1977
de David Peace

critiqué par Eireann 32, le 26 mai 2005
(Lorient - 77 ans)


La note:  étoiles
3 ans après, les mêmes mais en pire
Le Yorkshire, en l’an de grâce 1977 fête le jubilé de la Reine, le Jack l’Eventreur local s’en fout royalement (facile comme humour je sais)
Des prostituées sont sauvagement assassinées pendant les préparatifs du Jubilé d’Argent, quel manque de flegme. La police est sur les dents, nous retrouvons la même trame que dans 1974, les mêmes policiers, racistes, violeurs, violents et corrompus. La même déchéance humaine chez le sous-prolétariat d’une ville en pleine décadence.
Difficile de faire pire, comme si un narrateur ne suffisait pas, Peace en rajoute un second, sans prévenir, certains chapitres c’est Jack, le journaliste qui raconte, le reste c’est Bob, le flic, qui s’y colle. Jack est alcoolique, la tête pleine de fantômes, il a perdu une femme qu’il aimait et ne s’en remet pas. Bob le flic est amoureux fou d’une prostituée, mais également fortement attaché à son fils, le dilemme est très dur à vivre, et il craint pour sa maîtresse. Et la police magouille entre tout ce beau monde. Le final est hallucinant et laisse perplexe.
Pour la forme et le fond il n’y a pas de changements non plus, écriture à la tronçonneuse, des phrases sans verbe, un rythme saccadé. Si le lecteur n’est pas trop réfractaire au climat très glauque des personnages et du récit, c’est un roman policier anglais beaucoup plus réaliste que la moyenne. Mais, âmes sensibles, prière de s’abstenir
Red Riding Quartet - 2 10 étoiles

"1977", le second volet du Red Riding Quartet, se passe en 1977 donc, et on y suit le double parcours (un chapitre en alternance avec l'autre) d'un journaliste et d'un flic, qui enquêtent, chacun de leur côté, sur les crimes atroces d'un serial killer se faisant appeler l'Eventreur du Yorkshire (lequel a réellement existé) et qui se base sur les crimes de Jack l'Eventreur. Les victimes sont essentiellement des prostituées. Mais derrière cette affaire, qui se passe en plein Jubilé d'Argent de la Reine Elizabeth II, se cachent de bien sordides choses...
Encore une fois un roman hypnotique, violent, malsain, sordide, percutant comme un TGV en pleine face, un de ces romans dont on a peur de sortir, redoutant l'état dans lequel on sera après sa lecture... Incontestablement mon préféré du quartet, malgré l'incontestable réussite des trois autres.
Pour finir, au sujet des titres des différentes parties du roman (allusion à la précédente critique éclair) : il s'agit de titres de chansons punk (des Clash, Sex Pistols) sauf pour la dernière, où c'est le nom d'un groupe punk britannique ,les Damned.

Bookivore - MENUCOURT - 42 ans - 20 juin 2023


Qu'est-il arrivé à Jack Whitehead ? 8 étoiles

1977. Une autre année à marquer au fer rouge pour la région du Yorkshire. 1977 est le prolongement de 1974. C'est l'après Dunford, personnage du journaliste dans le premier tome de la tétralogie, dont on parlera bien peu (quelques allusions tout au plus, vers la fin). En fait, la fin du printemps 77 (le roman se déroule sur à peine quelques mois) est racontée par deux personnages rencontrée dans le roman précédent: un policier, Bob Fraser et Jack Whitehead, journaliste qui faisait l'envie de Dunford dans le premier tome.
Ils se répartissent équitablement la narration des drames et des folies; ils partageront un sort assez similaire à la toute fin, parce que, avec Peace, il semble que les protagonistes connaissent des fins souvent tragiques et surtout, dans la tétralogie du Yorkshire, ceux qui combattent le mal s'y brûlent, s'y fondent, s'y perdent.
Le lecteur averti sait bien qui est le tueur: on ne le voit pas, mais si on en croit la source d'inspiration de Peace, il s'agirait du véritable Éventreur qui a terrorisé le Yorkshire entre 1975 et 1980, William Sutcliffe. Au lieu de nous faire approcher du tueur, les pistes nous plongent dans la fange de la société anglaise de ces années. L'intérêt est dans cette exploration-là, ce désespoir, cette folie, de laquelle les personnages ne semblent pouvoir échapper, c'est aussi ce qui en fait une tragédie moderne, à mon sens.

Bob Fraser, un policier, dont le beau-père est à l'agonie (rappelant aussi le début de 1974, où Dunford vivait le deuil récent de son père), mène l'enquête. Il est inquiet: sa maitresse, une prostituée nommée Janice, risque d'être la prochaine proie du tueur en série. Mais Janice refuse le confort protecteur du policier et continue son propre combat: mener sa vie comme elle l'entend, ce qui alimentera l'angoisse du jeune policier. Fraser est aussi le père d'un petit garçon et d'une femme qu'il ne veut surtout pas blesser. Toutefois les événements le forceront à faire des choix. Fraser sera témoin de la corruption de ses pairs, de leur cruauté envers les Noirs et les prostituées, entre autres.

Jack Whitehead, après avoir perdu sa femme dans des circonstances qui ne nous sont que suggérées, a sombré encore plus dans l'alcool et une certaine forme d'apathie avoisinant la dépression. Il reviendra au travail, créant la surprise de ses connaissances et répondant à l'appel de son patron. Comme Fraser, il trouvera du réconfort dans les draps d'une prostituée qui a survécu à l'attaque du tueur. Mais il est hanté par la mort, le sang, la violence qu'il a si longtemps décrite. Toute sa narration est empreinte d'une sorte de remords, d'une quête désespérée de rédemption. C'est à lui que l'Éventreur du Yorkshire enverra ses messages. Jack Whitehead se trouve fasciné par Jack L'Éventreur; celui qu'on appelle l'Éventreur du Yorkshire a trouvé une oreille à ses appels. En envoyant ses missives au célèbre journaliste, il veut qu'on comprenne les raisons de ses meurtres rituels.
Whitehead est un personnage intéressant et complexe. Loin du héros sans reproche et courageux, il n'en demeure pas moins "touchant"; j'allais dire plus "humain", comme si, pour mériter l'adjectif, il fallait accepter les travers, les faiblesses, quelques aspérités un peu moins nobles. Si tel est le cas, Whitehead, comme les personnages de Peace, sont sur-humains. Le destin du journaliste, surtout avec la dernière scène que je ne révèlerai pas, est troublant. Sachez toutefois que le révérend Martin Law (la Loi) y joue un rôle troublant.

Le récit se divise en 5 parties, constituées chacune de 5 chapitres (1- Cadavres; 2- Policiers et voleurs; 3- God Save The Queen; 4- Comment je m'appelle ?; 5- Les damnés), de plus en plus courts au fil des pages. Y a-t-il là une signification à cette séquence ? Les nombres, comme le double sept du 1977, évoquent chez les personnages une signification : l'annonce d'un drame, d'une tragédie, d'une apocalypse. Le ton est aussi dérangeant que dans 1974; les évocations glauques qui imprègnent, suintent, ne laisseront aucun lecteur indemne.
"Il pleuvait comme vache qui pisse.
De vrais putains de rideaux sur les six voies d'autoroute, désertes à cause du Jubilé.
Sur les Moors, d'un bout à l'autre des Moors, sous les Moors." p.166

Kaftoli - Laval - 59 ans - 11 juillet 2012


de pire en pire 9 étoiles

Après 1974, Peace tape encore plus fort avec ce 1977, nouvel opus sur fond d'un Leeds décadent où se côtoient chômage, drogue, délinquance, prostitution......

Journalistes et flics s'entraident (ou se tirent dans les pattes??) pour démasquer le nouveau "Jack l'éventreur".

Roman noir, vraiment dur qui sent le soufre, le sang, la bile. Rien n'est beau, tout est sombre mais bon sang que c'est bon, que c'est bien écrit, bien tourné. Alors OK il est parfois difficile de suivre le fil, les personnages sont nombreux, aux noms ressemblants et les narrateurs changent successivement (un journaliste nommé Whitehead est l'un des narrateurs alors qu'il ne l'est pas du tout dans le premier opus).

En deux mots c'est de plus en plus cru, noir, glauque mais on en redemande, allez je plonge dans 1980 de suite.....

Clubber14 - Paris - 44 ans - 21 décembre 2010


Un grand roman noir 9 étoiles

Les grands romans noirs ont toujours quelques chose de plus à raconter qu'une simple histoire policière.

Ici tout commence en Angleterre en 1974 et commence comme une banale histoire de sérial killer. Mais petit à petit la corruption des êtres et des âmes se révèle, les personnages attachants ou repoussant sont tous éminemment faillibles.

Bref ce livre parle des noirceurs de l'âme humaine, des bons qui ne le sont pas forcément bref c'est noir, très noir.

L'écriture est plutôt travaillée et il y a des passages vraiment réussis même si le style demande une petite adaptation.

Peace est dans la lignée d'Ellroy ou pour rester dans les anglais Robin Cook (pas celui qui fait des polars en milieu hospitalier, le vrai le romancier noir)

CptNemo - Paris - 50 ans - 24 avril 2006