Monsieur Ladmiral va bientôt mourir
de Pierre Bost

critiqué par Clarabel, le 4 juin 2005
( - 48 ans)


La note:  étoiles
Le bonheur est dans le pré !
Paru en 1945, "Monsieur Ladmiral va bientôt mourir" est un roman avant-gardiste célébré par son auteur, Pierre Bost, décrié comme un "peintre de l'âme", à l'instar de Proust. Peintre, son personnage central, Monsieur Ladmiral, l'est également, mais retiré en pleine campagne, désormais veuf, âgé de soixante-seize ans, clamant à tue-tête qu'il va bientôt mourir. Et donc, chaque dimanche, il reçoit la sacro-sainte visite de son fils Gonzague, rebaptisé Edouard depuis son mariage avec la très plate Marie-Thérèse, parents de trois enfants. Ce rituel gonfle un peu Monsieur Ladmiral, car rien ne transige aux règles strictes de Gonzague, s'appliquant à ne jamais laisser seul son vieux père. Or, celui-ci ne peut s'empêcher de railler en pensée ce loyalisme un peu surfait. Lui, en fait, souhaiterait recevoir davantage la visite de sa fille chérie, Irène, l'opposée de son frère ! Autoritaire, fantasque et décidée, la jeune femme est un coup de vent. Elle tient boutique à Paris, vit seule, entretient quelques liaisons secrètes... et pourtant Monsieur Ladmiral l'adore !

Très insidieusement dans le récit, on s'aperçoit avec délectation de l'ironie distillée avec ingéniosité ! Tour à tour confesseur des pensées de chacun, on partage l'acrimonie, la jalousie, les non-dits, les envies, on lit la lassitude, la reconnaissance inespérée, l'égoïsme de l'un et l'autre, le tout résumé de manière claire et définitive par la pensée des garçons (cf. page 27) ! Et puis le texte se ponctue sournoisement, les derniers mots de Monsieur Ladmiral sont féroces. Et de refermer ce petit livre, le sourire aux lèvres.

(Bertrand Tavernier en a fait un film, sous le titre d' "Un dimanche à la campagne", en 1984.)