Jean Giono, le grand western
de Olympia Alberti

critiqué par Fee carabine, le 23 juin 2005
( - 50 ans)


La note:  étoiles
De la vie intérieure
Voici deux titres qui ont de quoi surprendre. Le titre du livre d'Olympia Alberti tout d'abord, "Jean Giono - le grand western", qui pourrait laisser craindre une "étude" de plus sur le pittoresque dans l'oeuvre de Jean Giono et tous les stéréotypes du romancier provençal. Le titre de ma critique ensuite, "De la vie intérieure". L'écriture de Jean Giono compte parmi les plus sensuelles de la littérature française, et toute son oeuvre est imprégnée d'une extrême attention aux beautés du monde sensible. Alors, son oeuvre déborde de vie, oui, mais de vie intérieure? Et pourtant, c'est bien de la vie intérieure de Jean Giono, une vie intérieure qui anime toute son oeuvre comme un courant souterrain, qu'Olympia Alberti a choisi de nous parler ici.

Une vie intérieure qui s'est nourrie tout d'abord de la contemplation du monde, dans l'attention tendue de tout le corps, de tous les sens, mais une attention exempte d'avidité, ou selon les mots d'Olympia Alberti: "Giono ne dit pas qu'il faut s'approprier 'les choses de vivre', qu'il faut les réduire, les détruire, les engloutir ou les désespérer, il affirme qu'il vaut mieux, par un regard d'amour, aller vers tout le vivant, lui donner notre attention, laisser celle-ci s'emplir, se nourrir puis déborder, et ainsi accéder à la générosité de la fontaine."... On est bien loin ici d'un hédonisme tel que pourrait le prôner un Michel Onfray, et selon Jean Giono, plutôt qu'une quête de plaisir, la sensualité est source de connaissance pour celui qui garde son attention sur la recherche de la vérité. Celui qui aspire à devenir comme une "goutte d'eau suspendue en un rai de soleil [qui] flambe d'être traversée". Ou à être, selon les mots de Bobi dans "Que ma joie demeure": "comme un feuillage. Non pas serré en bloc, mais composé d'images éparses comme les feuilles dans les branchages des arbres et au travers desquelles il faut que le vent passe pour que ça chante." Une contemplation vécue dans la solitude, loin des bruits de la ville et des distractions, dans sa maison du Paraïs, auprès de sa famille et de quelques amis, mais qui ne tourne pourtant jamais au repli frileux sur soi-même, bien au contraire, s'ouvrant sur la joie et la générosité de l'accueil et du don. Une forme de découverte intérieure, et c'est bien ainsi qu'il faut comprendre le titre du livre, car le mot western "nous parle de conquête extérieure - l'Ouest américain -, du besoin de dépassement qui est en tout humain, de nature, d'espace mais aussi de chevaux sauvages, de troupeaux, d'une humanité qui doit apprendre la conquête intérieure".

Avec son "Jean Giono - le grand western", Olympia Alberti nous offre une très belle lecture de l'oeuvre de Giono, faisant la part belle aux essais et aux chroniques qui sont souvent oubliés (y compris sur ce site, où les essais de Jean Giono brillent par leur absence!). Même si ces distinctions sont particulièrement artificielles s'agissant d'une oeuvre qui mêle en un seul souffle, la poésie, le roman et une réflexion métaphysique d'une authentique profondeur car "être constamment dans la métaphysique, [ce] n'est pas parler de la mort et de l'au-delà, c'est ne jamais cesser d'être dans de la vie et dans sa grâce et donner à vivre le divin dès l'ici-bas." Olympia Alberti nous invite ainsi à (re)lire les livres de Jean Giono, à les découvrir, les connaître... et surtout à les aimer car "donner à connaître, c'est donner à aimer ou ce n'est rien".

Ce très beau texte d'Olympia Alberti est en outre illustré de quelques belles photos, tirées des archives de la famille Giono, et complété par un entretien intéressant avec Pierre Bergé qui fut un ami très proche de Jean Giono...





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