Tintin (Les aventures de), tome 23 : Tintin et les Picaros
de Hergé

critiqué par Shelton, le 10 juillet 2005
(Chalon-sur-Saône - 68 ans)


La note:  étoiles
Nostalgie, quand tu nous tient...
C’est en 1976, que parut cet album qui est le dernier achevé par Hergé puisque L’Alph-Art n’est resté qu’à l’état d’ébauche. Les lecteurs fanatiques auront du attendre assez longtemps, huit ans s’étant écoulés depuis la sortie du précédent, Vol 714 pour Sydney.
Mais, pour ces lecteurs impatients, le résultat aura-t-il été à la hauteur des espérances ? Ce dernier Tintin a-t-il fait rêver ? Ce sont ces questions qui m’ont porté dans la préparation de cette chronique et j’espère que nous allons pouvoir repartir ensemble avec des éléments de réponse…
Tout commence avec une première planche étonnante puisque nous allons voir Tintin rentrer d’une balade en moto, sans son pantalon traditionnel de golfeur, avec un casque orné du symbole des hippies des années soixante dix, Peace and Love, et, encore plus fou, Haddock cracher une gorgée de whisky !!!
Mais, si pour le look de Tintin il n’y aura pas d’explication particulière, pour le comportement du capitaine Haddock, les choses se préciseront au fur et à mesure…
Tintin et Haddock sont donc au château de Moulinsart et leur tranquillité vient être perturbée par les médias. C’est tout d’abord l’annonce par la presse, Paris-Flash, de la tournée de la célèbre cantatrice Bianca Castafiore en Amérique du Sud. Puis le reportage télévisé – tiens la télé est en couleur ! – de l’arrivée de la célèbre milanaise à Tapiocapolis… Cela permet de donner aux lecteurs de très nombreuses informations qui vont servir pour la suite de l’aventure… La Castafiore chante toujours, juste bien sûr, même si certains n’aiment toujours pas l’opéra, qu’elle est toujours accompagnée de son pianiste Igor Wagner et sa dame de compagnie Irma. Que c’est le général Tapioca qui dirige le San Theodoros, après avoir écarté son rival, cette vieille connaissance de Tintin, le général Alcazar. Ce dernier a pris le maquis avec ses dangereux guérilleros, les Picaros. De son côté, le général Tapioca, véritable dictateur, aidé par la Bordurie, a débaptisé la capitale qui est devenue Tapiocapolis.
On s’aperçoit qu’Hergé a voulu très rapidement créer des liens avec ses anciens albums. Le général Alcazar est apparu dans L’oreille cassée pour la première fois mais est revenu régulièrement : en lanceur de couteaux dans Les 7 boules de cristal ou en acheteur d’armement dans Coke en stock… Mais il va encore plus loin, puisque très rapidement, on voit les Dupondt accompagnant la Castafiore pour assurer sa sécurité, on voit le très fameux Séraphin Lampion, assureur, se préoccuper de l’assurance des bijoux de la diva, et, enfin, Tournesol et Nestor. Nestor semble d’ailleurs avoir vieilli, écouter derrière les portes et tester la qualité du whisky… Serait-il en train de sombrer dans l’alcoolisme ? Nous ne le saurons pas… Même les journalistes Jean-Loup de la Batellerie et Walter Rizotto seront de la fête, on avait fait leur connaissance dans Les bijoux de la Castafiore…
Mais ce n’est pas en convoquant tous les anciens personnages des aventures de Tintin que l’on écrit une nouvelle histoire. Mais Hergé ne semble pas pressé. Tout se met en place, le général Tapioca fait arrêter les Dupondt, la Castafiore, Wagner et Irma, porte des accusations très graves contre les héros de Moulinsart… Mais Tintin semble hésiter, attendre, un peu comme Hergé qui prend huit ans pour offrir une nouvelle histoire.
On peut véritablement se demander si les Picaros n’est pas l’album de trop, ou plus précisément l’album contraint… Voici quelques phrases de tintin prises dans cet épisode : « Oui, ou bien nous nous retrouverons tous en prison, comme Bianca Castafiore. Merci bien… » Tintin ne nous avait pas habitués à tant de passivité, lui qui était prêt à parcourir le monde pour sauver un ami… « Vous partez peut-être, capitaine ! Mais moi, je ne pars pas !!! » Lui qui avait forcé la main plus d’une fois à Haddock, dans L’étoile mystérieuse ou dans Tintin au Tibet, le voilà en retrait. Si en retrait que Haddock et Tournesol partiront les premiers… Cette absence momentanée de Tintin permettra une série de 9 planches sans Tintin, peut-être un record dans le genre, à vérifier quand même… Pour rester dans ce domaine de l’absence de désir d’aventure chez tintin, sa dernière phrase de l’album est significative. Quand Haddock lui dit sa satisfaction de rentrer à Moulinsart, il répond tout simplement, de façon très inhabituelle, « moi aussi, capitaine… ».
Mais entre ces phrases, il y a, quand même, une histoire, et puisque la Castafiore est en prison, puisque les Dupondt sont condamnés à mort, il faudra bien les sauver… Alors qui et comment ? Arrivons-en au cœur de cet album…
Il s’agit d’une grande manipulation organisée contre Tintin et ses amis pour d’une part empêcher le général Alcazar de reprendre le pouvoir et, d’autre part, de se venger d’une humiliation qui date de quelques années. En effet, lors de L’affaire Tournesol, le colonel Sponsz, responsable de la détention du professeur, s’était fait mystifier par Tintin et Haddock… et la vengeance est un plat qui se mange froid, l’heure est venue de passer à table… Pourquoi ? Tout simplement parce que le colonel Sponsz a été affecté comme conseiller technique auprès du général Tapioca. Il a hispanisé son nom, il est devenu le colonel Esponja. C’est lui qui veut voir Tintin et Haddock se précipiter au secours de la Castafiore pour, enfin, tous les éliminer… et comme il faut aussi se débarrasser du général Alcazar, la machinerie sera de très haute conception… et il ne faut pas que je vous en dise trop…
Mais, comme nous l’avons déjà fait avec d’autres albums, il est intéressant de se poser quelques questions sur la vision politique d’Hergé, à travers cet album et non en partant des différentes rumeurs qui ont circulé à son sujet. Les deux généraux, Alcazar et Tapioca, sont deux crapules, deux dictateurs potentiels et aucun ne peut symboliser l’avènement prochain d’une démocratie au San Theodoros. L’un est supporté, poussé, conseillé, armé, financé par la Bordurie, un Etat que l’on sait depuis longtemps mauvais et dont les structures ressemblent fort aux régimes des démocraties populaires. Mais le prétendant n’est guère plus sympathique, il ne rêve que d’exécution capitale pour tous les traîtres, et pour se retrouver dans cette catégorie, il suffit d’avoir, d’émettre une idée légèrement différente de celle du général déchu… De plus les guérilleros sont soutenus par l’International Banana Company… Devant cette situation, Tintin ne va pas choisir. On a l’impression qu’il refuse de prendre parti. Il va tout faire pour sauver ses amis, il a compris que le général Alcazar pourrait être un allié de qualité, alors il fera cause commune avec lui. Mais comme Tintin ne peut pas se salir avec des compromissions inacceptables, Hergé va demander à son jeune héros de pousser Alcazar à s’engager de façon formelle à ne pas procéder à des exécutions capitales lors de la révolution. Il le fera sous la contrainte morale mais on sent bien que dès que les amis de Tintin seront rentrés chez eux le dictateur reprendra le cours normal de sa politique… Hergé semble étranger à ce monde bouleversé par les grands affrontements idéologiques. C’est un peu comme s’il portait encore les séquelles de ses engagements du passé, contre le communisme, pour une certaine droite européenne… Il est comme Tintin, on le sort de force de son château, c’est à dire de ce lieu où il peut vivre sans se soucier du reste du monde, et il est pressé d’y retourner… Du coup, je pense qu’il ne faut pas chercher trop de sens politique dans cet album qui me semble plus nostalgique que militant…
Nostalgique, car on a l’impression qu’Hergé sait qu’il arrive à la fin de ses travaux. Maladie, fatigue, lassitude, impression d’avoir tout dit, tout fait… probablement un peu de tout ça, mais surtout, comme il a demandé de façon très claire que jamais personne ne reprenne le personnage de Tintin, il lui faut saluer tous ses personnages dans une dernière aventure, et cet album, Tintin et les Picaros, joue ce rôle. On y retrouve l’explorateur anglais Ridgewell et le peuple des Arumbayas que l’on n'avait plus croisés depuis l’Oreille cassée.
Cette façon de re-convoquer tous les personnages créés, c’est aussi, et encore, une méthode de lutter contre le vieillissement et la mort, la plus grande des angoisses d’Hergé, j’en suis sûr… L’oreille cassée, c’était en 1935, les Picaros en 1976, plus de quarante ans d’écart et le général Alcazar n’a pas pris une ride, les Arumbayas ne savent toujours pas jouer au golf et l’explorateur anglais, déjà très âgé à l’époque est encore là bien en vie… La bande dessinée rendrait-elle éternel ? C’est ce que souhaite, sans aucun doute Hergé lui-même…
Mais je dois avouer que ce n’est pas mon album préféré. Je le trouve assez superficiel, manquant de consistance au niveau du scénario, sans véritable surprise… Je trouve que l’auteur est arrivé à son zénith avec Les bijoux de la Castafiore et qu’après il tente seulement de faire survivre Tintin pour rester en vie lui-même… Heureusement, pour le lecteur, il y a quelques bonnes choses à découvrir au gré de vos observations de lecteurs attentifs…
Nous commencerons par Tournesol qui n’a jamais été aussi sourd et du coup décalé du début à la fin… mais qui est aussi un des sauveurs de la Castafiore qu’il admire depuis longtemps au fond de lui…
J’aime aussi les séquences de la Castafiore qui semble avoir pris un coup de jeunesse et avec qui je partage le goût pour les pâtes « al dente »…
La pyramide paztèque me plait bien et je trouve qu’Hergé a toujours le chic pour donner des noms à des peuples et des civilisations du passé… même si le vertige de Tournesol nous empêche d’en profiter pleinement.
Comme nous sommes dans une forêt d’Amérique du Sud, il fallait des animaux. Ils sont bien là, anaconda, caïman, singes… Mais c’est la séquence avec le gymnote qui permet à Hergé de réaliser une série de ces beaux dessins pleins de mouvement dont il a le secret… et j’aime beaucoup ça !
Il ne vous restera plus qu’à trouver l’endroit où Hergé rend un petit hommage à Goscinny et Uderzo… Auteurs qui rendront la monnaie de la pièce dans leur album suivant, Astérix chez les Belges, avec un duo bien hergéen…
Mais si le San Theodoros a changé en un album de gouvernement, vous pourrez constater que les bidonvilles de la capitale ne changent pas, c’est un peu comme dans la réalité, comme quoi Hergé est bien un auteur réaliste…
Et si, maintenant, vous alliez vérifier vous-mêmes ce que je viens de vous affirmer ? Bonne lecture !
Mon premier Tintin 6 étoiles

J'ai découvert la série, le personnage, avec ce tome. Commencer par la conclusion, étonnant, hein ? Je n'avais pas choisi exprès, on m'avait offert cet album, choisissant au pif parmi les 22 ("Tintin Au Pays Des Soviets" et "...L'Alph-Art" n'étaient alors pas encore officiellement dans la série).
Je me rendais pas alors compte que, graphiquement, ce dernier tome achevé est très éloigné des autres. Pas parce que Tintin porte un jean au lieu de son pantalon de golf (même si c'est vrai), mais les dessins sont plus 'gros', le style a un peu évolué, comme pour les derniers "Blake & Mortimer" de Jacobs.
Scénaristiquement parlant, on est dans un album assez correct, qui fait intervenir pas mal de personnages importants ou secondaires (nos héros, plus la Castafiore, Lampion, Spönz, Alcazar, Paco, Tapioca que l'on découvre enfin, et Ridgewell). Mais ce n'est franchement pas un des meilleurs de la saga, et on peut même dire que son dénouement est un peu expédié.
Je n'ai jamais été fan de ce tome 23 (anciennement 22) de la série, mais ce n'est pas non plus un ratage. C'est juste moyen.

Bookivore - MENUCOURT - 42 ans - 12 mars 2012


Tintin et les Picaros 8 étoiles

J'ai maintenant fini de relire tous les Tintin en ordre chronologique. Ce que je peux dire c'est qu'en général c'est bien mieux que l'image que j'en gardais. J'ai longtemps cru que les Aventures de Tintin étaient pour les enfants. Je peux donc l'affirmer, je m'étais trompé. Dans l'oeuvre de Hergé, il y a beaucoup de subtilité que les enfants ne peuvent comprendre et l'humour est génial.

Tintin et les Picaros est donc le dernier tome achevé de la série. L'histoire est quand même assez bien. Haddock et Tournesol sont vraiment drôles. Ce que j'ai vraiment aimé de cette BD c'est une des dernières cases à la fin où on voit les soldats dans le bidonville. Il n'y a que deux choses qui ont changé : L'uniforme des soldats et le nom sur la pancarte. Tout cela pour dire qu'un dictateur ou un autre ne change rien au peuple.

Maintenant que j'ai fini les aventures de Tintin, je me lance dans celles d'Astérix.

Exarkun1979 - Montréal - 45 ans - 9 juillet 2011


Excellent! 9 étoiles

J'ai adoré ce tome de Tintin. L'intrigue est excellente.

Le capitaine Haddock et ses expressions sont géniales. Ca me fait toujours beaucoup rire et le professeur Tournesol avec son petit problème auditif est incroyable. C'est ce que j'aime dans Tintin, ce mélange d'aventure et d'humour. On ne s'ennuie jamais.

Dans cet album, on parle du carnaval et je trouve les dessins magnifiques. Superbes couleurs, on s'y croirait.

BRAVO Monsieur Hergé! Je vois que dans l'album on fait référence à d'autres albums je compte bien les lire.

Lalie2548 - - 39 ans - 20 juillet 2010


Last, but not least 7 étoiles

La « dernière » bande dessinée d’Hergé *snif*... Notre rossignol milanais Bianca Castafiore est en tournée en Amérique du Sud et se fait arrêter pour complot par un dictateur.

« La Castafiore, conspiratrice!!!... Si, au moins, c’était la conspiration du silence!... »

Le capitaine Haddock, Tintin et le professeur Tournesol seraient aussi impliqués...

C’est une aventure que j’aime beaucoup. On retrouve nos personnages avec la même joie.

Nance - - - ans - 8 décembre 2009