Engagé par une vieille femme, d’un âge indéterminé mais vraisemblablement très avancé et au caractère acariâtre, le narrateur se retrouve investi d’un travail particulier : créer un musée à partir d’une collection d’objets hétéroclites rassemblés par son employeur. Depuis qu’elle a 11 ans, dès que quelqu’un meurt au village, cette dernière dérobe un objet appartenant au défunt et qui, selon elle, le représente. Maintenant qu’elle est vieille et que son corps ne lui permet plus d’accomplir sa mission de façon satisfaisante, le jeune homme devra prendre la relève. Mais son rôle ne s’arrête pas là, il devra aussi répertorier tous les objets recueillis jusqu’ici et faire des anciennes écuries un musée digne de ce nom, « Le musée du silence » … Aidé de la fille adoptive de la vieille dame, du jardinier et de la femme de ménage, il se met à la tâche. D’abord déboussolé, il se prend vite d’amitié pour toutes ces personnes.
Yoko Ogawa nous plonge dans un monde étrange, comme seuls les écrivains japonais savent le faire. Pourtant, on ne peut pas dire que ce roman nous décrive la société nippone, tant il est intemporel. En effet, tant l’époque que le lieu sont indéterminés et pourraient être n’importe où, n’importe quand. A cela s’ajoute le fait que les personnages sont complètement dépersonnalisés. Aucun n’est nommé autrement que par sa fonction : le narrateur, la vieille femme, la jeune fille, le jardinier ou la femme de ménage. J’ai beaucoup aimé l’atmosphère qui se dégage de ce récit. Au début, malgré le sujet un peu glauque, on a l’impression de lire un roman assez léger mais rapidement on sent qu’un mystère plane sur le village, ou du moins sur le manoir où vivent les protagonistes. Ce sentiment est renforcé par les meurtres qui commencent à se succèder.
Plus je lis des romans japonais, plus j’accroche à cette littérature, à l’atmosphère ambiante et à la manière d’aborder les thèmes de la mort et de la vie en général qui lui est tout à fait propre. Dans ce livre, la romancière met en scène le travail de la mémoire, au travers des reliques que la vieille dame conserve de chaque habitant. Une sorte d’intemporalité qui naît au travers des objets les plus représentatifs de chacun.
C’est le premier livre de Yoko Ogawa que je lis mais ce ne sera certainement pas le dernier. Bien que je pense que ce roman soit assez atypique dans son œuvre. En effet, c’est, je crois, le seul à mettre un personnage masculin en scène et un des moins glauques. Son écriture est fluide et se lit d’une traite. Bien que certains événements soient assez prévisibles, cela ne gâche en rien la lecture. L’originalité du sujet et des personnages pallie cette faiblesse. De plus, la fin reste assez surprenante et déroutante, surtout pour un esprit européen. J’ai une grande envie de poursuivre la découverte de l’univers littéraire de cette romancière.
Féline - Binche - 46 ans - 7 juin 2008 |