La nuit dans les yeux
de Constant Malva

critiqué par Bolcho, le 1 juin 2005
(Bruxelles - 76 ans)


La note:  étoiles
« Germinal », mais en vrai.
Avec Constant Malva, je vais faire ce qu’il ne faut jamais faire, c’est-à-dire parler de l’auteur plus que de son œuvre. Mais tout le monde a toujours fait ainsi avec lui. Il faut dire que le personnage est particulier dans l’univers de la littérature.
Malva, né en 1903 à Quaregnon, descend pour la première fois dans sa mine du Borinage (Belgique) lorsqu’il a 15 ans. Il y est sclauneur et, excellent ouvrier, deviendra bouveleur. Je fais exprès de ne pas traduire ces mots, pour que vous alliez les chercher dans les veines du savoir, la lampe au front et le pic à la main, comme lui. Et des mots de ce type, ses textes en sont riches. Il y a aussi les abatteurs, les recarreurs, la faille à la coupure, la faille au troussage, la colonne de canards, le chassage, les havries, les layettes failleuses, le cul de la vallée et il arrive que l’on troue à eau. Tout ça, c’est la vie de la bure.
Comme Poulaille et Peisson (évoqués sur ce site par moi-même – il y aurait comme une intention que ça ne m’étonnerait pas – ), Malva est rattaché au courant de la « littérature prolétarienne » qui a eu une vie brève et mouvementée entre les deux guerres. Un peu coincé entre Poulaille et Barbusse, entre témoignage du monde ouvrier et engagement politique, Malva est également proche de gens comme Charles Plisnier et Achille Chavée.
Mais il est surtout un individualiste un peu égaré et en mal de reconnaissance littéraire.
A ce point égaré d’ailleurs que quelques prises de position plutôt pro-allemandes lui vaudront des ennuis après la seconde guerre mondiale. Il ressentait plus la solidarité de classe que celle de la patrie et, le nez dans son quotidien de pauvre, il s’interrogeait bien peu sur le régime nazi et rêvait d’une Europe ouvrière et en paix. Ah, ces pauvres…
Aujourd’hui, on lit Constant Malva surtout pour ce qu’il contient de témoignage sur une époque révolue. Il en était conscient d’ailleurs, notamment lorsqu’il disait ceci : « (…) ce que j’ai fait subsistera pour la simple raison que mes œuvres sont des documents dont on devra tenir compte, plus, qu’on devra consulter quand on étudiera la vie de la classe ouvrière des mines dans la première moitié de notre siècle ».
La meilleure façon d’aborder Constant Malva, c’est ce recueil de textes divers où se trouve une excellente postface de Daniel Blampain dans laquelle j’ai puisé certaines des idées ci-dessus.
Non loin de chez moi 10 étoiles

Oui, cet homme est un héros, comme le fut mon père également ouvrier mineur. Mais savez-vous que son effigie était représentée sur les anciennes pièces de 50 centimes belges ? (sauf erreur de ma part).

MOPP - - 87 ans - 1 juin 2005


In Memoriam 10 étoiles

Merci Bolcho de faire revivre cet auteur par trop oublié ! Malva, mineur de fond et écrivain ! Et même excellent écrivain. Un cas, c'est le moins qu'on puisse dire.
Pour répondre à Darius, le vocabulaire employé est toujours d'actualité dans le langage courant du Borinage. Les expressions des mineurs d'autrefois colorent toujours le vocabulaire des Borains d'aujourd'hui...Comme Lucien pourra surement en témoigner. Connais-tu l'expression "Faire monter le trait" ? ça veut dire chez nous "commencer la bagarre"... elle date de l'époque des grands conflits sociaux du XIXème siècle... Autrefois, des chevaux étaient utilisés au fond des galeries pour tirer des wagonnets... Ces chevaux étaient parqués dans les galeries et ne sortaient que rarement. Si une grève éclatait et risquait de durer, on faisait "monter le trait" en surface. Signe que le conflit aller durer longtemps !

Patman - Paris - 62 ans - 1 juin 2005