Insoumise
de Ayaan Hirsi Ali

critiqué par Bolcho, le 1 août 2005
(Bruxelles - 76 ans)


La note:  étoiles
Féminisme et islam
L’auteur est une jeune députée néerlandaise d’origine somalienne qui a réalisé le film « Submission » avec le cinéaste Théo Van Gogh. Le cinéaste a été assassiné. Quant à elle, elle doit vivre cachée.

Son livre n’est pas une œuvre littéraire. Il est même parfois un peu répétitif.
Mais il faut le lire car son propos est rare : antimusulman sans doute, mais pour des raisons avant tout féministes et à partir d’une connaissance de l’islam de l’intérieur. Peut-être sera-t-il utilisé par quelques fanatiques racistes pour conforter leur croisade chrétienne et xénophobe. Mais ils devront pour cela solliciter le texte jusqu’à en déformer le propos. Par contre, les progressistes européens, tenants du relativisme culturel, feraient bien de s’en imprégner pour réfléchir à l’attitude qu’ils prônent et qui, sans qu’ils le veuillent bien sûr, rejette les femmes musulmanes dans le néant : « (…) ce que les tenants du relativisme culturel ne voient pas, c’est qu’en hésitant à soumettre les cultures non occidentales à leurs critiques, ils les enfoncent dans leur retard. (…). Leur attitude correspond à un racisme plus diffus. »

Quelques idées extraites du livre :
« (…) la persistance des normes traditionnelles (par exemple se marier et avoir des enfants très jeune) est un obstacle important à la mobilité sociale et à l’intégration dans une société moderne » (…) « Une condition de la mobilité sociale est de jouir d’une longue période d’éducation, ce qui est incompatible avec le fait de se marier jeune et de faire rapidement des enfants »

En comparaison du monde chrétien, le monde islamique est devenu pauvre, faible, ignorant. C’est essentiellement dû à la place de la religion. C’est le principe de la séparation des Eglises et de l’Etat qui est à l’origine de l’avance de l’Occident. Mais il y a aussi une explication sociopsychologique, suivie par beaucoup de féministes. La relégation des femmes à un statut d’infériorité prive le monde musulman de la moitié de ses talents et énergies, certes, mais cela se répercute aussi sur l’éducation : « Les enfants sont confiés à des femmes analphabètes et opprimées ».

« Il y a peu, le porte-parole du ministère de la Justice turc, le professeur Dogan Soyasian, a déclaré que tous les hommes voulaient épouser une vierge et que ceux qui le niaient étaient des hypocrites. Qu’un femme violée ferait mieux d’épouser son violeur : le temps guérit toutes les blessures ; un jour, la femme pourra aimer son violeur ; ils peuvent être heureux ensemble. Mais si la femme a été violée par différents hommes, un mariage de ce genre aura peu de chances de réussir, car son mari la verra comme une femme infidèle ». (C’est vrai, ça, pauvre mari !)
« (…) dans la culture islamique, les hommes sont considérés comme des bêtes, effrayantes et irresponsables, qui à la vue d’une femme perdent aussitôt tout contrôle » « Ils n’ont aucune raison d’apprendre à se maîtriser. Ils n’en ont pas besoin. Ils ne sont donc pas éduqués dans le domaine sexuel »

Sur les mutilations sexuelles. L’auteur a déposé un projet de loi visant à contrôler annuellement l’intégrité physique des filles des communautés à risques jusqu’à qu’elles aient atteint l’âge de 18 ans. Le gouvernement hollandais avance dans cette direction.

Il ne faut plus nier « la grande tache qui flétrit l’islam, à savoir la manière dont on y considère les femmes et dont on les traite ».

« La plupart des femmes nées dans des pays de tradition judéo-chrétienne peuvent marcher tranquillement dans les rues, profiter de l’enseignement au même titre que les hommes, recueillir les fruits de leur travail, elles choisissent le compagnon avec qui elles partagent leur vie et décident elles-mêmes de leur vie sexuelle, d’avoir des enfants et de leur nombre. La plupart des femmes d’origine juive ou chrétienne voyagent de par le monde, s’achètent une maison à elles et ont d’autres biens. Ce n’est pas le cas de toutes, mais d’une majorité. Alors que cela vaut pour une très petite minorité de femmes nées dans une famille musulmane. Hommes et femmes juifs et chrétiens en sont arrivés là en critiquant leurs textes sacrés, en s’en moquant, en montrant que beaucoup de textes de la Bible et du Talmud ne sont pas satisfaisants. »

L’islam n’a pas connu de siècle des Lumières : « (…) il ne faut pas nous abandonner. Ne nous empêchez pas d’avoir un Voltaire ».
Une lecture obligée pour tout militant antiraciste 8 étoiles

Prenez un militant antiraciste et demandez lui laquelle de ces deux causes l’intéresse plus :

1. défendre une musulmane vivant en occident qui réclame le droit de porter le foulard partout et en toute circonstance, et qui se dit victime de racisme en raison de ses convictions religieuses ?
2. défendre une musulmane vivant en occident qui est tombée amoureuse d’un autochtone, qui veut vivre « à l’occidentale » et qui est menacée de violence par des membres de sa famille et de sa communauté ?

Il y a beaucoup de chance que votre militant antiraciste choisisse la première cause. Probablement parce que c’est plus gratifiant de défendre une victime d’origine immigrée contre notre système occidental, plutôt que défendre une femme émancipée contre son entourage direct. Résultat : les musulmans sont encouragés par les militants antiracistes à affirmer haut et fort leurs convictions philosophiques dans une société où elles sont, depuis plus de 200 ans, reléguées dans la sphère privée afin de garantir la paix sociale et respecter les libertés fondamentales de chaque individu ; les musulmans sont dès lors exposés à une méfiance de plus en plus grande des occidentaux qui ne comprennent pas cette attitude, à des discriminations plus importantes et à un rejet de plus en plus grand. Est-ce réellement l’objectif de la lutte antiraciste ?

Par contre, la deuxième cause, celle d’une jeune musulmane émancipée amoureuse d’un non musulman, n’intéresse pas le militant antiraciste. Il ne voit pas la démarche antiraciste de cette jeune femme. Que du contraire, il la perçoit comme une traîtresse de sa communauté, comme une immigrée « intégrée » (« l’intégration », quelle horreur). Résultat : ces dernières années, on constate une augmentation incroyable des violences auxquelles sont soumises les jeunes femmes originaires des pays musulmans et un recul considérable de l’égalité homme-femme dans ces communautés. Des milliers de femmes originaires de pays musulmans subissent aujourd’hui la pire des formes de fascisme, non seulement en Afghanistan mais aussi dans nos villes occidentales. Mais le militant antiraciste dira que ce n’est pas grave, qu’il faut respecter la culture de ces gens, qu’il ne faut surtout pas leur imposer nos valeurs. C’est précisément ce « relativisme culturel » que dénonce avec force Ayaan Hirsi Ali.

Ayaan Hirsi Ali, une jeune somalienne ayant vécu la culture arabo-musulmane « de l’intérieur », jusque dans sa chair parce qu’excisée, arrivée aux Pays-Bas à 22 ans en fuyant un mariage forcé, nous livre un témoignage et description de l’islam qui tranche radicalement avec les considérations angéliques habituelles. Elle y décrit comment, sur base du coran, on inculque aux croyants la haine de l’autre. Elle avoue elle-même avoir été étonnée la première fois qu’elle a vu un juif et constater que c’était un homme comme un autre, pas le monstre qu’on lui avait décrit jusque-là. Elle décortique les mécanismes qui conduisent les musulmans à refreiner toute velléité émancipatrice, à rester dans un système moyenâgeux, à se soumettre à Dieu, à désinvestir leur vie terrestre persuadés qu’une vie meilleure les attend dans l’au-delà (les hommes auront des jeunes vierges à leur disposition, les femmes recevront des dattes…). Elle fournit des chiffres éloquents, elle compare notamment le nombre dérisoire de livres publiés dans tout le Maghreb avec le nombre de livres publiés rien qu’aux Pays-Bas. Et bien sûr, elle analyse toutes les formes d’oppression que subissent les femmes, et termine son essai en donnant des conseils pratiques aux jeunes musulmanes en occident voulant, comme elle, fuir leur famille et leur entourage pour éviter un mariage forcé ou toutes les autres formes de violences auxquelles elles sont confrontées.

Ce livre devrait être une lecture imposée à tous les militants antiracistes. Non pas pour les inciter à haïr les musulmans, mais pour leur permettre de développer un regard critique sur la communauté musulmane et ne plus prendre pour parole d’évangile toutes les revendications émanant des musulmans. Développer un esprit critique, utiliser sa Raison en toute circonstance, le message principal d’Ayaan Hirsi Ali, admiratrice inconditionnelle de Voltaire…

NB : un des chapitres du livre commente le film « Submission Part 1 » qui valut la mise à mort de Theo Van Gogh. Pour ceux qui n’ont pas vu ce court-métrage, il est disponible ici : http://ayaanhirsiali.web-log.nl/ , malheureusement uniquement en version anglaise sous-titrée en néerlandais. Pour la version française, lisez le livre « Insoumise »… ;-)

Mieke Maaike - Bruxelles - 51 ans - 2 août 2005