Niagara
de Jane Urquhart

critiqué par Fee carabine, le 24 juillet 2005
( - 50 ans)


La note:  étoiles
Le tourbillon de la vie
Les premières pages de "Niagara" réservent une surprise de taille au lecteur, soudainement catapulté à Venise, aux côtés de Robert Browning qui y passe les derniers jours d'une vie paisible et bien rangée, en se remémorant les poèmes et le destin tragique de Percy Bisshe Shelley. Voilà une entrée en matière étonnante pour un roman qui se déroule pendant l'été 1889 dans la petite ville de Niagara Falls, dans le Sud de l'Ontario, où nous nous trouvons de fait transportés dès la fin du prologue. Niagara Falls - à ne pas confondre avec Niagara-on-the-lake - est une petite bourgade nord-américaine sans prétention: une rue principale y rassemble l'unique hôtel, le tribunal et tous les commerces, épicerie et pompes funèbres côte à côte. Somme toute, c'est une petite ville où il ne s'est plus passé grand chose depuis la bataille de Lundy Lane qui opposa les troupes loyalistes aux indépendantistes pendant la guerre d'indépendance des Etats-Unis. Tout au plus une épidémie de temps en temps, comme celle qui emporta Charles, l'entrepreneur de pompes funèbres, laissant son affaire aux mains de sa jeune veuve, Maud, et l'habituel cortège de noyés que la rivière rejette chaque été. Maud et son petit garçon, le colonel et son épouse Fléda - lectrice passionnée de poésie, Patrick - employé de banque et poète à ses heures... Une kyrielle de personnages se croisent au fil des pages de "Niagara". Leurs vies se rapprochent, s'effleurent puis s'éloignent, comme les trajectoires des bateaux d'écorce que Fléda prend plaisir à lâcher au fil du courant en amont des rapides - le tourbillon qui donne en fait son titre original au livre - et des célèbres chutes. Des vies en suspension au fil de l'eau comme les bateaux d'écorce, des vies piégées dans une espèce de no man's land, la zone des mortes-eaux qui avoisine le tourbillon. Jusqu'au moment où...

Jane Urquhart aime à entremêler les lieux et les époques au fil de ses romans, sans que cela devienne jamais un système d'écriture, une gymnastique gratuite. "Niagara" ne fait pas exception, l'évocation des derniers jours de Robert Browning qui encadre le roman proprement dit vient lui donner un nouvel éclairage, dans un jeu de correspondances, de reflets et de miroitements qui est un des grands attraits de ce livre. En dire plus serait risquer de gâcher le plaisir de la découverte. Je me contenterai donc de vous recommander chaleureusement "Niagara" et Jane Urquhart - une des meilleures romancières canadiennes contemporaines et qui est malheureusement encore trop peu connue en Belgique et en France.
Un tumulte trop calme 7 étoiles

Quelques personnages bien typés, quelques situations hors du commun. Mais cela est-il suffisant pour faire de l’auteur l’une des meilleures romancières canadiennes actuelles? Pour un livre qui parle de poésie, je trouve dommage qu’il n’ait pas été écrit dans un style plus poétique... Il n’est pas mal écrit, certainement pas, mais je suis restée sur ma faim. Peut-être aurait-il fallu préparer le drame final plus longuement. Je ne sais pas quoi exactement, mais il manque quelque chose à ce roman pour lui donner du souffle. J’ai bien peur de l’oublier rapidement… Pourtant j’y ai cru, à plusieurs reprises. Par exemple, l’idée de faire vivre Fleda dans la nature, sous une tente, en attendant que son mari construise leur maison, cette idée donc, est un bon départ, mais Urquhart ne la mène pas assez loin, ne l’exploite pas assez. Et le reste à l’avenant…

Saint-Germain-des-Prés - Liernu - 56 ans - 8 janvier 2006