Sartre
de Denis Bertholet

critiqué par Ulrich, le 14 juin 2005
(avignon - 50 ans)


La note:  étoiles
une possible dans l'ensemble des possibles !
L'image de ce monstre du 20ème siècle était solidement ancrée dans mon esprit. Je ne connaissais que certaines de ses oeuvres, quelques uns de ses engagements. Vision partielle mais le mythe était là ! Centenaire de sa naissance oblige, retentissement médiatique, je cède et me confronte à sa biographie. La réalité doit affronter mon mythe. Exercice périlleux : le mythe peut se briser.

Sartre, outre l'écrivain de Huis Clos, du Mur, de L'existentialisme est un humanisme, des Mains sales avait toujours été pour moi un humaniste. Vision adolescente un peu rêveuse que cette lecture a nécessairement remise en cause. Sartre n'est pas un humaniste. L'humaniste est devenu libre - Le penseur de la Liberté. Encore une fois, il raisonne dans mon esprit. Le mythe ne se brise pas. Bien au contraire !

Mais ces considérations toutes personnelles ne sont que les échos de mon propre chemin. La résonance de ce livre a été forte. En cela, modestement, cette biographie fonctionne. Elle fonctionne pour moi. Je continue de penser, comme d'ailleurs l'écrit D. Bertholet en guise de conclusion, "Nous sommes Sartre, peu ou prou, parce que son universelle singularité raisonne en nous" et donc qu'il fonctionnera pour vous aussi. Délicieuse ambivalence de ce monstre du 20ème siècle.

Mais laissons cela ; la biographie d'un tel personnage et justement parce que nous sommes tous un peu Sartre pose la question éternelle de "Comment retracer une vie ? ". Plus que jamais une biographie est l'expression d'une thèse, d'un point de vue. Il ne peut en être autrement. "Humain trop Humain"

La liberté fabuleuse de JP Sartre pousse son biographe a formuler des postulats. Il lui faut des piliers indestructibles. Avec, il peut alors interpréter une vie, une oeuvre, déchiffrer de la structure là où la liberté a fait l'oeuvre destructurée.

Les postulats de D Bertholet sont clairs. C'est d'ailleurs l'une des qualités de ce livre et de son auteur. Il les affiche. Il les formule ainsi :

"Tout voir et tout dire , ne pas laisser un geste, un instant, un mot dans l'ombre". Voilà, selon D bertholet, ce que recherchait JP Sartre. Il poursuit en disant de Sartre " Depuis qu'il pense, il cherche à répondre à ces questions : qui suis je ? qu'est ce qui fait que je suis moi et non cet autre qui toujours m’effraye et me met au défi d'exister ?"

"Le testament politique de Sartre devrait contenir l'aveu de la faiblesse tragique qui l'a poussé, un jour, à décréter que la foi en la lutte des classes était le seul moyen de rejoindre son temps et son prochain, et la reconnaissance de ces effets dévastateurs de ce choix - la négation de soi, la volonté de penser contre lui-même, la mort du romancier, l'asservissement du penseur."

Je ne connais pas assez Sartre pour confirmer ou infirmer ces postulats. Je les prends comme une donnée, comme des hypothèses d'un problème presque mathématique. Une fois acceptés, alors la biographie coule, passionnante, particulièrement bien documentée. Les oeuvres y sont abordées sans pour autant y être décortiquées. De la mesure mais aussi des jugements qui m'ont parfois agacés mais conformes aux postulats.

D. Bertholet est libre. Libre d'interpréter une vie. Il le dit et le fait. A la réponse qui est Sartre ? Qu'est-ce-qui fait que Sartre ait été lui et non pas un autre ? Cette biographie apporte des réponses. Incontestablement. Mais elles sont soumises à des hypothèses.

La dialectique, la liberté, l'ambivalence si solidement ancrées en JP Sartre nous obligent. Nous obligent à nous dire que cette biographie est une possible dans l'ensemble des possibles.