L'homme licorne
de James Lasdun

critiqué par Aaro-Benjamin G., le 24 mai 2005
(Montréal - 55 ans)


La note:  étoiles
Processus compulsifs
Lasdun est surtout reconnu pour la nouvelle « Besieged » qui a inspiré le film de Bertolucci du même nom. Ce roman « L’homme licorne » a aussi eu un certain succès d’estime.

Tout comme l’auteur, le narrateur est un anglais habitant New York, un homme torturé, solitaire, vivant dans un monde déconnecté de la réalité dans lequel il nous entraîne. Le suspense est construit à partir d’événements inexpliqués - un signet qui se déplace dans un livre, une barre de fer trouvée, une femme mystérieuse croisée dans la rue. Sachant que notre narrateur consulte une psychanalyste, on vient à douter de ses confidences et on identifie immédiatement les indices d’une santé mentale chancelante.

Dès le début, l’écriture solide fait penser à Auster, une touche d’angoisse à Kafka et le style du récit à Modiano. Toutefois, dans tous les cas, ce n’est jamais aussi réussi.

Essentiellement, un thriller psychologique, le récit flirte parfois avec la satire du politiquement correct. C’est définitivement une expérience étrange, mais pour moi, mitigée. Tout au long, j’ai eu l’impression de jouer avec les pièces incongrues d’un grand puzzle pour arriver à une résolution pas très claire.

Lasdun a une belle plume et ceux qui aiment les histoires oscillant entre le rationnel et le surréalisme y trouveront leur compte.
Une étrange affaire 8 étoiles

Des objets a priori sans importance – une pièce de monnaie, un marque page, une facture de téléphone - ne sont plus à leur place. Sans importance sauf pour Lawrence Miller le héros et narrateur de l’intrigue.
Une ambiance intrigante se tisse au fil des pages. Un thriller psychologique captivant. L’écriture est précise, souple et subtile. On regrette les seulement deux cent vingt pages.

Ravenbac - Reims - 59 ans - 28 juillet 2014


L'impression de devenir fou 7 étoiles

Un objet qui change de place, on pense qu'on s'est trompé, puis on réfléchit et on se dit que peut-être on devient fou. Ou que quelqu'un vous joue des tours. Ou que... et vous ne savez plus.
Bienvenue dans le monde cruel de l'introspection psychologique!
Lawrence Miller est un homme qui souffre. De lubies, de paranoïa, de délire, de visions, de persécution... et surtout d'un manque d'amour et de confiance en soi. Un type que James Lasdun a vite fait de rendre sympathique aux yeux de son lecteurs d'une certaine manière, le coup classique du héros avec lequel on se sent proche ou solidaire. Rien à dire, ça marche et plutôt bien.
On pourrait reprocher à Lasdun de se contenter de ce tour de passe-passe bien connu et de rôder une mécanique bien huilée. C'est vrai.
On pourrait aussi lui reprocher d'explorer certains clichés tels que le ultra politiquement correct en matière de relations sentimentalo-sexuelles entre professeurs et étudiantes. C'est vrai aussi.
Mais c'est cependant plus que tout cela. Lasdun se fait plaisir, on le sent, il joue avec habileté de tous ces méandres psychologiques et on sent qu'il aime promener et manipuler le lecteur. Et puis l'ironie et la causticité avec lesquelles il dénonce, l'air de rien, le conformisme étouffant qui gangrène une certaine partie de la société américaine, new-yorkaise y comprise (malgré sa réputation d'avant-gardiste), c'est une partie de plaisir qu'on ne refuse pas, surtout avec une écriture aussi soignée.

Sahkti - Genève - 50 ans - 6 avril 2006