Ainsi parlait Zarathoustra
de Friedrich Wilhelm Nietzsche

critiqué par Zarathoustroy, le 28 juillet 2005
( - 50 ans)


La note:  étoiles
Un chef d'oeuvre
Je viens de découvrir le site critiques libres qui catalogue de nombreux livres. Il manquait pourtant l'un des meilleurs d'entre tous. Je me dois de combler cette immense lacune par ma modeste critique.
Ce livre fait très philo pour avertis, mais il n'en est rien (j'ai eu 6/20 au bac et pourtant je l'adore).
C'est une oeuvre sur la remise en question, sur le dépassement de soi. Il démolit tous les dogmes et toutes les idées reçues.
Je le conseille à tous ceux qui n'aiment pas qu'on leur dise ce qu'ils doivent penser. A tous ceux qui aiment la liberté et détestent les moutons de Panurge.
Par l'intermédiaire de Zarathoustra, l'auteur fait usage de beaucoup de métaphores et le style est très agréable pour de la philosophie.
(A ce propos, je conseille la traduction de Georges-Arthur Goldschmidt qui selon moi est sûrement une des plus agréables.)

Voici en plus une bonne raison supplémentaire de lire le livre:

- Après, on comprend beaucoup mieux le film "2001" qui à ce moment dévoile toute sa splendeur.

Lisez ce livre, vous me direz merci après ;-)
La caverne de Nietzsche 7 étoiles

Avec ce livre Nietzsche s'attaque à démolir l'existence de Dieu, ou en tout cas du rapport de l'être humain à Dieu, tout en adoptant les codes et le style que l'on peut trouver dans la Bible notamment. C'est assez étrange voire perturbant de lire que Dieu n'existe pas tout en ayant sous les yeux le parcours d'un simili prophète et de constater que les thèmes de l'exil et du retour, thèmes là encore bibliques ou religieux pour parler plus globalement, sont utilisés pour narrer l'évolution du personnage principal. Ce n'est pas une critique sur le fond (ce serait extrêmement prétentieux de notre part) mais plutôt un ressenti qui penche vers le curieux, l'étrange et qui nous laisse interloqués.

Passé ces considérations sur le style et l'utilisation de codes étrangers à la pensée du bonhomme, force est de constater que Zarathoustra a de prime abord tout pour être une œuvre idéale pour débuter son apprentissage de Nietzsche. Cela débute comme un conte, certaines idées sont exprimées de manière directe et immédiatement compréhensible, et puis la lecture devient plus difficile, plus laborieuse et l'on réalise que la complexité est finalement plus présente que ce que ce l'on avait entraperçu. Ainsi parlait Zarathoustra reste une œuvre où la patience doit être de mise pour tout saisir, où la relecture sera sans doute indispensable pour saisir toutes les nuances du concept de surhomme, principe fondamental qui a malheureusement été sujet à de multiples mauvaises interprétations. Mais quoi qu'il en soit le sujet est universel, passionnant et tout à fait personnel voire intime pour chaque lecteur, ce qui en fait une œuvre fondamentale et importante dans le parcours de chacun.

On peut détester le ton parfois très orgueilleux de l’œuvre, ce sentiment de supériorité du personnage qui rabaisse sans cesse pour mieux faire grandir, mais l'on trouvera toujours une justesse dans les conseils prodigués et dans la pensée mise en forme ici de manière originale. Typiquement le livre à lire et à relire avant de pouvoir se l'approprier pleinement... si cela est possible !

Ngc111 - - 38 ans - 28 avril 2015


Pour que Zarathoustra parle autrement 6 étoiles

On peut sans doute regretter qu’Ainsi parlait Zarathoustra soit l’oeuvre la plus lue de Nietzsche. Car cela implique que beaucoup ne liront pas les autres. Or, prise ainsi, séparément, sans l’éclairage des oeuvres postérieures ou au moins de commentaires, c’est certainement une oeuvre qu’il est moins facile de comprendre que de mal interpréter. Par exemple, Nietzsche ne prône pas le dépassement de soi, comme on le lit souvent, à la manière d’un coach sportif qui demanderait à son équipe de se donner à 110% ; cela n’a pas de sens. En bon disciple de Spinoza, en successeur de Schopenhauer, il sait que l’homme est limité par ce qu’il est. D’ailleurs, Nietzsche est plutôt bienveillant avec lui-même, ainsi qu’envers les pulsions dionysiaques — ce qui le rend au demeurant sympathique. Ne dit-il pas, dans Le gai savoir, « Quel est le sceau de la liberté atteinte ? N’avoir plus honte devant soi-même. » ? On semble bien loin de l’idée qu’il faudrait aller plus loin que soi pour répondre aux attentes d’une société, travailler plus pour gagner plus. Non, s’il devait être un coach sportif, Nietzsche, selon moi, dirait plutôt « Donne-toi à fond ! ». Mais Nietzsche n’est ni un coach, ni un gourou du développement personnel.

Ce que propose Nietzsche, c’est de surmonter l’homme. Il ne s’agit pas, selon moi, de le faire en cultivant un élitisme revendiqué — ce qui ne semble pas en accord avec Nietzsche dans la mesure où cela reviendrait à adhérer à une classification bourgeoise des oeuvres et des idées, à lire, encore une fois, ce qu’il faudrait lire pour être accepté dans une bonne société, à se comporter, en somme, comme un mondain, un lecteur de cocktails, ce qui ferait sûrement bien rire Nietzsche —, mais plutôt en s’affranchissant des barrières imposées par la morale des prêtres, pour reprendre ses mots. Ainsi, Nietzsche exhorte son lecteur à devenir ce qu’il est et affirme que vouloir libère. Goldschmidt, dans la postface de l’édition du Livre de poche, écrit que le surhumain nietzschéen est celui « qui devra tout à lui-même et à sa volonté ». Pour cela, il faut donc casser les barrières, se défaire du « carcan des lois, des obligations, des devoirs » qui pèsent sur nous depuis le berceau. Ainsi, seulement, remis au centre de lui-même, l’homme pourra créer. Pensée profondément humaniste !

De là, on comprend bien que s’il refuse Dieu, ce n’est pas par une haine d’adolescent, mais plutôt parce que Dieu est l’alibi des prêtres pour imposer aux hommes des normes suprêmes et incontestables, celles-là mêmes que l’homme doit surmonter puisqu’elles lui imposent des barrières, des dogmes, des valeurs, des jeûnes, une ascèse… qui heurtent son développement, sa création, son impression de plénitude. Tout ceci empêche l’homme non pas de se dépasser, mais de se libérer. Ainsi, quand il affirme que Dieu est mort, Nietzsche ne dit pas que Yahvé, là-haut, sur son nuage, a eu un AVC, il dit plutôt que l’organisation du monde selon les lois de Dieu n’est plus valable. Car Nietzsche déteste les lois incontestables, les codes du groupe, les valeurs posées comme supérieures par les prêtres et la masse des jaloux qui s’emploie à couper les têtes. Il déteste d’ailleurs aussi le confort, le « misérable bien-être », tout ce qui encercle et immobilise la pensée, la création, la toute-puissante volonté. Il faut rejeter tout ce qui est subi et donc, imposé à nous par d’autres, fut-ce l’Etat, la masse des faibles qui ensemble terrassent le fort comme un essaim de fourmis dévore un lion, ou bien sûr, Dieu. En somme, si Nietzsche aime encore moins Dieu qu’il n’aime le commun, la bourgeoisie, les faibles, les égalitaristes procustiens, c’est seulement parce que l’autorité de Dieu est encore supérieure à celle des bourgeois et de la masse des faibles. Nietzsche n’accepte pas les lois divines : voilà la cause unique de son athéisme, même si ce sera plus évident dans La généalogie de la morale que dans Zarathoustra.

Ce qui nous ramène aux limites de Zarathoustra : c’est une oeuvre difficile, difficilement compréhensible, et de l’aveux même des commentateurs, propice aux malentendus. Voilà pourquoi on peut regretter qu’elle soit la plus lue du philosophe. Si on adhère à la plupart des idées que Nietzsche développe dans son livre — lorsqu’il affirme, par exemple, qu’ « une table de lois est suspendue au-dessus de chaque peuple », ou que « les hommes se sont donnés tout leur bien et leur mal », qu’ « on paie mal un maître en ne restant toujours que l’élève », ou bien alors, évidemment, « en vérité, je vous le dis, du bien et du mal qui seraient impérissables - cela n’existe pas ! » ; on sera plus circonspect pour ce qui concerne l’éternel retour — on regrette parfois ces aphorismes qui remplacent la construction d’un véritable raisonnement philosophique. Nietzsche, faisant de son oeuvre une sorte de conte, en remplaçant la rigueur scientifique par du lyrisme prend le risque de n’être pas clair. Pire, en se mettant dans la peau de Zarathoustra, un maître, Nietzsche semble parfois prêcher sa doctrine. D’ailleurs, sa prose est fortement biblique. Un comble, pour qui affirme la mort de Dieu ! Bien sûr, il libère ses disciples, mais j’ai regretté le procédé.

D’autant que si les idées de Nietzsche sont souvent justes, elles sont aussi dangereuses du point de vue la cohésion sociale : on ne brûle pas impunément tous les codes. Le philosophe, bien sûr, est en droit — et c’est même son devoir — d’affirmer ses convictions, les conclusions de sa pensée, mais il ne suffit pas de voir juste pour vouloir faire de sa vision un système ! L’esprit peut bien conclure à l’ineptie de la vie, à l’absence de normes, de bien ou de mal, sans pour autant que l’homme ne doive se réclamer du nihilisme, se faire iconoclaste. On regrette ainsi parfois que Zarathoustra ressemble autant à un programme politique qu’à un conte philosophique. Quand la pensée philosophique se mue en aphorisme, elle perd énormément selon moi : réduire sa pensée à un aphorisme, ce n’est jamais qu’une réduction de la pensée, fût-elle la plus lumineuse ! A force, Zarathoustra glisse vers le recueil de citations pré-mâchées, de slogans, pour un peu, on y verrait même un exercice de novlangue dans des phrases telles que « ce qu’il y a de pire en [l’homme] est sa force la meilleure ». Voilà qui est bien sibyllin…

On trouve sûrement dans cette nébulosité la source des fantasmes qui font de Nietzsche l’origine du nazisme. Bien sûr, Nietzsche n’est pas nazi ! Il n’y a dans Zarathoustra ni racisme, ni volonté d’espace vital ; on voit aussi que sa pensée s’oppose de plein fouet à l’idée d’un Etat totalitaire, au fameux Gott mit uns. Si l’on trouve chez Nietzsche un anti-judaïsme, c’est uniquement dans la mesure où il est anti-clérical, anti-monothéisme et où le christianisme découle du judaïsme. De même, on le dit profondément marqué par 1871, et il écrit que « le sang empoisonne même la doctrine la plus pure du venin de la folie et de la haine des coeurs ». Difficile d’affirmer après cela que sa pensée trouve son prolongement dans le nazisme ! Mais on peut toutefois comprendre qu’il offre un terreau dans lequel des idées nauséabondes peuvent fleurir. Il y a, chez Nietzsche, cette volonté adolescente de tout détruire. On trouve aussi dans ces pages tout le vocabulaire du nazisme. Le surhomme, bien entendu, mais aussi face à lui les parasites, le superflu dont on ne peut que souhaiter la mort rapide. De même, le chapitre consacré à la guerre peut être sujet à bien des interprétations, bien que les notes en fassent une allégorie du débat intellectuel. Tout cela donne à l’oeuvre un goût parfois amer et déplaisant. Bien sûr, Nietzsche ne pouvait pas prévoir ce qui viendrait après lui, la manière dont sa pensée serait sabordée par sa propre soeur et un régime qu’il aurait très certainement condamné —
« La vengeance, en effet, fou prétentieux que tu es, c’est toute ton écume, je t’ai bien deviné !
Mais ton propos me nuit, même là où tu as raison ! Et même si la parole de Zarathoustra avait mille fois raison : toi avec ma parole, tu feras toujours - tort !
 », ne dirait-on pas qu’il s’adresse à Hitler ?
— mais on regrette qu’il ait parfois sacrifié la clarté de sa pensée pour lui préférer ces aphorismes, cette poésie lourde et ambiguë, ces effets de manches, ce vocabulaire presque fasciste, ces mots en italiques à la signification opaque, tout ce qui rend son intelligence mystérieuse, confuse, énigmatique. On regrette qu’il ne nous livre, en somme, qu’un résidu de sa pensée quand on aurait préféré s’abreuver du lait dont se nourrit une vision si brillante.

Au final, Ainsi parlait Zarathoustra est donc une oeuvre importante, mais qu’il ne faudrait pas lire seule, une pensée réjouissante fort mal servie par une forme qui m’a souvent posé problème, m’a parfois énervé. Ce n’est peut-être pas l’oeuvre majeure de Nietzsche. Dès lors, pourquoi devrait-elle rester la plus lue ?

Stavroguine - Paris - 40 ans - 7 mars 2014


Une oeuvre puissante 10 étoiles

Comblée d'apologies et de discours flamboyants, l'anti-Bible de Nietzsche fascine, entraine et surprend. On a conscience de lire une oeuvre magistrale, mais en même temps on se plait à la critique. On est convaincu, mais on ose quand même s'interroger. C'est ici que commence le génie.
L'assemblage des multiples chapitres embrasse de multiples exemples mais crie toujours la même chose : trouver le pouvoir en soi-même, accomplir la quête de soi. Une idée émouvante et effrayante à la fois, mais ne résume-t-elle pas le but même de notre vie ?
Un livre époustouflant de conviction et de franchise.

Orea - - 30 ans - 28 novembre 2009


Comment lire Also sprach Zarathoustra. 10 étoiles

Attention tout le monde! Les discours de Zarathoustra ne doivent pas être comparés avec la philosophie de Nietzsche, je me lance pas dans de longues explications... à part si vous me provoquez. ;)

Adrien hyron - - 34 ans - 7 septembre 2009


Nietzsche,t'aurais du fournir un peu plus d'efforts! 2 étoiles

j'ai lu, je n'ai pas aimé...et surtout la manifestation de son Athéisme! que du bla bla..

Zouhair - - 35 ans - 29 juillet 2009


Une oeuvre magistrale 10 étoiles

" Je vous enseigne le surhomme. L'homme est quelque chose qui doit être surmonté. Qu'avez-vous fait pour le surmonter ? Le surhomme est le sens de la terre. Que votre volonté dise : que le surhomme soit le sens de la terre. "

Sa pensée philosophique est portée par la passion, l'art, l'instinct. Elle ne s'embarrasse pas de théories, de lignes directrices. Le principe de sa philosophie est l'enthousiasme de la vie, une ode au bonheur de vivre, et sa morale se dirige contre ces valeurs chrétiennes que sont la culpabilisation et la résignation.

Ainsi, dans Ainsi parlait Zarathoustra, Nietzsche considère d'un mauvais oeil la religion, qui n'est qu'une maigre consolation devant le malheur et la faiblesse des hommes. Dans un style poétique et aphoristique, Nietzsche n'épargne pas la morale des Eglises et rejette Dieu que l'homme a inventé pour contraindre l'humanité à la résignation. Mais Dieu mort, l'homme se détache de la spiritualité, de la transcendance, du "ciel", et se dirige vers la terre, qui représente son réel avenir. Le sens de la terre s'oppose à celui du Ciel.

Le but de l'homme est de devenir un surhomme. Cette phrase nécessite une bonne interprétation, il faut la déchiffrer. La philosophie nietzschéenne ne doit jamais être interprétée au premier degré car formulée symboliquement. Elle suppose au contraire tout un travail d'interprétation et doit être lue entre les lignes. Nietzsche voulait des lecteurs pensant par eux mêmes, et ne souhaitait pas de disciples annonçant ses paroles comme l'Evangile... Le surhomme ne représente pas une sorte de superman, ou encore moins l'aryen comme certaines interprétations douteuses l'ont laissé entendre, mais un homme libéré de toutes institutions, et qui sombre tout entier dans ses passions...

A ce titre la métaphore du funambule sur la corde, où cette dernière représente la marche vers le surhumain... Le danseur tombe mais peu importe, il aura pris des risques et c'est cela le principal... Le peuple en bas représente le troupeau, les moutons aveugles...

On ne saurait se contenter d'une seule lecture, c'est une oeuvre à lire et à relire pour en cerner toute sa formidable richesse, toute sa complexité... Une oeuvre à jamais inépuisable...

Neithan - - 37 ans - 29 juillet 2005


L'homme peut évoluer 10 étoiles

"C'est libre que tu te nommes? Je veux entendre la pensée qui te domine, et non que tu secouas un joug. Es-tu de ceux qui de secouer un joug avaient le droit? Rejetant sa servitude, plus d'un du même coup rejeta son ultime valeur.
Libre de quoi? S'en moque Zarathoustra! Mais que ton œil clairement me l'annonce: libre pour quoi?"

Un peu plus de détails, peut-être, sur ce Zarathoustra qui est bien plus qu'un simple livre sur le dépassement de soi.
Ce livre c'est avant tout un recueil d'émotions, celles de Nietzsche qui confie ce qu'il pense de la vie. Pas de grandes certitudes ici, ni de formules toutes faites ou des théories abstraites, mais un questionnement intérieur dont le cheminement mène à la réflexion et à l'élaboration de toutes sortes d'hypothèses.
Il faut savoir que Nietzsche a composé ce texte à un moment où il vivait dans une profonde solitude. Ce détail a son importance car beaucoup trop de personnes rejetant Nietzsche ou déformant sa pensée oublient de replacer celle-ci au milieu de repères chronologiques. Le meilleur moyen, par exemple, pour ne pas comprendre pourquoi, soudain, un jour, Nietzsche fait rejet complet de la religion. Ou pour atténuer voire ne pas percevoir du tout le rôle que la démence a joué sur son œuvre et sa vision du monde.
Cette solitude fut ici indispensable et bienvenue pour permettre à Nietzsche de faire le vide, d'évacuer certaines tensions dues à une santé fragile mais aussi à des critiques de plus en plus persifleuses et de se plonger à corps perdu dans sa réflexion sur la condition humaine.
Un ouvrage découpé en parties bien distinctes que le philosophe rédigea avec une rapidité et une facilité déconcertantes.

Il ne s'agit pas ici de dire ou non au lecteur ce qu'il doit penser. Nietzsche s'interroge sans imposer quoi que ce soit, il émet des hypothèses et ses propres convictions. Le tout dans un style assez lyrique qui est dû à la vivacité d'esprit retrouvée par Nietzsche (on ne dit pas assez à quel point il a souffert de ses absences et de son esprit troublé), ce qui l'emplit de joie, tout comme le fait de laisser libre cours à son questionnement. Ses pensées volent et se déposent un peu partout, il a le sentiment de saisir la vie à pleines mains et de l'analyser, de la retourner dans tous les sens, de comprendre qu'il est là et pourquoi. On peut dès lors comprendre l'excitation qui s'est emparée de lui et qui transparaît dans ce texte.
Cela se fait d'ailleurs crescendo. Si vous lisez attentivement la première partie, celle des discours, on constate que le ton reste posé, que tout cela ressemble à une théorie sur la vie, un peu à la manière des dialogues de Platon et de Socrate, qui énonce afin de pousser à la réflexion et la contradiction.
Ce qui ne manque pas de se produire dans la seconde partie, plus vive, presque exaltée. En se livrant à ses réflexions en solitaire, Nietzsche dégage peu à peu, via son narrateur, les grandes idées qui marquent l'ensemble du livre, à savoir l'idée de surhomme et celle du retour éternel.
La troisième partie reste tout aussi lyrique et emportée alors que la dernière, celle dans laquelle Zarathoustra discute avec les humains, perd de sa force. Non par faiblesse du philosophe mais parce que cela traduit à merveille la désillusion qui s'empare du narrateur lorsqu'il confronte ses idées avec des gens de tous les jours. L'incompréhension pointe le bout du nez.

Il convient de garder à l'esprit que le Zarathoustra du livre est davantage le propre reflet de Nietzsche que le représentant du Zoroastrisme historique.
Il y a d'ailleurs un parallèle à établir entre la descente de montagne de Zarathoustra et la solitude qui habitait alors Nietzsche, isolé pour écrire, à l'abri des hommes et de leur agitation.
Pour justifier la fin de ses dix ans d'isolement, Zarathoustra se dit qu'il peut rejoindre les hommes et arrêter de vénérer Dieu, puisque celui-ci est mort. C'est le point de départ, l'hypothèse établie par Nietzsche pour développer sa pensée. Ce n'est bien sûr pas Dieu en tant que personne ou être virtuel qui est mort mais son système et tout ce qu'il représente. Il y a faillite de la doctrine et de sa mise en application. Cette mort de Dieu est incontournable pour la suite de l'histoire. Si la doctrine chrétienne a manqué sa mission, cela signifie donc tacitement que ce qu'elle a enseigné ne tient plus non plus la route et que l'homme chrétien n'est plus ce qu'on dit qu'il est, à savoir un homme accablé de péché original et soumis à la volonté de Dieu.
Nietzsche ne dit pas "Ne croyez plus!" mais il établit une démonstration imparable à partir du moment où on accepte l'idée que le système chrétien ne remplit plus ses fonctions.
Maintenant que l'Homme se trouve sans Dieu, il va bien falloir qu'il se débrouille par lui-même et pour cela, il est essentiel de d'abord se connaître et se comprendre. Qui est-il? Que fait-il? Comment peut-il se définir? En fonction de quoi? Tous ses repères ont été bouleversés, c'est une nouvelle vie qui commence! L'homme prend enfin conscience qu'il est l'Homme. Libre!

Merveilleux! Mais pas sans danger, c'est évident. Lorsque Zarathoustra atteint la place du village où sont rassemblés les hommes, ceux-ci ne le comprennent évidemment pas. Un surhomme? Qu'est-ce que c'est que ça? Comment comprendre que l'homme est désormais livre de toutes entraves si ce n'est les siennes. Que l'homme doit apprendre à se surmonter lui-même. Qu'il peut y arriver si il est un surhomme. A savoir se dépasser, se surmonter lui-même mais aussi se mépriser. Hé oui! En se déclarant insatisfait, c'est ainsi que l'on avance, que l'on persévère, que l'on veut faire mieux et aller plus loin.
Autre aspect génial de la pensée de Nietzsche. Le surhomme n'est pas un homme supérieur mais quelqu'un qui a réussi à se surmonter, il y a une notion d'effort. Une notion de distinction ensuite. L'homme a été remplacé par le surhomme, à savoir celui qui a appris à évoluer. Au diable donc les théories bien ancrées dans l'Histoire comme quoi le progrès humain est linéairement évolutionniste. L'homme ne devient pas automatiquement meilleur en regardant le temps qui passe! Il doit agir. La collectivité, par son côté passéiste, pousse à une absence d'évolution vers le haut tandis que l'homme pris individuellement peut évoluer et grandir car il s'agit du reflet de sa propre volonté, de son libre-arbitre.

Bon j'arrête, il y aurait encore plein de choses à dire sur Zarathoustra et il vaut mieux que chacun se fasse sa propre opinion en le lisant. J'avais simplement envie de nuancer ou développer certains propos.

Sahkti - Genève - 50 ans - 29 juillet 2005


Le dépassement de soi ? 9 étoiles

"Ce sont les mots les plus silencieux qui amènent la tempête. Des pensées qui viennent sur des pattes de colombes mènent le monde." (pages 177/178)

Certainement beaucoup de propos à méditer...

MOPP - - 88 ans - 29 juillet 2005