Colonie
de Frédérique Clémençon

critiqué par Sahkti, le 31 juillet 2005
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
De Limoges à Brazzaville
Limousin. Léonce est un homme vieillissant qui vit avec sa maman, presque morte, dans la propriété familiale abandonnée depuis longtemps aux usures des années et dont le jardin a été transformé en route nationale. Une vie morne, routinière, dans laquelle le temps qui passe prend chaque jour davantage de poids.
Léonce se souvient de ses années d'enfance lorsque son père est parti à Brazzaville, dans l'espoir de conquérir le territoire et devenir riche. Des années difficiles, un père que le petit garçon a rapidement rejeté parce qu'il ne donnait pas signe de vie et qu'il les avait abandonnés.
Parallèlement à cette vie actuelle teintée de souvenirs d'enfance, Frédérique Clémençon nous entraine sur le fleuve Congo, à Brazzaville, dans la forêt africaine, dans les pas du père de Léonce, un homme arrivé par hasard dans sa belle-famille qui l'a accueilli et lui ouvert les portes de la prospérité. Une situation enviable, un mariage heureux qui peu à peu s'effrite, l'envie d'autres horizons, le départ, le silence. La mort au rendez-vous. Un peu pour tout le monde, de manière diverse.

L'écriture de Frédérique Clémençon est très belle, élégante et sensible. Le procédé narratif qu'elle emploie crée un recul pour raconter la vie de cette famille, on a l'impression de regarder un film et très vite, on est complètement envoûté par toutes ces images. L'atmosphère africaine est remarquablement bien rendue, tout comme les pensées qui habitaient les coloniaux aux balbutiements de la conquête.
Le lecteur palpe également le désarroi qui s'empare de Léonce face à la décrépitude de sa mère qu'il a surnommée la vieille noix. Observation impuissante de la sénilité et des ravages du temps, de l'isolement, de la solitude, de la résignation. Cette partie est plus sombre et désabusée que les notes africaines; l'alliance de tous les récits, de toutes les époques donne un roman très réussi.