Le rouge et le vert
de Jean-Bernard Pouy

critiqué par Julius, le 27 juin 2005
( - 51 ans)


La note:  étoiles
merci
20000 critiques et pas une sur un livre de Jibé ! Qu'est-ce qu'on va dire à nos enfants ? pourra-t-on se regarder dans un miroir et dire "On a rien vu venir !" "C'était pas ma faute !" "Je savais pas !", que leur répondre quand ils nous demanderont pourquoi !
Critiques Libres a-t-il fait l'essentiel ? 20000 critiques, 6000 membres, 75000 messages, 9000 titres qu'est ce qu'il manque ?
Ben oui, maintenant c'est évident.
Un livre de Jibé, c'est un plaisir de la vie, c'est un ricard au bord d'une piscine avec des filles, une terrasse avec une blanche et des potes, un cigare et un cognac après un repas avec des potes et des potesses et refaire le monde ... Bref, putain c'est bon !
Et ça commence comme ça :

- Vous me faites marrer, tiens ...
C'était déjà ça. Je n'aurais jamais cru que je puisse faire rigoler ce veau, qui tentait de régner sur la tablée comme Gengis Khan sur le pauvre monde. C'est Violette qui m'avait emmené dans cet enfer que sont les foutus repas de convenance. Ce type, notre hôte, sociologue de son état, dirigeait un truc au CNRS, un service analysant les objets culturels, si j'avais bien compris, organisés, en principe orgiaque. Au secours. Et ma douce étant, d'une certaine façon, sinon d'une façon certaine, sous ses ordres constants, il lui avait tellement demandé de venir grailler chez lui qu'elle avait été, à force, après avoir épuisé la liste complète des excuses à la noix, obligée d'accepter. Elle m'avait emmené avec elle, comme ça, disait-elle, elle étoufferait dans l'oeuf toute possibilité ou espoir de harcèlement ou de vengeance tardive. Personnellement, je ne le voyais pas en séducteur impénitent, son pneu ventral, son noeud pap, mais bon, si elle le sentait comme ça... J'avais donc accepté. Une soirée de perdue. Mais champagne rosé, enfin, rosé, je supposais, asperges au coulis d'écrevisse et on allait attaquer le gigot. Malheureusement je déteste le gigot.
- Vous me faites marrer, tiens ...
Je ne sais pas comment on en était arrivés là. Le mystère des conversations désordonnées. Autour de la table, dressée côté Ouest, deux autres couples, des journalistes et des acteurs de théâtre, je crois. Et la maîtresse de maison, une belle plante dont Violette m'avait dit qu'elle travaillait à la Très Grande Bibli. Ca avait bien sûr démarré sur la politique, mais les autres invités, pâlots, falots, avaient glissé poliment. Trop compliqué et hasardeux. Et, de mon côté, pas grand-chose à assener à moins d'avouer qu'il fallait tout faire péter. Alors on avait obliqué sur la culture. Le sport. Un peu de cinéma et puis retour aux livres. Moi, comme un imbécile, j'avais dit que j'adorais les romans de détectives et d'investigation, car là, au moins, c'était une littérature où, généralement, le lecteur ne reste jamais passif. Je n'aurais pas dû. Ne jamais avancer une idée hasardeuse, ça donne des biscuits aux beaux parleurs.
- Vous me faites marrer, tiens, au bout de dix pages, on a généralement deviné, tellement c'est mal foutu. Edgar Poe a déjà fait le boulot une fois pour toutes. Et puis tout a été essayé, même le plan nul comme quoi le détective s'aperçoit que c'est à la recherche de lui-même qu'il est lancé. C'est une littérature morte. Destinée au ressassement...
Il me gavait ce type. Il était sur ses rails, il confondait son laboratoire universitaire avec son salon ligne Rozet. Il professait. J'ai failli lui mettre dans les dents Chandler, Sallis et le bousiller avec Thompson, mais il ne le méritait pas. Je n'ai pas insisté, Violette devant lui rendre son mémo dans deux mois, surtout ne pas le brusquer, rapport à la mention. Obligatoire, la mention. Le mec était cultivé, et même s'il n'avait pas lu le roman inconnu que je pourrai lui balancer dans les dents, en bon universitaire, il s'en tirerait impec en faisant croire qu'il a déjà écrit moult articles et communications sur ce même livre.
Je me suis donc concentré sur le gigot, sans doute d'un rose vaguement sanguinolent, mais va savoir, en pensant que l'intérieur de la tête de ce con devait être de la même couleur. Pas cuite. Et puis j'ai calculé que, dans deux heures à peine, Violette et moi serions à la maison et que ce "rose", je le trouverais ailleurs. En plus charnel.
- Excusez-moi, de vous poser une question un peu ridicule, sociétalement, mais que faites-vous dans la vie ?

Je mets 5 étoiles pour toute son oeuvre. Merci Jibé, tu me redonnes espoir !
Beaucoup de plaisir également... 9 étoiles

à lire ce court roman. Qu'il est agréable lorsqu'on lit un roman d'avoir un lexique précis et une certaine exigence de la véracité des situations... Une certaine vision du monde et des réflexions intéressantes ; pour le reste, j'en revoie aux critiques précédentes.

Cecezi - Bourg-en-Bresse - 44 ans - 4 août 2015


Complètement passée à côté 3 étoiles

Adrien, appelé Averell par sa compagne pour cause de daltonisme se retrouve à un repas chez le patron de Violette, Bernard Mariton-Wesfall, sociologue au CNRS. Les interventions saugrenues d'Adrien lui vaudront l'intérêt de son hôte qui le chargera d'une étrange mission. Il devra mener une enquête et lui faire un rapport régulier lui permettant d'écrire un roman noir, spécialité d'Adrien.
Mais voilà, aucune piste pour cette enquête. Adrien a beau explorer sa vie privée, celle de sa compagne, des gens qu'ils côtoient... rien!
Arrivée à la page 58 (sur un roman de 158 pages), on se prend à espérer que l'enquête va pouvoir enfin démarrer avec la disparition d'un collègue d'Adrien...
Fausse alerte, le disparu est rentré à Paris, il a simplement choisi de changer de vie.
Alors, il va s'intéresser à la vie privée de son commanditaire:
« Je dois vous avouer que je n'avais pas pensé à ça. Ce qui est une faute mentale de ma part. Il était évident que dans vos réflexions, dans vos cogitations, vous alliez vous diriger vers ce problème. Problème que nous pourrions définir, théoriquement, de la façon suivante: quand quelqu'un demande à quelqu'un d'autre de chercher quelque chose, c'est qu'il sait, inconsciemment, que celui qui cherche va aussi chercher à savoir pourquoi l'autre lui a demandé cela, et qu'il sera vite persuadé que le commanditaire a quelque chose à cacher, qu'il ne veut pas avouer ou trouver lui-même. »

Tout n'est pas négatif... On apprend plein de choses sur les différents tons de bleu (seule couleur vue par un daltonien), plein de choses sur la cueillette de l'ylang-ylang, des réflexions sympathiques sur les vaches, sur les nombrils et les nombrileurs, sur la dépression de la pierre ponce...

Reste une écriture exceptionnelle.
Les jeux de mots, les mots détournés, déformés, inventés sont véritablement jubilatoires.
Et je pense que l'auteur se reconnaitrait dans cette présentation:
« -un confabulant paraphrénique.
-pardon?
-un forcené incantatoire... »

Mais c'est, à mon avis, le seul intérêt de ce court roman édité en série noire. Adepte d'enquêtes criminelles et autres thrillers, j'ai eu l'impression de ne lire qu'un exercice de style.

Marvic - Normandie - 66 ans - 20 janvier 2013


le polar des polars 9 étoiles

J'avais remarqué que l'excellent Pouy n'était pas encore commenté sur le site, merci Julius de mettre fin à cette "aberration"; Pouy mérite vraiment d'être lu !

Pouy c'est un ton (voir l'extrait ci-dessus), une liberté avec la langue, une façon de mêler un aspect populaire à une véritable intelligence.

Le "rouge et le vert" est un peu un polar sur les polars. Le narrateur qui travaille dans le domaine des parfums est chargé d'enquêter, mais à lui de définir sur quoi.

Le style vivant nous embarque dans une histoire qui s'accélère peu à peu et qui est soutenue par une construction très habile. Pas de réflexions tarabiscotées mais une histoire qui se tient, et qui garde beaucoup de force même après qu'on a lu son dénouement. En arrière-plan, une certaine vision (savoureuse) du monde des polars ...

Bref, je confirme, lire "Jibé" c'est un plaisir !

Loupbleu - Antony - 52 ans - 28 juin 2005