’est ainsi que nous le retrouvons mais il conserve son caractère particulier et les phrases cryptiques qui se trouvent dans Alice au pays des merveilles. De même, la scène du tribunal, qui se passe dans le Procès, de Kafka, conserve le caractère absurde qu’à voulu mettre en évidence Kafka dans sa nouvelle.
Les niveaux de lecture sont multiples mais je pense que l’auteur a écrit ici une transition sur la durée d’un roman. Il met en place pour la suite, développe les aspects temporels de son monde imaginaire. Car le temps y est un personnage à part entière plus qu’une contingence théorique. On en joue, on le tord en tout sens mais il reste cet incontournable. L’auteur en profite pour y inclure l’aspect latéral de la temporalité : il y a le passé, le présent et le futur mais également les côtés, c’est-à-dire des mondes où les événements ont connus un dénouement différent. Ainsi, notre monde à nous est une version alternative de celui de Thursday. Les événements de départ sont les mêmes mais leurs fins sont différentes.
C’est donc un multivers que nous offre Fforde, un multivers en constante mutation, en mouvement perpétuel. En combien de dimensions ?

Numanuma - Tours - 51 ans - 12 décembre 2005