J'abandonne
de Philippe Claudel

critiqué par Clarabel, le 23 juillet 2005
( - 48 ans)


La note:  étoiles
Coup franc, direct !
Dans le confessionnal d'un hôpital, deux hommes reçoivent une femme, maman d'une adolescente de 17 ans. Cette femme va apprendre le décès de sa fille par ces "hyènes", ainsi qu'ils se surnomment. Et en effet, ils vont lui "sauter dessus", lui sortir un formulaire pour le don d'organes et même si cette procédure relève pour eux d'une mécanique routinière, cette fois-ci sera différente. L'un de ces hommes, le narrateur, est au bout du rouleau. Cela dure depuis quelques temps, amorcé par le décès de sa femme, livré seul avec un bébé de vingt-et-un mois, lassé par des dégoûts accumulés. Il souhaite "abandonner" son job, et tout le reste.

Car le ras-le-bol que met en scène Philippe Claudel est poignant, cru et déchaîné. Son personnage s'en prend à un lot de petits riens quotidiens, depuis une affiche de Bigard, à la retraite de Céline Dion, aux yougouslaves dans la rue, au beaufisme, à la vulgarité et la violence bon marché. Et cette addition d'exaspération, ce trop-plein de lassitudes le marginalise de plus en plus, l'éloigne du monde des vivants, dans lequel tente de l'agripper son adorable petite fille. Vers la fin, l'accélération de la narration permet des révélations chez le caractère de cet homme désemparé. Toutefois son discours met également en péril le choix du don d'organes. Personnellement je ne pense pas que c'était l'intention de l'auteur, il s'est trouvé "embarqué" dans l'engrenage de son action. Or le vif du sujet n'était pas d'ébranler les décisions finales des familles éplorées, plutôt d'assister au naufrage d'un homme, lui-même confronté et traumatisé par ce choix, mais qui perd pied autrement. J'ai trouvé ce livre fascinant. Morbide, mais très poignant, et direct en plein coeur, malgré quelques passages rasants et déroutants.
Etats d’âme autour des dons d’organes 8 étoiles

Psychothérapeute en milieu hospitalier, le héros-narrateur pratique la difficile entreprise de convoquer les parents d’un accidenté de la route pour, une fois arrivés, leur annoncer le décès de leur enfant.

Particulièrement dramatique et poignant, le dialogue qui s’instaure à chaque reprise entre le narrateur et le parent endeuillé évolue généralement selon un mode opératoire prévisible au bout duquel le parent dévasté par la douleur se laisse convaincre d’avoir à consentir un don d’organes de leur être cher.

A l’enchaînement de ce processus, apparemment bien codé, Philippe Claudel ajoute dans son roman le grain de sable qui fera déraper le héros. Celui-ci est en effet rattrapé par le chagrin d’avoir récemment perdu sa femme en couches, et poursuivi par les images de son enfant en bas âge qui font irruption dans son quotidien professionnel.

Cette souffrance, notre homme la subit d’autant plus qu’elle contraste avec le comportement du collègue faisant équipe avec lui, un jouisseur au cœur sec, cynique et toujours pressé de rentrer voir son match de foot.

Ecrasé par les questions existentielles que lui posent ses journées de travail, le héros déchiré finira par s’effondrer, abandonnant ainsi les pénibles responsabilités qu’il assumait.

Encore un roman aussi pathétique qu’excellent de Philippe Claudel !

Ori - Kraainem - 89 ans - 2 juin 2013


La fin d'une époque 7 étoiles

Monologue intérieur d'un homme qui n'accepte plus le monde qui l'entoure, "J'abandonne" est une critique cynique d'une société qui change en mal.

A travers son personnage principal, Philippe Claudel laisse apparaître son dégoût du monde tel qu'il est devenu voire tel qu'il a toujours été. En ajoutant la perte d'un proche, il noircit un peu plus l'histoire déjà très sombre.

Mais comme toujours chez Claudel, dans la noirceur ambiante, on décèle une petite lumière, un fil au bout duquel pend l'Humanité. Dans "J'abandonne" c'est l'amour d'un père pour sa fille. Cette dernière est un peu comme un "héritage humain" qui semble déjà balayé par un environnement décadent avant d'exister. Seul havre de paix et d'espoir, cette fille est plus qu'une preuve de sens pour son père, elle fait naître en lui un semblant d'espoir.

Ce roman très court se montre très intense. L'auteur écrit sur le ton de l'indifférence, si bien que l'ensemble du récit revêt un aspect naturel et immuable.

Ravachol - - 41 ans - 9 décembre 2011


Un très beau livre 10 étoiles

Ce livre fait écho à des choses que j'ai vécues moi même et je suis sûr que tous les lecteurs pourront en dire autant. On s'est tous un jour arrêté deux minutes, deux jours, deux mois pour juger de l'absurdité de ce monde où la souffrance et le désespoir sont partout mais où, en même temps, les gens continuent de vivre et de se demander si ils préfèrent manger chinois ou mexicain, aller au cinéma ou regarder la téloche.
Le problème c'est que quand on se pose trop de questions on finit par arrêter de vivre tant on trouve peu de réponses et trop d'incohérences.
En ce sens ce livre me fait penser aux livres d'Houellebecq où les personnages, cyniques ou réalistes, se laissent mourir doucement par un trop plein de lucidité.
Cependant, et heureusement, Philippe Claudel nous offre une porte de sortie que ne trouveront jamais les personnages de Plateforme ou des Particules Elementaires, à savoir la naïveté d'un enfant et le bonheur de le voir grandir. On ne sait pas si le protagoniste s'en sort tout à fait, on ne revient pas indemne d'une prise de conscience aussi poussée, mais on sait qu'il a trouvé l'espoir et un semblant de combat.
Pour ca je donne volontiers 5 étoiles à ce livre qui se lit rapidement mais qui se garde en mémoire des années durant.

Ahsieg - - 41 ans - 17 septembre 2009


Un livre qu'on ne peut abandonner car il nous fait réfléchir 9 étoiles

L’idée d’abandon peut friser la capitulation. Mais ici, quel abandon ? abandon de la vie qui sous-entend le suicide ou abandon des idées noires pour renaître à la vie ?
Tout au long de ce roman, on retrouve la souffrance de l’époux qui a perdu sa compagne et qui subit un mal-être profond.
Philippe Claudel dénonce la violence rencontrée à tous âges et en même temps la lâcheté des gens qui préfèrent subir plutôt que d’intervenir. Les médias aussi sont mis à mal ; tout spécialement la publicité, quand celle-ci prône la vulgarité.
Il s’attriste de voir certains jeunes se laisser séduire par l’embrigadement et la dépersonnalisation : mêmes créneaux de langage, mêmes spectacles de masse ou manifs avachissant l’esprit.
Mais ce qui touche particulièrement le lecteur, c’est la profonde humanité qui se dégage de ce roman. Que de moments tendres dans la description des balbutiements de sa fille de 21 mois. Que d’évocations émouvantes de sa compagne avant son décès. Que de compassion, de sympathie au sens étymologique du terme avec la mère à qui l’on annonce le décès brutal de sa fille de 17 ans.

Ddh - Mouscron - 83 ans - 14 septembre 2006


Dons d'organes : vers une renaissance 8 étoiles

Ce livre nous entraîne dans l’obscurité profonde d’un personnage qui touche le fond de la douleur laissée par la disparition de sa femme. Il ne semble, désormais, porter en lui que “la laideur de ce monde” qui l’entoure. Les petits riens très sombres de son quotidien prennent une place exacerbée et un caractère plus que glauque. Son univers lui paraît en tout point hostile, horripilant et le mène au bord de l’exaspération, du précipice dans lequel il est tout prêt à se jeter. Pas étonnant que, dans son état, sa profession de “contemplateur de larmes” lui soit insupportable.
Parallèlement, l’intensité de l’amour qui le lie à sa fille est d’une pureté si pénétrante que j’y ai retrouvé beaucoup de ces vives émotions ressenties dans cet autre livre : “la petite fille de Monsieur Linh”.
Néanmoins, la plume de Philippe Claudel est , ici, beaucoup plus caustique et son humour, bien que souvent grinçant, est vraiment perspicace. Cette dérision jubilatoire qui entoure l’univers trash de la baby-sitter donne un souffle non négligeable au texte.

Apparemment, ce livre peut mettre en péril le choix du don d’organes, comme le souligne Clarabel et son interprétation divergente. Pour ma part, je reste convaincue qu’il en est un bel hommage que je développerai dans la discussion.

Voni - Moselle - 64 ans - 1 novembre 2005


un mauvais coup 2 étoiles

Voila un livre qui entérine tous les préjugés hostiles aux dons d'organe.
Par ailleurs, la gardienne des enfants est d'une telle grossièreté qu'on se demande comment le père, si soucieux de sa progéniture, ne met pas un terme à ses activités

Rotko - Avrillé - 50 ans - 21 octobre 2005


chronique de la vie quotidienne 8 étoiles

j'ai trouvé ce livre au début un peu trop "noir" et un peu trop "cru" mais connaissant l'auteur je ne me suis pas laissé influencer par ces sentiments de départs.
et j'avais raison! ce livre est simplement une chronique de la vie quotidienne et un homme faisant partie de notre monde, plein d'incompréhension et il est vrai plus entouré de "noir" que de "bleu"!
L'auteur a la franchise de le dire ainsi que de donner des exemples de ces soi-disant personnalités qui se croient essentielles à notre survie...
Mais la plus belle leçon à retenir est que nous devons nous accrocher face à ces catastrophes de la vie quotidienne car il y a toujours quelqu'un (dans ce livre son bébé) qui compte sur nous, qui nous aime et qui efface d'un sourire les plus vilaines choses!

Livre bien écrit, plein de franchise et donc à conseiller!

ADE - MARSEILLE - 46 ans - 19 octobre 2005